Températures inédites en septembre en France, inondations dévastatrices en Grèce et en Libye, gigantesques feux de forêt au Canada, accélération de la fonte des glaciers...la multiplication des événements climatiques extrêmes ces dernières semaines a rappelé l'urgence de la situation. Les scientifiques n'hésitent plus à parler « d'un point de bascule ». Dans ce contexte alarmant, les entreprises sont appelées à accélérer la baisse de leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour respecter les ambitions européennes et les accords de Paris. La feuille de route européenne « Fit for 55 » vise à faire baisser les émissions de 55% en 2030 par rapport à 1990.
Mais une grande partie des PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) accusent un sérieux retard. Selon un baromètre réalisé par le Boston consulting group et le fonds d'investissement Argos Wityu à partir d'un panel de 700 entreprises, « seuls 11% » des dirigeants interrogés ont une approche structurée comprenant « la mesure de leurs émissions de GES, la conception d'une feuille de route et le déploiement d'investissements substantiels ». « Le chemin vers une approche structurée et globale, permettant de saisir la complexité de ce processus sera long », a averti Fabien Hassan du cabinet de conseil lors d'un point presse.
Difficultés à obtenir des financements et réglementation
Une vaste majorité des entreprises (84%) considèrent que la baisse des émissions est « importante » voire « critique ». Sur ce total, 71% estiment même que la décarbonation est une source d'opportunités comme l'accès à de nouveaux marchés ou des économies réalisées dans la consommation d'énergie.
Mais beaucoup de dirigeants se heurtent à des difficultés. Parmi les principaux freins évoqués, figurent en premier lieu la montagne d'investissements et les difficultés à obtenir des fonds (57%).
Viennent ensuite la complexité réglementaire (55%) pour mettre en place des panneaux photovoltaïques par exemple ou d'autres installations. Les experts ont bien évoqué des assouplissements ces dernières années, mais le fossé entre l'Europe et la Chine sur le déploiement de panneaux solaires est criant. Le troisième frein évoqué (48%) concerne le manque d'expertise en interne et le temps. Beaucoup d'entreprises moyennes ou de petites sociétés n'ont pas forcément les compétences pour opérer cette transition pourtant nécessaire.
Des contrastes entre secteurs et pays
L'autre leçon importante de cette enquête est qu'il existe des contrastes saisissants entre secteurs. Dans les transports et la logistique par exemple, 51% des dirigeants interrogés affirment avoir fortement investi dans la décarbonation. À l'opposé, les industries émettrices produisant du verre, des métaux ou de la céramique ne sont que 24% à avoir entamé une telle démarche. Du côté de la chimie ou de la construction, près de 40% des entreprises déclarent avoir beaucoup investi dans la décarbonation de leur processus de production.
Sur le plan géographique, certains pays affichent de meilleures performances que d'autres. Les pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) font la course en tête (44%) quand l'Allemagne est en queue de peloton (33%). Quant à la France (39%) et l'Italie (36%), elles se situent en milieu de tableau.
Objectifs climatiques : 70% des entreprises interrogées estiment qu'ils sont « réalisables »
S'agissant des objectifs climatiques, 70% des dirigeants interrogés estiment qu'ils sont « réalisables ». Dans le même temps, 78% affirment qu'ils ont besoin d'aide extérieure pour affronter les obstacles. « L'engagement de toutes les parties prenantes -
régulateurs, investisseurs, agences gouvernementales, partenaires commerciaux, fournisseurs de solutions - est essentiel pour répondre aux besoins spécifiques de ces entreprises », a déclaré Benjamin Entraygues, directeur associé au BCG. Autant dire que la décarbonation pourrait se transformer en chemin de croix.
(*)Méthode : baromètre réalisé en juillet 2023 auprès d'un échantillon de 700 entreprises implantées dans six pays européens (Italie, Allemagne, France, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Les entreprises ciblées réalisent un chiffre d'affaires de moins d'un milliard d'euros et possèdent moins de 250 salariés. Elles peuvent à la fois faire partie du public et du privé.