Élections européennes : Bruxelles cherche à contrer les ingérences étrangères, la Russie dans le viseur

À six mois des élections européennes, la Commission européenne veut contraindre à plus de transparence les organisations actives dans l'UE représentant les intérêts de pays tiers. Objectif en toile de fond : lutter contre les ingérences étrangères alors que les tentatives de certains pays d'influencer les politiques européennes sont de plus en plus fortes. La Russie est notamment pointée du doigt.
Ce projet de directive devra désormais être négocié avec les États membres et le Parlement européen pour être définitivement validé.
Ce projet de directive devra désormais être négocié avec les États membres et le Parlement européen pour être définitivement validé. (Crédits : YVES HERMAN)

Alors que les élections européennes auront lieu en juin 2024, la Commission européenne dégaine un projet de directive pour tenter de lutter contre les ingérences étrangères qui pourraient impacter le scrutin. Cette proposition, présentée mardi, après plusieurs reports, concerne les activités de lobbying et de relations publiques, les instituts de recherche ou ONG menant des activités pour le compte de pays étrangers afin « d'influencer » la vie politique dans l'UE.

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« Il serait naïf de penser que la démocratie n'a besoin d'aucune protection. Dans le monde actuel, c'est tout le contraire », a déclaré la vice-présidente de la Commission en charge des Valeurs et de la Transparence, Vera Jourova, lors d'une conférence de presse.

Et d'ajouter : « Nous ne devons laisser (le président russe Vladimir) Poutine ni aucun autocrate s'ingérer en secret dans notre processus démocratique ».

Concrètement, les organisations ou personnes agissant pour des pays extérieurs à l'UE devront s'inscrire sur un registre national de la transparence, que les États membres devront mettre en place ou adapter s'ils en ont déjà un. Elles devront dévoiler le montant annuel des fonds reçus, les pays pour lesquels elles agissent et le but de leur activité.

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Une proposition « équilibrée »

La Commission rejette les comparaisons avec les « lois sur les agents de l'étranger » telles que celles qui existent aux États-Unis ou Russie. Bruxelles insiste sur les garde-fous prévus pour éviter toute « stigmatisation » des organisations inscrites sur le registre. Elle précise aussi que « le simple fait de recevoir des fonds d'un pays tiers » n'est pas suffisant pour tomber sous le coup de cette directive.

« Nous n'interdisons aucune activité (...). Il n'y a aucune sanction pénale », a martelé Vera Jourova, défendant une proposition équilibrée.

Interrogée sur la loi hongroise, qui vise à criminaliser le financement étranger des partis politiques et mettre en place une autorité de surveillance des ONG, la responsable a précisé vouloir « empêcher tout État membre d'aller au-delà des exigences de la directive ».

Les menaces d'ingérence de plus en plus fortes

Ce texte européen apparaît comme l'une des réponses préconisées par la France pour lutter contre les ingérences étrangères. Dans son rapport annuel publié début novembre, la délégation parlementaire au renseignement a aussi listé d'autres mesures pour renforcer l'arsenal actuel. Parmi elles, l'instauration d'un « dispositif législatif ad hoc de prévention des ingérences étrangères sur le modèle de la loi américaine » ou encore le recours à la procédure des gels des avoirs « à toute personne ou structure se livrant à des actions préjudiciables au maintien de la cohésion nationale ou destinée à favoriser les intérêts d'une puissance étrangère ».

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La délégation française estime que la menace d'ingérence a pris « une nouvelle ampleur ces dernières années », en raison d'abord d'un changement « radical du contexte géopolitique ». S'y ajoute la révolution numérique avec le cyberespace, « devenu un champ privilégié de confrontation et de compétition entre États », et les politiques d'influence et d'espionnage qui constituent « les menaces hybrides ».

Parmi les pays soupçonnés de vouloir influencer la politique française, la Chine, la Turquie, mais aussi la Russie. Le Royaume-Uni et les États-Unis accusent d'ailleurs eux aussi Moscou de tentative d'ingérence politique.

Un texte qui ne va pas assez loin

Cette proposition de Bruxelles a néanmoins été critiquée par Transparency International. Pour cette ONG, les exigences de transparence devraient aussi concerner les organisations financées par des fonds européens.

« La proposition d'aujourd'hui est non seulement inefficace, mais aussi dangereuse. La Commission a, avec raison, critiqué ce genre de loi dans le passé, notamment en Géorgie et en Hongrie. Si [elle] veut vraiment protéger la démocratie, elle devrait ratisser large et élever les exigences de transparence pour tous les représentants d'intérêt, financés à l'étranger ou non », a déclaré Vitor Teixeira, un responsable du bureau bruxellois de l'organisme.

Ce projet de directive devra désormais être négocié avec les États membres et le Parlement européen pour être définitivement validé. Pour rappel, ce dernier a justement été ébranlé il y a un an par un scandale de corruption présumé impliquant plusieurs eurodéputés. Dans cette affaire baptisée « Qatargate » qui a éclaté il y a tout juste un an, des élus sont soupçonnés d'avoir agi en faveur du Qatar et du Maroc en échange d'argent. Ces deux pays souhaitant « influencer les décisions économiques et politiques » de la seule institution élue de l'UE. Ils ont néanmoins toujours fermement contesté toute malversation.

Les publicités à caractère politique désormais encadrées

Dans l'optique de protéger davantage les campagnes électorales dans l'Union européenne des ingérences étrangères, le Parlement européen et les États membres de l'UE se sont mis d'accord début novembre sur un texte destiné à encadrer les publicités à caractère politique. Selon ce texte provisoire, il sera interdit à des entités basées en dehors de l'Union européenne de financer des publicités politiques au sein de l'UE au cours des trois mois précédant une élection ou un référendum.

L'accord doit encore être adopté formellement par le Conseil (États membres) et le Parlement européen. Les règles ne s'appliqueront toutefois dans leur ensemble pas avant 2025, soit après les élections européennes de juin 2024.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 13/12/2023 à 12:49
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Bref "l'Union Européenne" se met à McKronner pour mieux manipuler ses ouailles ! ,-)

à écrit le 13/12/2023 à 12:17
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Voir les thuriféraires d'une institution non élue par les peuples - qui ont de surcroît perdu toute souveraineté et pas uniquement monétaire - tenir le crachoir sur les risques d'ingérence alors que le cheval de Troie figure dans la place depuis la c...

à écrit le 13/12/2023 à 12:00
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Je tiens à signaler que l'Allemagne depuis sa création s'ingère dans le gestion française sous le silence oligarchique français le plus total, avec donc son étroite collaboration. Nous ne sommes pas des allemands hein, si vous aimez tant ce pays alle...

à écrit le 13/12/2023 à 11:48
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Le Parlement européen est un faux parlement coûteux. C'est un endroit qui donne aux États européens des postes financièrement lucratifs. C'est un endroit pour les gars importants. Le Parlement européen ne correspond pas au principe démocratique selon...

à écrit le 13/12/2023 à 11:15
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L'ingérences, faut pas trop en faire dans ce domaine. parce que ci non il va falloir se poser des questions sur les lobbys, McKinsey , black rock , les Organisations mondiale, les US et les banques . Bruxelles sait bien que l'ingérence en Europe el...

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