Taux : à la BCE, les "faucons" Olli Rehn (Finlande) et Villeroy de Galhau (France) haussent le ton

Aujourd'hui, le taux de dépôt est actuellement à -0,5%, et si l'on estime comme les faucons" de la BCE qu'il faut ramener ce taux en territoire positif en 2022, cela signifie au moins trois hausses d'un quart de point d'ici la fin de l'année. C'est ce que laissait entendre Villeroy de Galhau vendredi, et ce que prône ce matin le Finlandais Olli Rehn. Ce serait la première depuis 2011.
Olli Rehn, patron de la Banque centrale de Finlande et membre de la BCE, prône ce lundi matin dans la presse allemande, un relèvement des taux d'intérêt, et rapidement: dès juillet alors que la zone euro est soumise à une forte inflation.
Olli Rehn, patron de la Banque centrale de Finlande et membre de la BCE, prône ce lundi matin dans la presse allemande, un relèvement des taux d'intérêt, et "rapidement": dès juillet alors que la zone euro est soumise à une forte inflation. (Crédits : Reuters)

À la BCE, l'incertitude plane sur la question du relèvement des taux et l'on va finir par s'habituer à ce ballet aérien entre "colombes" et "faucons" (les "colombes" favorables à un soutien ample de l'économie dominent encore le clan des "faucons" qui sont, eux, adeptes d'un concours plus restrictif).

Ainsi, samedi, Christine Lagarde s'inquiétait du risque de stagflation de la zone euro, mais, elle, qui se veut "ni colombe ni faucon", restait mutique sur un éventuel et prochain durcissement de la politique monétaire menée par l'institution européenne installée à Francfort en Allemagne.

Elle s'exprimait le lendemain d'une interview donnée au quotidien italien La Stampa par Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, dans laquelle celui qui se range du côté des "colombes" disait que le contexte de croissance molle et de poussée des prix « complique les choix » des gardiens de l'euro, car « un resserrement monétaire visant à contenir l'inflation finirait par freiner une croissance déjà affaiblie ».

Pour Olli Rehn, il faut éviter que l'inflation s'installe et se consolide

Mais depuis, on dirait que les faucons lancent une véritable offensive dans les couloirs de la Banque centrale européenne. Après le gouverneur Villeroy de Gallau, vendredi dernier, c'est au tour du Finlandais Olli Rehn de donner de la voix. Ce lundi matin dans la presse allemande, le gouverneur de la Banque centrale de Finlande prône lui aussi un relèvement par la Banque centrale européenne (BCE) des taux d'intérêt, et "rapidement": dès juillet alors que la zone euro est soumise à une forte inflation.

"Nous devons éviter que les anticipations inflationnistes ne se durcissent", a souligné ce membre du conseil des gouverneurs de la BCE dans un entretien à Die Welt, évoquant notamment l'invasion russe de l'Ukraine.

"Il est donc important d'envoyer un signal en ce sens. Il convient de relever le taux directeur au troisième trimestre, probablement en juillet", a-t-il ajouté.

Dans l'interview donnée le 5 mai dernier au quotidien finlandais Helsingin Sanomat, le Finlandais expliquait:

« Je pense qu'il serait justifié d'augmenter le taux de dépôt de 0,25 point de pourcentage en juillet et de le ramener à zéro à l'automne. Après cela, la normalisation [du resserrement] de la politique monétaire pourrait se poursuivre progressivement et de manière proactive. »

Pour le membre du directoire de la BCE, l'inflation "affecte la psychologie des gens" par des réactions d'anticipation face aux conséquences de l'inflation, et c'est pour cela qu'il convient de la stabiliser, et cela passe par la normalisation de la politique monétaire.

Quasi absence de hausses de salaires en zone euro, au contraire des États-Unis

Pour autant, Olli Rehn estime que les perspectives d'inflation dans la zone euro sont très différentes de celles des États-Unis, où l'économie a surchauffé et l'inflation s'est accélérée à 8,5 % en mars.

« Les augmentations de salaire aux États-Unis ont été en moyenne de 6%. Dans la zone euro, la reprise se poursuit, mais le marché du travail ne s'est pas redressé aussi vite et les hausses de salaires ont à peine dépassé les 2%», explique-t-il au Helsingin Sanomat.

Et pourquoi une telle différence ? Selon le membre du directoire de la BCE, l'économie de la zone euro souffre plus de la guerre d'invasion russe que l'économie américaine:

« Cela implique une baisse de la pression salariale en zone euro. La nécessité de relever les taux d'intérêt serait également moindre », a déclaré Olli Rehn, donnant au passage quelques points au camp des "colombes"...

Mais selon des analystes, cette situation ne va pas durer: en raison de la hausse importante des prix à la consommation, les salariés vont commencer à exiger des augmentations de salaire relativement importantes. En conséquence, les entreprises devront répercuter l'augmentation des coûts de main-d'œuvre sur les prix des biens et services qu'elles vendent, ce qui aggravera l'inflation.

Inflation et guerre en Ukraine: la grande prudence des gardiens de l'euro

Et en effet, en zone euro, l'inflation est montée déjà très haut, atteignant un niveau historique de 7,4% sur un an en mars, bien au-dessus de l'objectif de 2% visé par la BCE à moyen terme.

C'est là tout le débat entre "faucons" et "colombes", cette situation devrait pousser la BCE à relever ses taux, à l'instar des autres grandes banques centrales, et pourtant, les gardiens de l'euro font tout pour ralentir leur prise de décision tant la situation en Ukraine fait peser d'incertitudes sur l'avenir proche. L'absence de visibilité sur les intentions de Vladimir Poutine les incite à la plus grande prudence.

Une hausse des taux, qui serait la première depuis 2011, sera une étape majeure dans le processus en cours de normalisation de la politique monétaire accommodante menée en réponse aux crises, en particulier celle liée au covid-19 à compter de 2020.

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Villeroy de Galhau favorable à au moins trois hausses de taux en 2022

Vendredi dernier, c'était François Villeroy de Galhau, le patron de la banque centrale de France qui se disait favorable à ce que le taux de dépôt soit ramené en territoire positif d'ici la fin 2022. Ces propos indiquent que ce membre du Conseil des gouverneurs de la BCE est favorable à au moins trois hausses de taux en 2022.

La BCE a entamé la réduction de son soutien exceptionnel à l'économie mais le niveau record de l'indice des prix à la consommation et la remontée des anticipations d'inflation à long terme incitent de plus en plus de membres de la BCE à préconiser l'arrêt plus rapide des instruments non-conventionnels de politique monétaire.

La BCE devrait dans un premier temps cesser ses achats d'obligations à la fin du mois de juin, puis relever son taux de dépôt lors des "prochaines" réunions de politique monétaire, a déclaré François Villeroy de Galhau, sans préciser de date pour le début de relèvement de taux.

Les "colombes" commencent à se laisser convaincre par les "faucons"

Certains membres de la BCE ont préconisé récemment une hausse de taux en juillet, ce qui a soulevé peu d'opposition de la part des "colombes" de l'institution, suggérant ainsi qu'une augmentation de taux cet été était désormais l'option la plus probable.

"Je préférerais placer le marqueur un peu plus loin: sauf nouveaux chocs imprévus, je penserais qu'il est raisonnable d'être entré en territoire positif d'ici la fin de l'année", a déclaré le gouverneur de la Banque de France lors d'une conférence organisée à Paris.

Un retour en zone positive du taux de dépôt, actuellement à -0,5%, impliquerait  moins trois hausses de taux d'un quart de point d'ici la fin d'année. La Banque centrale européenne devrait ensuite faire évoluer progressivement son taux nominal vers un niveau "neutre", soit entre 1% et 2%, a ajouté François Villeroy de Galhau.

Le niveau de l'inflation est la principale justification à des hausses de taux, de récentes enquêtes suggérant que les anticipations d'inflation sont "de moins en moins" ancrées autour de l'objectif de 2% de la BCE.

Lire aussi 3 mnContenir l'inflation autour de 2% : la BCE et la Banque de France "feront ce qu'il faut" (Villeroy de Galhau)

Des hausses de taux pourraient également soutenir l'euro face au dollar, la faiblesse de la monnaie unique favorise l'inflation importée.

"Le niveau de l'euro compte beaucoup pour l'inflation importée", a déclaré François Villeroy de Galhau. "Un euro trop faible irait à l'encontre de notre objectif de stabilité des prix".

Autre point marqué par le camp des faucons, la déclaration d'Isabel Schnabel, membre éminente du directoire de la BCE, mardi dernier dans la presse économique allemande.

« Une augmentation des taux est à mon avis possible en juillet. »

Au final, les partisans d'un arrêt rapide des mesures d'urgence et d'une normalisation de la politique monétaire de la BCE marquent des points mais les craintes de commettre une grave erreur de politique économique sont persistantes, d'où cette prudence qui peut ressembler à une valse hésitation.

(avec AFP et Reuters)

Commentaires 13
à écrit le 09/05/2022 à 21:01
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Des faucons à la BCE? Il n'y aurait donc pas que des vrais?

à écrit le 09/05/2022 à 19:23
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Heureusement, crissiiiiiine va bientôt être nommée à Matignon pour services rendus

à écrit le 09/05/2022 à 17:16
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La Fr va etre étranglée par la charge de la dette : avant Covid sous Macron la dépense publique la plus lourde au monde : 58% du PIB ( pour du gaspill bureaucratique en mille feuilles, et les 35% de personnel administ en hopital ) croissait de + 2.6%...

à écrit le 09/05/2022 à 15:27
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Lagarde...mais que fait-elle toute la journee? Est-elle encore a la hauteur de ses responsabilites ou vassal des USA comme bien d'autres en Europe. L'Europe s'ecroule au profit des USA + dollars = petrole, gaz, etc...

à écrit le 09/05/2022 à 12:24
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Taux à 10 ans à 1,7070% à la minute (pour la France). Pour les USA, un petit 3,20%.. Je prends le pari que nous serons à 2,50% en France d’ici la fin de l’année..

à écrit le 09/05/2022 à 10:06
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quand va ton virer cette mme LAGARDE qui au ordre de mr MACRON qui veut de l'inflation pour payer l'enorme dette de la France, et avec la planche à billets en permanence devalue l'euro resultat comme à l'etranger nous payons en dollar, la vie augme...

le 09/05/2022 à 10:34
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C'est Macron qui génère l'inflation ? Vous êtes sérieux ?

le 09/05/2022 à 10:49
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+1

le 09/05/2022 à 13:18
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@Marc : donc l'inflation c'est Poutine ? bravo, vous pourriez être journaliste. Ben non, mon ami, l'inflation resulte de 10 ans de planche à billets et quantitative easing assaisonné de quoiquilencoute généralisé et irréfléchi ; il va falloir payer l...

à écrit le 09/05/2022 à 9:41
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Et pourquoi nous autres acteurs du réel ne bénéficions pas de taux négatifs ? C'est réservé à qui ? Ainsi nous pourrions tous emprunter un milliard d'euros, geler 995 millions pour rembourser et vivre avec 5 millions d'euros. Toute cette création d'a...

le 09/05/2022 à 10:17
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Parce que les taux dont il est question sont au jour le jour (les taux à 10 ans sont déjà à 1,60 et cela va encore monter)...La réalité est que Rien ne peut justifier des taux négatifs et que la BCE ne remplit pas sa mission qui est le contrôle de l’...

le 09/05/2022 à 10:32
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@ réponse : eh bien le mécanisme que vous décrivez emballerait encore plus la machine inflationnistes par la consommation des gens…. La solution n est pas d accroître la demande mais de la réduire donc que. Les gens baissent leurs consommation ve qui...

le 09/05/2022 à 10:42
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Non, je ne parle pas de ça puisque je viens de lire que les taux à long terme étaient aussi négatifs. Désolé pour le réflexe de vérifier tout ce qu'on me dit ici, l'expérience. A qui ont ils profité puisque pas à nous au final ? Et donc mon idée étai...

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