Turquie : face à une inflation qui atteint toujours des records, la banque centrale remonte son principal taux à 50%

Alors que le président Recep Tayyip Erdogan imposait ces dernières années une baisse des taux malgré l'envolée des prix, la banque centrale turque a finalement entrepris de relever drastiquement son principal taux directeur. Ce jeudi, elle a annoncé une nouvelle hausse de 5 points, indiquant que d'autres pourraient suivre en cas de « détérioration significative et durable de l'inflation ».
La banque centrale turque avait laissé ses taux inchangés en février dernier.
La banque centrale turque avait laissé ses taux inchangés en février dernier. (Crédits : Umit Bektas)

C'est une inflation record à laquelle la Turquie doit encore faire face : la hausse des prix, qui n'a de cesse de s'accélérer, atteint ainsi près de 70% sur un an, alimentée par la chute de la livre turque, qui a perdu plus de 40% de sa valeur sur un an face au dollar. « En réponse à la détérioration des perspectives d'inflation, le Comité (de politique monétaire, ndlr) a décidé de relever le taux directeur », a donc annoncé, ce jeudi, la banque centrale turque.

Alors qu'elle avait opté, en février, pour le laisser inchangé, elle a finalement opéré un nouveau resserrement monétaire, ce jeudi. Elle a ainsi entrepris de relever son principal taux directeur de 5 points, à 50%, soit le plus haut niveau depuis l'arrivée au pouvoir du président turc en 2003. Elle l'avait déjà fait grimper de 8,5% à 45% entre juin et janvier. A titre de comparaison, ils sont compris entre 4 et 4,75% dans la zone euro et entre 5 et 5,25% aux Etats-Unis.

Lire aussiQuelles conséquences pour l'Europe si la Fed baisse ses taux après la BCE ?

Et ce pourrait ne pas être le dernier relèvement. L'institution a, en effet, indiqué prévoir de nouvelles hausses des taux en cas de « détérioration significative et durable de l'inflation ».

C'est une « décision extrêmement positive de la part de la banque centrale turque (...) montrant que [le ministre turc de l'Economie] Mehmet Simsek et la banque centrale ont les mains libres pour faire tout le nécessaire pour lutter contre l'inflation », a salué l'économiste Timothy Ash, de BlueBay Asset Management.

De leur côté, les économistes tablaient pour la plupart sur un maintien du taux directeur à dix jours des élections municipales du 31 mars dont le président Recep Tayyip Erdogan veut tirer profit pour reconquérir notamment Istanbul, la plus grande ville du pays.

Une politique à contre-courant des théories économiques

D'autant que le chef de l'Etat turc est un opposant historique aux taux d'intérêt élevés. En 2022, il avait, en effet, demandé, à plusieurs reprises, à la banque centrale d'abaisser son principal taux directeur qui avait ainsi atteint moins de 9%. Selon Erdogan, ce sont justement des taux d'intérêt élevés qui favorisent l'inflation. En outre, il estime que les baisser reviennent à encourager la croissance, l'emploi et les exportations en détriment de la stabilité des prix. A noter aussi, la Turquie a privilégié ces dernières années un modèle économique qui repose largement sur la consommation et l'investissement encourageant de vastes projets immobiliers, et donc fragilisé par une hausse des taux d'intérêt.

Lire aussiElections en Turquie : les ingrédients d'une crise économique annoncée

Cette politique a eu pour conséquence de voir la livre turque s'effondrer lorsque les Turcs, pour tenter de sauver leurs économies, ont commencé à acheter des dollars et de l'or, afin de se prémunir contre de nouveaux chocs économiques. La Banque centrale aurait, selon les estimations, dépensé plus de 200 milliards de dollars pour tenter de soutenir la livre turque au cours des deux dernières années.

La hausse incontrôlée des prix à la consommation a finalement poussé le dirigeant à se rallier à une politique de resserrement monétaire. Après sa réélection en mai dernier, il a donc placé une nouvelle équipe d'économistes respectés, formés à Wall Street et dans le privé, à la tête de la Banque centrale et du ministère de l'Économie qui a entrepris de relever les taux. Ces nouveaux responsables de l'économie ont ainsi tenté de rééquilibrer l'économie avec des solutions conventionnelles visant à atténuer la crise du coût de la vie et à mobiliser le soutien des investisseurs étrangers.

Démission à la tête de la banque centrale

Début février, un nouveau changement a néanmoins été opéré à la tête de la banque centrale turque. Hafize Gaye Erkan a démissionné à la suite d'un scandale impliquant sa famille. Elle a été accusée, dans la presse, par une ex-employée de l'établissement d'avoir accordé des avantages à sa famille au sein de l'institution. Des accusations qu'elle a niées.

Elle a depuis été remplacée par le vice-gouverneur, l'ancien économiste d'Amazon Fatih Karahan. Ce dernier a commencé sa carrière d'économiste à la Réserve fédérale de New York en 2012, avant de rejoindre la firme américaine en 2022, et la Banque centrale turque en juillet dernier. Une nomination par Erdogan qui semble confirmer l'orientation pro-marché du chef de l'Etat, après des années de crise économique.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 21/03/2024 à 16:55
Signaler
Lorsqu'on joue avec la masse monétaire, voilà ce qu'il advient.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.