« La fiscalité actuelle de la Corse ne remplit pas ses objectifs » (Eric Coquerel, président de la Commission des finances à l'Assemblée)

ENTRETIEN - Le député LFI dresse le bilan de la mission de deux jours menée en Corse par la délégation de la Commission des finances de l’Assemblée nationale qu’il préside. L’évolution fiscale paraît indissociable du statut d’autonomie, actuellement en gestation.
« À mes yeux, les deux conditions sont réunies pour doter la Corse d'un statut spécifique : une multiplication de singularités fortes et la volonté du peuple », a indiqué le député La France insoumise.
« À mes yeux, les deux conditions sont réunies pour doter la Corse d'un statut spécifique : une multiplication de singularités fortes et la volonté du peuple », a indiqué le député La France insoumise. (Crédits : Christian Buffa)

LA TRIBUNE - Quel sens donnez-vous à la mission en Corse de la Commission des finances de l'Assemblée nationale ?

ERIC COQUEREL - La perspective d'un nouveau texte législatif amène systématiquement la Commission des finances à organiser des auditions de personnes susceptibles de nourrir sa réflexion et ses arguments. Là, c'est le même principe, sauf que nous sommes venus sur place prendre le pouls dans l'éventualité d'un changement statutaire. Nous n'étions pas là pour négocier dans le cadre du processus en cours, mais pour anticiper sur une potentielle législation fiscale, car ce qui existe aujourd'hui en termes de fiscalité n'est, à l'évidence, pas satisfaisant.

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Quel bilan global tirez-vous de cette visite marathon de deux jours ?

Tous les objectifs ont été atteints. Nous repartons avec une vue, sinon complète, du moins synthétique de la situation fiscale de la Corse, mais aussi des problèmes relatifs au foncier et à l'indivision, à la difficulté de se loger, aux aléas du transport, à la gestion délicate des déchets, au fait qu'en dépit d'un taux de TVA réduit, nombre de produits sont plus chers que sur le Continent.

Il y a aussi la problématique de développement très différencié entre le littoral et l'intérieur et rien que pour ça, il fallait être sur place pour la saisir dans toute sa complexité. J'ajoute que la Corse compte des personnalités politiques de grande valeur. Aucun de nos interlocuteurs, du maire du petit village rural au président du Conseil exécutif, n'a omis de restituer son propos dans son contexte historique, preuve d'un savoir, d'un discernement et d'un souci de l'intérêt général profondément ancré en chacun d'eux.

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Au final, une évolution statutaire vers l'autonomie vous paraît-elle utile ?

Là, c'est le député LFI qui parle. Voilà longtemps que nous nous sommes prononcés en faveur d'une évolution de l'article 74 de la Constitution, car à bien des égards, la situation de la Corse ressemble à celle des territoires ultramarins. Ce que nous ne voulons pas, c'est une modification qui disloque le cadre d'une République une et indivisible.

À mes yeux, les deux conditions sont réunies pour doter la Corse d'un statut spécifique : une multiplication de singularités fortes et la volonté du peuple. Cela fait plusieurs élections que l'autonomie suscite une adhésion largement majoritaire. On ne peut pas faire comme si elle n'existait pas.

Vous avez longuement échangé avec Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse. Que vous a-t-il appris que vous ne sachiez pas ?

Déjà une chose par rapport au but de notre déplacement : les dérogations fiscales, en théorie avantageuses pour la Corse, ne remplissent pas leur objectif. Je citerai les crédits d'impôts mal ciblés et mal adaptés. Nous allons demander des éclaircissements à l'État, car il n'est pas certain que tous les flux financiers produits par ces dotations et ces dérogations restent en Corse. On doit aussi s'interroger, pour certains secteurs, sur le rôle joué par des monopoles privés.

Le principal marqueur de l'autonomie, c'est le pouvoir législatif. Dans les tuyaux, figure une habilitation générale pour adapter les lois. La production de textes législatifs serait limitée et encadrée : ce scénario vous convient ?

Oui, il me convient et apparemment, tout le monde semble l'accepter dès lors que nul ne souhaite s'affranchir du cadre républicain. Par contre, la question, essentielle, en suspens est la suivante : qui habilite et qui décide de ce qui relève du ressort d'une création législative, le Parlement ou la Collectivité de Corse ? Tout doit aussi être encadré par un principe de non-régression sociale et écologique.

Les lois créées ou adaptées doivent aller dans un sens de progrès, pas vers quelque chose qui transformerait la Corse en une gigantesque zone franche, même teintée de vert. L'Assemblée de Corse a mis des garde-fous, mais on ne sait pas qui saisira les rênes du pouvoir à l'avenir...

Un pays viscéralement jacobin peut-il seulement admettre le terme d'autonomie dans son lexique républicain ?

Ne caricaturons pas non plus le jacobinisme. La République n'est pas une contrainte, mais la promesse de liberté, d'égalité et de fraternité sur tout le territoire. À partir du moment où elle est attaquée par des politiques néolibérales qui la fissurent, des populations peuvent y trouver moins d'avantages. On ne peut pas contraindre un peuple qui s'exprime à 70% en faveur d'une autonomie. C'est à la République de toujours montrer qu'elle est le régime idéal pour y répondre, un régime supérieur à ce qui serait une juxtaposition de communautés.

L'ancien Premier ministre Manuel Valls, opposé à l'autonomie de la Corse, explique que la France n'est pas une addition de tribus...

Réduire la Corse à une tribu, c'est non seulement excessif, mais c'est très péjoratif vis-à-vis de tous les territoires français qui ont des singularités. La question n'est pas d'admettre que les communautés existent, elles existent, mais de faire en sorte qu'elles considèrent que leur intérêt est de rester dans le cadre républicain qui prémunit de tout phénomène tribal pour reprendre le mot de Manuel Valls qui fait partie de ces gens qui, en réalité, minent ce cadre.

Jean-Luc Mélenchon adhère à ce qui est une ligne rouge pour le gouvernement : le statut de résident qui donne accès à la propriété au bout de cinq ans de résidence. Vous êtes sur la même longueur d'onde ?

Absolument, si on n'est pas sur une base ethnique. Le statut de résident, c'est permettre aux gens de vivre et de travailler au pays, un vieux et sage slogan.

Sans même parler du Sénat, les groupes à l'Assemblée nationale sont sur la réserve. Vous pensez que c'est malgré tout jouable pour la Corse ?

Je vous fais une comparaison : tout le monde pensait que le Sénat ne voterait jamais la constitutionnalisation de l'IVG, mais le travail de sensibilisation a porté ses fruits. Là, de la même manière, la question est de savoir si on veut trouver une sortie par le haut à une situation compliquée, qui a connu une dimension dramatique, avec des interlocuteurs qui ont œuvré à un quasi consensus, avec la droite et les indépendantistes. Ceux qui vont dire non prennent une sacrée responsabilité.

La présence depuis deux législatures de trois députés nationalistes a-t-elle contribué à modifier le regard sur la Corse ?

Incontestablement. Le contact politique mais aussi humain avec ces trois députés puis avec Gilles Simeoni a beaucoup pesé dans cette évolution. Et c'est un ancien chevènementiste qui le dit...

Commentaires 16
à écrit le 28/03/2024 à 20:19
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bonjour, autonomie en corse, OK, l eau potable depand des bouteilles importées en bateaux, les croquettes pour chiens de chasses sont importées, pas de centres de soins pour les animaux domestiques etc etc etc ..... la drogue est importée, donc d...

à écrit le 14/03/2024 à 6:21
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Bonjour, l'évasion fiscale un des maux de notre pays... Alors certains petit malins souhaitent cree une zone de non droit sur l'impôt... si ils pouvaient vivre des gros multinationale qui viennent installé leur siege sociale comme un petit impots di...

à écrit le 13/03/2024 à 18:51
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Le Fisc en défaut quelque part en France? Impossible.

le 13/03/2024 à 20:09
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C'est voulu, tva réduite par rapport au continent, et pas de droits de succession.

le 13/03/2024 à 20:26
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Ca peut arriver, comme avec Jérôme Cahuzac dont les montages étaient très habiles, mais il avait un talon d'Achille, il avait besoin de la complicité de son épouse et leur divorce a fait apparaitre cette dernière dans les radars du fisc et elle l'a b...

le 14/03/2024 à 9:46
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@o: Ne confondons pas omission de déclaration et utilisation subtile de la réglementation.

le 14/03/2024 à 18:45
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@henry : Jérôme Cahuzac exploitait justement des failles dans l'application de la règlementation, alors que dans le cas corse, le fisc n'est pas pris à défaut, il applique des consignes venant d'en haut...

à écrit le 13/03/2024 à 18:37
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Le monsieur de LFI voudrait-il transformer la Corse en paradis fiscal? Si ce n'est déjà le cas pour certaines faveurs accompagnées d'un déficit de contrôle.

à écrit le 13/03/2024 à 18:03
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A revoir les attributions des transports avion et maritime . Pas de concurrence aussi peu. La Corse est trop dans la famille et pas assez dans le business concurrentiel.

à écrit le 13/03/2024 à 17:21
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Par ricocher, c'est Poutine qui va être content, il attend la dislocation de l'Europe, et cela commence par la France.

le 13/03/2024 à 19:04
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Tiens donc un agent infiltré de la 5e colonne !

à écrit le 13/03/2024 à 16:09
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s'ils veulent l'indépendance OK mais pas avec les fonds des métropolitains qu'on supprime toutes leurs subventions

le 13/03/2024 à 16:24
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polémique un rappel. le scandale des primes à la vache en CORSE ! pour éviter la fraude sont elles pucées désormais ,?

à écrit le 13/03/2024 à 16:02
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"(...) en dépit d'un taux de TVA réduit, nombre de produits sont plus chers que sur le Continent." Il faut déplacer une délégation de la Commission des finances de l’Assemblée nationale pour arriver à un tel constat, connu de tous, depuis très longte...

le 14/03/2024 à 11:00
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il y une autre explication bien plus simple: la corse ne produit rien et importe quasiment tout. donc ca coute forcement plus cher de tout faire venir par bateau et avion du continent

le 14/03/2024 à 18:10
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Réponse à @ cd : NON, en principe NON. La majorité des produits alimentaires sont franco de port, le transport du fret maritime, sur les lignes Marseille-Corse est subventionné, dans le cadre d'une Délégation de Service Public (DSP). Les propriétaire...

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