La course à la vaccination fait désormais place à celle du leadership dans le monde d'après, à grand renfort de messages d'optimisme. "La vaccination s'accélère en Europe : nous venons de dépasser les 150 millions de vaccinations (...) Nous aurons suffisamment de doses pour vacciner 70% des adultes de l'UE en juillet", a ainsi tweeté mardi 4 mai Ursula von der Leyen, la présidente de l'exécutif européen. Tel un écho à Joe Biden, qui annonçait, lui aussi, 70% des adultes au 4 juillet, pour la fête nationale américaine. Mais derrière ces effets de communication, se jouent un autre enjeu, celui de la reprise, que certains voient pour le Vieux Continent être synonyme de son prochain déclassement.
De fait, en Europe, le moteur n'a pas encore redémarré. Au premier trimestre de l'année, le produit intérieur brut de la zone euro a en effet reculé de 0,6% entre janvier et mars, selon une première estimation publiée par l'Office européen des statistiques. Un nouveau repli qui fait suite à une baisse du PIB de 0,7% au quatrième trimestre 2020, ce qui fait entrer formellement le marché unique en récession.
L'économie de la zone euro "est toujours 5,5% en dessous de son pic d'avant la crise, ce qui la laisse loin derrière les États-Unis où le PIB a presque retrouvé ce niveau", remarque Andrew Kenningham, analyste chez Capital Economics.
Tirés par les plans de relance gouvernementaux et la vaccination, les Etats-Unis ont commencé à se relever de la crise. Ils ont affiché au premier trimestre leur plus forte croissance trimestrielle depuis 2003 - à l'exception du bond exceptionnel enregistré au deuxième trimestre 2020. De même, les inscriptions hebdomadaires au chômage sont tombées sous la barre des 500.000 fin avril, pour la première fois depuis la mise à l'arrêt brutale de l'économie en mars 2020, a annoncé le département du Travail.
Dans le même temps, la Chine a enregistré de janvier à mars une hausse record de son PIB de 18,3% (sur un an).
"Nous avons perdu trop de temps. La croissance chinoise est repartie. Les Etats-Unis sont en plein essor. L'Union européenne doit rester dans la course", se sont d'ailleurs inquiétés le ministre français des Finances Bruno Le Maire et le ministre allemand Olaf Scholz, pressant la Commission européenne d'examiner "au plus tôt" les plans de relance nationaux.
Des plans de relance tous azimuts pour générer de la croissance
Même craintes du côté des économistes Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry qui plaident, eux, pour un deuxième plan de relance d'au moins 50 milliards d'euros en France pour, notamment, « éviter un décrochage de l'Europe par rapport aux États-Unis et à la Chine »
Mis dos à dos, les plans de relance des trois puissances ne sont en effet pas égaux. L'UE s'est accordée en juillet 2020 sur un fonds de relance de 750 milliards d'euros (soit 5,6% du PIB européen) financé par une émission de dette commune. Mais ces prêts et subventions de l'Europe ne devraient être versés qu'à partir du mois de septembre prochain - sauf nouveaux contretemps.
Les Etats-Unis ont, eux voté pour un plan de 2.000 milliards, soit 10% de son PIB en 2020 - et c'est presque le PIB de la France en 2020 (autour de 2.200 milliards d'euros). Deux mois après le déclenchement de la crise, la Chine annonçait en mai 2020 un plan de relance de 500 milliards d'euros, convaincue d'en sortir plus rapidement.
A titre de comparaison, au sortir de la crise financière de 2008 qui a creusé l'écart entre les puissances, la Chine avait du déployer un plan de relance de 4.000 milliards de yuans (513 milliards d'euros) prenant fin 2010, soit près de 8% de son PIB en 2008, pour stimuler sa demande intérieure suite à la baisse des exportations.
Contenir le pouvoir de la Chine
Dans ce contexte, Bruxelles est passée à l'offensive sur le plan commercial. Désormais, l'UE veut s'octroyer de nouveaux pouvoirs pour limiter les incursions des entreprises étrangères soutenues par l'État, une réponse européenne à la montée en puissance de la Chine dont la croissance est attendue à 6% en 2021, et devrait atteindre les 7% aux États-Unis.
Sur le Vieux continent, la situation devrait toutefois s'améliorer au second semestre de l'année avec l'accélération de la vaccination suite aux livraisons.
La Banque de France persiste sur sa prévision de croissance économique supérieure à 5% même si la crise due au coronavirus n'est pas terminée, a déclaré début mai son gouverneur François Villeroy de Galhau.
(Avec AFP)