Turquie : malgré la hausse des taux, l'inflation continue de grimper et fragilise le pouvoir

La Turquie subit toujours de plein fouet la hausse des prix qui s'est de nouveau accélérée en mars sur un an. Dimanche, les Turcs, en première ligne face à l'inflation, ont sanctionné le parti AKP du président Recep Tayyip Erdogan aux élections municipales en élisant le parti de l'opposition.
Un groupe d'économistes indépendants (Enag) estime pour sa part que l'inflation a atteint 124,63% sur douze mois en mars en Turquie.
Un groupe d'économistes indépendants (Enag) estime pour sa part que l'inflation a atteint 124,63% sur douze mois en mars en Turquie. (Crédits : CAGLA GURDOGAN)

L'inflation continue son ascension en Turquie. Elle s'est légèrement accélérée en mars à 68,5% sur un an contre 67,1% en février, selon les données officielles publiées ce mercredi par l'institut de statistiques turc (Tuik). Sur un mois, les prix ont grimpé de 3,16% par rapport à février.

Ces chiffres qui pourraient toutefois être bien en deçà de la réalité selon un groupe d'économistes indépendants (Enag) qui estime que la hausse des prix a atteint 124,63% sur un an le mois dernier en Turquie, avec une croissance de 5,68% sur un mois.

Dans le détail, l'augmentation des prix, alimentée par la dévaluation quasi continue de la livre turque, touche particulièrement l'éducation (+140,1%), la santé (+80,25%), les transports (+79,9%) et l'alimentation (+70,4%), selon les données officielles.

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Un taux directeur à plus de 50%

Pour contenir l'inflation, la banque centrale turque a décidé fin mars de remonter le taux directeur de 5 points pour atteindre 50%, son plus haut niveau depuis l'arrivée au pouvoir du président turc en 2003. Elle l'avait déjà fait grimper de 8,5% à 45% entre juin et janvier. À titre de comparaison, ils sont compris entre 4 et 4,75% dans la zone euro et entre 5 et 5,25% aux Etats-Unis.

Et ce pourrait ne pas être la dernière fois que la banque opère un resserrement de sa politique monétaire. L'institution a, en effet, indiqué prévoir de nouvelles hausses des taux en cas de « détérioration significative et durable de l'inflation ».

Pourtant, le chef de l'Etat turc est un opposant historique aux taux d'intérêt élevés. En 2022, il avait, en effet, demandé, à plusieurs reprises, à la banque centrale d'abaisser son principal taux directeur qui avait ainsi atteint moins de 9%. Selon Erdogan, ce sont justement des taux d'intérêt élevés qui favorisent l'inflation

Mais la hausse incontrôlée des prix à la consommation l'a poussé à se rallier à une politique de resserrement monétaire. D'autant qu'une telle politique n'a pas été sans conséquence pour la livre turque qui s'est effondrée. Pour tenter de soutenir celle-ci ces deux dernières années, la Banque centrale aurait alors, selon les estimations, dépensé plus de 200 milliards de dollars. Pour autant, elle a encore perdu, en février, plus de 40% de sa valeur sur un an face au dollar.

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Débâcle du parti AKP

Malgré le revirement récent de la politique monétaire, la flambée des prix à la consommation est citée comme l'une des principales causes de la débâcle du parti AKP au pouvoir lors des élections municipales dimanche. En effet, le président turc Recep Tayyip Erdogan a concédé la victoire historique de l'opposition à ces élections, qui constituent selon lui un « tournant » pour son camp, au pouvoir depuis 2002.

« Les changements les plus importants en Turquie interviennent quand les gens ne peuvent plus assurer leur quotidien, quand ils n'arrivent plus à manger », a ainsi commenté Ali Faik Demir, professeur à l'université Galatasaray d'Istanbul.

Le principal parti de l'opposition, le CHP (social-démocrate), a donc revendiqué sa victoire à Istanbul et Ankara, les deux plus grandes villes de Turquie et raflé de nombreuses autres, comme Bursa, grosse ville industrielle du nord-ouest acquise à l'AKP depuis 2004.

(Avec AFP)

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