« La Corse autonome aura l’habilitation à adapter les textes législatifs » (Laurent Marcangeli, député Horizons)

ENTRETIEN - Président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli fait le point sur les modalités de l’inscription de la Corse dans la Constitution française et sur la trame du futur statut d’autonomie de l’île, au lendemain du dîner de travail place Beauvau, chez Gérald Darmanin. Une fois le texte constitutionnel finalisé, le député de Corse-du-Sud se propose d’en être le rapporteur.
Député de Corse du Sud, Laurent Marcangeli est aussi le président du groupe Horizons à l’Assemblée Nationale
Député de Corse du Sud, Laurent Marcangeli est aussi le président du groupe Horizons à l’Assemblée Nationale (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Les relations entre la Corse et le gouvernement ont été chaotiques tout au long du processus. Le dîner chez Gérald Darmanin a-t-il fait retomber le soufflé ?

LAURENT MARCANGELI - Depuis le début du processus, il y a deux ans, ma démarche a constamment eu pour dessein le rapprochement des points de vue et la recherche d'un climat d'apaisement. Le dîner place Beauvau montre que nous y sommes parvenus, la trame du texte constitutionnel a pris forme, mais le chemin est encore long. Le premier étage de la fusée, c'est la réforme de la Constitution...

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Comment le texte relatif à cette réforme se présente-t-il ?

Ce sera un article de plusieurs paragraphes. Le premier paragraphe consacre la communauté insulaire comme partie intégrante de la République, mais dotée de spécificités liées à son histoire, à sa culture, à sa langue, à son rapport à la terre et administrée selon un système d'autonomie.

Le deuxième paragraphe parle de la constitutionnalisation de l'expérimentation législative et réglementaire qui, bien qu'inscrite dans la loi de 2002, n'a jamais pu être appliquée en raison, justement, de ce vide juridique constitutionnel. La Corse comble ainsi un retard de plus de vingt ans auquel se sont heurtés tous les présidents successifs du Conseil exécutif jusqu'à Gilles Simeoni aujourd'hui.

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Le troisième paragraphe, le plus important de tous, ouvre la voie - sous réserve de révision constitutionnelle - à la loi organique qui matérialisera l'autonomie normative sur un certain nombre de domaines. À ce jour, c'est encore une feuille blanche.

De quels domaines pourrait-il s'agir ?

L'Assemblée de Corse en a évoqué plusieurs : l'urbanisme, le désordre foncier et la spéculation immobilière, le périmètre et le mode de fonctionnement de nos collectivités territoriales, la fiscalité... Le transfert de compétences en direction d'une Corse autonome s'effectuerait de manière progressive, sur quinze ou vingt ans, comme l'envisage l'Exécutif de Corse, avec des étapes régulières d'évaluation entre l'État et la Collectivité pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

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Peut-on parler pour autant d'un vrai pouvoir législatif pour un certain nombre de domaines de compétences ?

Le pouvoir d'adaptation législative serait global. La Corse aurait une habilitation pour adapter tous les textes législatifs et réglementaires aux contraintes et aux besoins du territoire. Mais il convient de faire la distinction entre adaptation des lois et production de lois. Cette dernière, qui serait un marqueur fort du statut d'autonomie, serait strictement encadrée, comme l'a expressément spécifié Gérald Darmanin : chaque texte sera soumis au Conseil d'Etat pour avis et au Conseil constitutionnel pour contrôle.

Dans une République jacobine, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ne vont-ils pas avoir la bride trop serrée ?

Il incombera aux élus de la Corse d'élaborer en toute responsabilité et connaissance de cause des textes qui ne donnent pas lieu à des retoquages.

Gilles Simeoni revendique un titre spécifique à la Corse dans la Constitution. Gérald Darmanin propose, lui, un simple article. Quelle est votre position ?

Si je me réfère à la déclaration du président de la République, le 28 septembre dernier, à Ajaccio, c'est un article dont il s'agit. Le ministre de l'Intérieur a même évoqué l'article 74-1. En toute franchise, ma religion n'est pas faite. Lorsqu'il en a été question la semaine dernière à l'Assemblée de Corse, je ne me suis pas prononcé. Je ne m'oppose pas par principe à un titre dédié à la Corse, je veux seulement comprendre l'efficacité supplémentaire que ce choix produirait. Et même là-dessus, les avis des experts constitutionnels divergent.

Tel que le texte constitutionnel s'esquisse, pensez-vous qu'il a une chance de passer l'épreuve du Sénat ?

À l'Assemblée nationale, comme au Sénat, ce ne sera pas un travail de tout repos. Il ne faut pas se leurrer. On ne touche pas à la loi fondamentale tous les quatre matins. Le mécanisme est lourd et compliqué, ne serait-ce que pour avoir une lecture en termes identiques des deux chambres avant même de se réunir en Congrès à Versailles.

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La dernière réforme de la Constitution, relative à la modernisation des institutions, date de 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy qui, malgré une majorité absolue au Parlement, a eu besoin du soutien de quelques opposants de gauche, dont celui d'un poids lourd, Jack Lang, pour atteindre la majorité des trois cinquièmes.

Vous êtes un pilier de la majorité présidentielle. Compte tenu de vos affinités politiques, notamment avec la droite, vous n'allez pas faire de lobbying ?

Je me suis proposé auprès du gouvernement, en cas d'accord politique finalisé sur le statut d'autonomie de la Corse, pour être le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale. Je maîtrise le sujet, et je pense pouvoir être utile dans ce rôle. Je n'en fais pas pour autant une condition sine qua non pour échanger avec les groupes parlementaires. Je veux avancer sur ce projet et je pense avoir quelques atouts pour le défendre. En tant que président de groupe, j'ai des rapports cordiaux avec l'ensemble des députés. J'ai la Corse chevillée au corps et au cœur, mais je ne me laisserai pas déborder par une certaine forme de passion. Je sais faire la part des choses...

Quand le Parlement sera-t-il en mesure de se réunir en Congrès à Versailles pour finaliser la réforme constitutionnelle ?

Nous en sommes encore loin. Ce ne sera pas au premier semestre, l'agenda avec les Jeux olympiques et paralympiques ne le permet pas. Dans le meilleur des cas, il faudra attendre la rentrée automnale. Au préalable, l'Assemblée de Corse va se prononcer avant la fin du mois de mars puis, dans la foulée, il y aura un examen du texte constitutionnel dans chacune des deux chambres, très probablement en avril-mai.

A quelle échéance le référendum local est-il prévu ?

Le référendum est prévu après la tenue du Congrès à Versailles et avant le vote de la loi organique qui rend opérationnelle la révision constitutionnelle. La consultation pourrait être organisée dans le courant du premier trimestre 2025.

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Était-il indispensable de consulter les Corses dès lors que tout le spectre de la représentation démocratique, gouvernement, parlementaires, élus de la Corse, était d'accord ?

C'est un engagement qui a été souhaité par tous, puis pris et réitéré publiquement. On ne doit jamais craindre de donner la parole au peuple.

Une fois le processus abouti, y aura-t-il des élections régionales anticipées ?

Dans tous les cas, c'est dans les tuyaux et je le souhaite. Fin 2025 ou courant 2026 soit deux ans avant le terme normal de la mandature.

Conduirez-vous une liste contre Gilles Simeoni pour lui reprendre le pouvoir ?

On ne peut jamais dire jamais, mais je n'ai pas une telle velléité, ce n'est certainement pas avec cette idée derrière la tête que je me suis investi dans le processus. De là où je suis aujourd'hui, je pense pouvoir être utile à la Corse. Je veux poursuivre mon travail de parlementaire.

Commentaires 7
à écrit le 29/02/2024 à 10:25
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Le problème d'une indépendance, c'est de devoir demander à entrer dans l'UE de Bruxelles, mais cela permet d'affaiblir un état récalcitrant à intégrer la coalition bruxelloise Otanesque !,-)

à écrit le 29/02/2024 à 10:07
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L autonomie sans l’indépendance financière est un simulacre, en Corse cela veut dire donnez-moi de l’argent et je le dépense comme je veux, les corses seront en grande majorité favorables.

à écrit le 29/02/2024 à 9:43
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moi je croyais que ' autonomie', ca voulait dire qu'ils ne voulaient plus des tombereaux d'argent public de la metropole!!!!

à écrit le 28/02/2024 à 22:34
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Bon en gros quand tu mets pas le brin...tu recois rien...si je comprends bien la Bretagne elle attendra malgre le genocide culturel et economique qu'elle a connu...la question c'est combien de temps

à écrit le 28/02/2024 à 18:22
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La Corse indépendante aura la capacité de voter ses propres lois...

le 29/02/2024 à 3:40
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Elle pourra créer deux nouveaux départements : la corse de l'est et la corse de l'ouest, fixer les impôts pour payer ses fonctionnaires, rétablir des droits de succession, virer la mafia et touti quanti.

le 29/02/2024 à 13:09
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@Ménon votre début est cohérent. Par contre la fin pose question; sauf si on remplace "virer" par "remplacer".

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