Reprise : le fossé béant entre les Etats-Unis et l'Europe persiste

Même si la vaccination s'est accélérée en Europe, la croissance ne devrait pas retrouver son niveau d'avant crise avant 2022 estiment la plupart des économistes. Aux Etats-Unis, la vaccination accélérée et les immenses plans de relance de l'administration Biden ont clairement boosté la confiance chez les consommateurs américains.
Grégoire Normand
Joe Biden et Angela Merkel doivent se rencontrer au sommet du G7 ce week-end au Royaume-Uni.
Joe Biden et Angela Merkel doivent se rencontrer au sommet du G7 ce week-end au Royaume-Uni. (Crédits : Reuters)

Alors que les grandes puissances du G7 se réunissent ce week-end en Cornouailles au Royaume-Uni pour évoquer notamment la relance économique, le risque de divergence entre les deux rives de l'Atlantique s'est accentué. Les gigantesques plans de relance aux Etats-Unis annoncés par le président Biden ont boosté la confiance des milieux économiques et des consommateurs américains. En Europe, le premier semestre 2021 a été marqué par un durcissement des règles sanitaires et de nouvelles vagues épidémiques repoussant sans cesse le début d'une reprise économique tant espérée.

"La dynamique s'améliore aux Etats-Unis et en zone euro. Le retour au niveau pré-pandémique en zone euro est prévu au premier trimestre 2022 en raison notamment du retard pris dans le stimulus budgétaire et des restrictions durant le premier semestre 2021. Aux Etats-Unis, ce retour devrait avoir lieu avant la fin de l'année" a expliqué Michel Martinez, chef économiste à la Société Générale en charge de l'Europe lors d'un point presse ce vendredi 10 juin.

Un risque de décrochage de l'Europe, une sortie de crise plus rapide aux USA

Si la pandémie a frappé tous les continents, certains pays ont été touchés plus que d'autres. En zone euro, la plupart des grandes puissances (France, Italie, Espagne et Allemagne) ont toutes été touchées par un recul important de l'activité en 2020. La mise en place de mesures drastiques de confinement suite au désastre sanitaire ont fait plonger l'activité à un niveau record. Après avoir assombri leurs perspectives économiques, la plupart des conjoncturistes ont néanmoins révisé leurs prévisions de croissance à la hausse pour la zone euro. Dans ses dernières prévisions dévoilées ce jeudi 10 juin, la Banque centrale européenne (BCE) table sur une croissance de 4,6% en 2021 et 4,7% contre respectivement 4% et 4,1% en mars dernier. L'OCDE a également relevé ses projections dernièrement comme le montre le graphique ci-dessous.

Aux Etats-Unis, la FED et le FMI s'attendent à une croissance de l'ordre de 6%. "Les États-Unis devraient connaître une sortie de la crise plus rapide que les autres pays" rappelaient récemment une note des économistes de la direction générale du Trésor. Ces divergences pourraient encore accroître le risque de décrochage de la zone euro.

Des dégâts encore difficiles à mesurer, des plans de relance divergents

Le déploiement d'un arsenal important d'outils en Europe pour protéger le tissu productif et une grande partie de la population active a permis d'éviter un cataclysme pendant les premiers mois de la crise. La levée de ces aides pourrait laisser apparaître des dégâts considérables sur tout le continent. La plupart des économistes s'attendent à des faillites et des destructions de postes sans vraiment se prononcer sur des prévisions solides. Les économistes de l'institut des politiques publiques (IPP) en France expliquaient récemment dans une note que les prêts garantis par l'Etat (PGE) avaient considérablement limité le nombre de faillites à court terme mais s'interrogeaient sur les effets de long terme. Certains chercheurs s'attendent notamment à un effet de "rattrapage" des défaillances qui n'ont pas eu lieu en 2020.

Aux Etats-Unis, la pandémie a provoqué d'immenses dégâts sur le marché du travail avec des cascades de faillites et de destructions d'emplois en 2020. L'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche a sans aucun doute changé la donne sur le plan économique par rapport à son prédécesseur Donald Trump. La vaccination accélérée de la population américaine a permis une réouverture plus rapide de l'économie. En outre, même si les débats au Congrès freinent leur mise en oeuvre, l'annonce des plans de relance destinés à soutenir la demande, des investissements importants dans les infrastructures et la transition écologique ont dégagé l'horizon économique. En Europe, les premiers subsides du plan de relance de 750 milliards d'euros sous forme de prêts et de subventions ne devraient tomber qu'au mois de juillet. "Le plan de relance américain est sans commune mesure avec le plan de relance européen (14% du PIB contre 37% du PIB ).Ce qui est important est que la philosophie est tout à fait différente. La politique budgétaire aux Etats-Unis vise la stabilité et l'augmentation de la croissance potentielle" a déclaré Mathilde Lemoine, cheffe économiste du groupe Edmond de Rothschild lors d'une réunion organisée par l'association des journalistes économiques et financiers (AJEF) ce jeudi 10 juin.

L'inflation très surveillée outre-Atlantique

L'évolution de l'indice des prix à la consommation (IPCH) est très scrutée aux Etats-Unis. Avec le redémarrage rapide des moteurs de l'économie et la flambée des prix, certains économistes n'ont pas hésité à parler d'un risque de "surchauffe". L'économie américaine connaît en effet des effets de "friction" entre l'offre et la demande. Ce qui n'est guère surprenant en période de reprise. La levée des mesures d'endiguement nécessite forcément une réadaptation des facteurs de production outre-Atlantique après de longs mois de restriction. En outre, les perturbations du commerce mondial et les pénuries de composants ont fait grimper les prix des véhicules d'occasion et de location en raison notamment de l'incapacité de l'industrie automobile à répondre à la demande de véhicules neufs.

"L'économie américaine est sous pression. Pour l'instant, il n'y a pas de dérapage inflationniste mais il existe un faisceau d'indices. L'accélération de l'inflation sous-jacente est concentrée sur quelques secteurs comme les véhicules d'occasion, les véhicules de location. Pour l'instant, ce sont surtout des effets de base et des effets de rattrapage. Les goulets d'étranglement ne m'inquiètent pas forcément. En revanche, les difficultés sur le marché du travail américain pourraient être durables. Il n'y a pour l'instant pas de spirale inflationniste à l'œuvre aux Etats-Unis" expliquait l'économiste en chef d'Axa Gilles Moëc lors d'un récent point presse.

En Europe, si des secteurs connaissent des hausses des prix qui pourraient se répercuter sur les prix à la consommation, la plupart des économistes ne sont pas vraiment inquiets. La reprise amorcée depuis quelques semaines ne devrait pas suffire à rejoindre le niveau d'activité pré-pandémique avant plusieurs mois. "Il ne faut pas lire la trajectoire européenne à la lumière de l'expérience américaine. L'Europe connaît également des effets de base mais nous ne sommes pas du tout dans des conditions de quasi surchauffe. L'Europe est sortie de l'ornière et elle est désormais en territoire d'expansion mais le fossé transatlantique devrait rester important dans les mois à venir. Il n'y a pas encore de rattrapage par rapport au niveau de confiance des entreprises atteint aux Etats-Unis" ajoute l'économiste.

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 13/06/2021 à 10:48
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On a décroché depuis le numérique on ne fait plus que perdre du terrain du fait de nos deux grosses vieilles mamelles que sont le dumping fiscal et le dumping social, logique.

à écrit le 12/06/2021 à 10:20
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La différence est que les 7usa se fichent de leur endettement et que pour eux «  le dollar c est le bon problème des autres pas le leur  »... bien loin de l à notion budgétaire allemande et des pays scandinaves ... par conséquent la reprise us est là...

à écrit le 12/06/2021 à 8:38
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Le problème est que les USA avancent pendant que l'UE fait des normes. Quand est-ce que l'UE défendra l'idée d'une souveraineté raisonnée et d'une certaine autarcie.

à écrit le 11/06/2021 à 21:40
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L'Europe, et en particulier l'Allemagne, a fait allégeance aux Etats unis en 1943. Manquerait plus que le maître laisse l'élève le dépasser. Heureusement la médiocratie politique européenne tient bien la barre.

à écrit le 11/06/2021 à 18:08
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Si la reprise, c'est faire comme avant, c'est à dire aller " bouffer" chez MacDo, prendre l'avion pour aller partout et surtout n'importe où, redoubler d'activité dans l'Internet, les réseaux sociaux, les "applis !", acheter à tout va sur Amazon des ...

à écrit le 11/06/2021 à 17:30
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L'entente se fait par l'OTAN, le reste n'est que communication pour maintenir une certaine fibre patriotique!

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