La France persiste et signe : elle souhaite relancer le projet de l'union des marchés de capitaux (UMC), le vieux serpent de mer oublié lors de la construction de l'euro et de l'union bancaire. Le président français Emmanuel Macron a ainsi remis l'ouvrage sur le métier lors d'un message vidéo diffusé ce mardi lors de la conférence annuelle de l'opérateur boursier paneuropéen Euronext.
« Il est urgent de réaliser des avancées concrètes vers une union des marchés de capitaux au niveau européen », a lancé le président, qui estime que ce sujet « devrait être une priorité pour la prochaine mandature » de la Commission européenne. La France, a-t-il dit, souhaite « discuter avec nos partenaires de produits d'épargne harmonisés au niveau européen pour financer nos entreprises en fonds propres » et « progresser vers une supervision unique » des infrastructures de marché. Autant de sujets qui sont loin d'être consensuels au sein des États Membres.
Nombreux obstacles
La diversité des régimes fiscaux de l'épargne, la volonté politique (et des acteurs) de conserver des autorités et des réglementations nationales, mais aussi l'absence d'investisseurs pan-européens de long terme (en clair des fonds de pension européens), sont autant d'obstacles à la création d'un marché unique des capitaux. Du coup, les meilleures volontés des uns s'épuisent sur l'inertie des autres. Ce qui n'empêche pas l'idée de resurgir à la veille d'élections européennes. Déjà en 2019 la France avait tenté de relancer une meilleure harmonisation des réglementations financières européennes. Sans grand résultat.
Les immenses besoins en capitaux des entreprises pour financer la transition énergétique pourraient cependant changer la donne. L'équation est simple : les besoins additionnels d'investissement public et privé en France sont estimés à 66 milliards d'euros par an d'ici 2030 en France, selon le rapport Pisani/Ferry/Mahfouz et la Commission européenne a estimé à 620 milliards d'euros par an (soit 4% du PIB) les investissements nécessaires au niveau de l'Europe.
Des montants astronomiques que ni la puissance publique, ni les banques ne peuvent financer à elles-seules. Rappelons qu'en Europe, 80% des besoins de financement des entreprises sont assurés par des crédits bancaires (qui restent en très grande majorité au bilan des banques) et 20% par les marchés. Aux Etats-Unis, c'est exactement l'inverse.
Mobiliser la Caisse des dépôts
D'où la nécessité de relancer un grand marché financier unique capable d'attirer l'épargne européenne et d'absorber cet immense besoin de financement des entreprises.
C'est dans cet esprit que le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a lancé en début d'année une mission de réflexion sur ce projet européen, confiée à Christian Noyer, gouverneur honoraire de la Banque de France. Parallèlement, une proposition de loi présentée par le député Renaissance, Alexandre Holrovd, sur l'attractivité de la place financière de Paris, commence à déblayer également un peu le terrain.
Fléchage de l'épargne
En attendant, le président a présenté de nouvelles initiatives pour « faciliter le financement de marché » des entreprises françaises, en particulier les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaires). Emmanuel Macron envisage de mobiliser la Caisse des dépôts (CDC) via un programme d'investissement de 500 millions d'euros, avec des fonds d'investissement présents dans le non coté.
Le président a également évoqué une « simplification » des critères d'éligibilité aux plans d'épargne en actions de PME ou une meilleure allocation des ressources des plans d'épargne retraite (PER) vers les PME ou les ETI. La loi industrie verte prévoyait déjà « une mesure d'orientation » de cette épargne vers les entreprises, mais « une partie de ce fléchage sera consacrée aux entreprises cotées », a indiqué Emmanuel Macron.
D'autres mesures de simplification administrative, notamment pour faciliter les entrées en Bourse, s'ajouteront à ce dispositif et la proposition de loi sur l'attractivité de la place de Paris prévoit de favoriser le développement des actions à droits de vote multiples, «une avancée très attendue, en particulier, par nos start-up», selon le président.
(avec AFP)
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