Une légère récession, est-ce si grave ?

Le spectre d'une récession plane sur l'économie mondiale, notamment aux Etats-Unis et en Europe où l'Allemagne devrait connaître une baisse de son PIB de 0,3%, selon Berlin. Néanmoins, s'il se produit le recul de l'économie devrait être moins violent en 2023 qu'en 2009 ou 2020. Par conséquent, une récession serait-elle aussi catastrophique que ne l'affirment certains experts ? Analyse.
Les scénarios prévoient une récession modérée en 2023 en Allemagne.
Les scénarios prévoient une récession modérée en 2023 en Allemagne. (Crédits : Reuters)

Le mot s'invite à nouveau sur les lèvres des puissants de ce monde, patrons ou politiques. Le président Biden évoque « une très légère récession » comme quelque chose de « possible ». Le FMI juge que « beaucoup de gens auront le sentiment d'être en récession en 2023 » et que « le pire est à venir ». Pour l'emblématique PDG de JP Morgan Jamie Dimon, dernier patron vétéran de la récession de 2008 à Wall Street, « l'Europe est déjà en récession ». En France, Michel-Edouard Leclerc diffuse ses craintes sur les ondes. « J'ai peur de la récession », confesse-t-il cette semaine.

Le retour annoncé de la récession s'accompagne de son cortège de Cassandre et d'angoisses. Nombre d'articles titrent sur la « peur», « le pire » qui « guettent l'économie » mondiale « au bord de la récession » comme si elle s'apprêtait à basculer dans le vide. Si récession il y a, la violence du choc dépendra évidemment de la hauteur de la chute. En 2009, après la crise des subprimes, le PIB avait reculé de 4,5% dans la zone euro, ou de 6,1% en 2020. Aujourd'hui, les prévisions tablent sur une décroissance de 0,3% en 2023 chez le mauvaise élève allemand (et sur une légère hausse de la croissance de 0,5% dans l'ensemble de la zone euro). Une telle récession, modeste, est-elle si grave ?

Des dégâts inévitables

La récession n'est pas un épouvantail pour rien, et fait des dégâts même à court-terme. Une contraction du PIB sur deux trimestres consécutifs (définition officielle de la récession) provoque un recul de l'investissement et de l'emploi. « Il y a parfois un temps de transmission qui fait que les effets d'une récession ne sont pas toujours perceptibles immédiatement, mais son impact est indéniable », explique l'économiste Nicolas Goetzmann de la Financière de la Cité.

« Une contraction de l'activité économique (même légère) se traduit généralement par une destruction d'emploi. Il y a alors un peu de « casse sociale ». Et cela a un impact même pour les travailleurs qui restent en emploi », poursuit l'économiste Jérôme Mathis. Selon l'universitaire, l'enjeu est surtout que l'activité rebondisse vite pour que la récession ne reste qu'un soubresaut sur une courbe ascendante du PIB. « Une petite récession de courte période est facilement rattrapable. Les infrastructures sont en place, les structures sont opérantes, les recettes de cuisine sont connues et les travailleurs n'ont pas eu le temps de perdre en qualification », observe-t-il. En témoignent les reprises spectaculaires post-covid en 2021 (avant d'être rattrapées par l'inflation).

Malheur en revanche aux économies où la récession s'installe. « Une récession inquiète parce qu'elle peut nous engager dans un cercle vicieux où le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur », averti Jérôme Mathis. Les entreprises qui vendent moins ont tendance à cesser d'embaucher voire à licencier. Les chômeurs consomment moins, ce qui réduit les commandes des entreprises. Ces épisodes de récession laissent parfois des stigmates indélébiles. Le chômage de masse qui frappe la France depuis un demi-siècle prend racine dans la récession consécutive aux chocs pétroliers.

Empêcher la récession de s'installer

En réponse, les gouvernements s'activent toujours plus vite pour ne pas s'enliser dans la récession. L'économie est aussi une discipline empirique et chaque récession dans le passé nourrit l'expérience des gouvernements. En Europe, et dans une moindre mesure aux Etats-Unis, les Etats promettent protection et relance de l'économie dès les premiers effets d'une récession dans une logique keynésienne toujours plus assumée.

Le « quoi qu'il en coûte » marque l'acmé de cette volonté constante d'amortir les chocs économiques. A la demande des consommateurs et des entreprises qui sollicitent immédiatement, voire avant même le choc, les filets de sécurité de l'Etat. Quand le patron de Leclerc Michel-Edouard Leclerc fait état de « sa peur de la récession », il adresse un message de secours à l'Etat. « Nous demandons... », s'empresse-t-il de clamer pour obtenir davantage d'aides publiques sur les factures énergétiques.

La déflagration d'une récession n'est ainsi pas la même selon les Etats, et surtout selon les économies. Exprimée en pourcentage, la récession reste une performance relative à la taille du PIB. Tous les pays ne partent ainsi pas des mêmes sommets. Une économie lancée à pleine vitesse, au bord de la surchauffe, peut se permettre de ralentir temporairement. C'est moins souhaitable quand une économie fait du surplace. Ainsi en est-il des situations opposées des Etats-Unis et de la zone euro, confrontée au même risque de récession.

Pas tous égaux face à l'inflation

« En cas de récession, il y a beaucoup moins d'inquiétude à avoir pour les Etats-Unis qui ont rattrapé le recul de 2020 de leur PIB en seulement un an, contre deux pour la zone euro. Jusqu'au début de l'année, l'économie américaine tournait au-delà de son potentiel. C'était tonitruant et cela a d'ailleurs généré de l'inflation. L'Europe, elle, évoluait en dessous de son potentiel jusqu'à la crise énergétique », compare l'économiste Nicolas Goetzmann.

L'économiste redit cependant l'importance du PIB et de sa croissance comme « outil de mesure formidable», bien qu'il faille s'appuyer sur d'autres indicateurs comme le chômage ou l'inflation pour saisir une crise économique. « Même s'il donne parfois une lecture partielle des situations, la croissance du PIB reste très utile aux politiques publiques, que ce soit l'Etat pour établir son budget et gérer ses finances publiques ou les banques centrales », rappelle-t-il.

Les banques centrales ajustent leur resserrement monétaire en fonction des variations du PIB. Désormais, Christine Lagarde et Jerome Powell avertissent de la récession à venir, considérant qu'elle est un mal nécessaire pour tuer l'inflation. A condition qu'elle ne s'installe pas.

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