Zone euro : un rebond inédit de la croissance depuis 25 ans avant une nouvelle chute

Le PIB de la zone euro a rebondi au troisième trimestre de 12,6% après un printemps catastrophique. L'aggravation de la situation sanitaire et la multiplication des mesures de confinement dans la plupart des grandes économies de la zone euro assombrissent les perspectives d'une reprise solide et durable.
Grégoire Normand
Ces chiffres historiques, sous l'effet des moindres restrictions à l'activité durant l'été, marquent un net rattrapage après une récession elle aussi historique au printemps.
Ces chiffres historiques, sous l'effet des moindres restrictions à l'activité durant l'été, marquent un net rattrapage après une récession elle aussi historique au printemps. (Crédits : Albert Gea)

C'est une bonne nouvelle qui risque de ne pas durer. Selon les derniers chiffres d'Eurostat communiqués ce vendredi 13 novembre, le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a bondi de 12,6% au cours du troisième trimestre et celui de l'Union européenne de 11,6% sur la même période. L'institut de statistiques a révisé à la baisse ses prévisions par rapport aux précédentes estimations du T3 (12,7% en zone euro et 12,1% pour l'Union européenne). Au cours du second trimestre 2020, l'économie européenne avait plongé de 11,8% dans la zone euro et de 11,4% dans l'UE.

Après un printemps cataclysmique, les indicateurs économiques ont retrouvé des couleurs entre juillet septembre. D'après les statisticiens, il s'agit du plus fort rebond depuis que le début de cette série statistique mise en œuvre en 1995. Même si les regards sont déjà tournés sur la fin de l'année, ces chiffres du PIB restent très importants en termes d'acquis de croissance pour l'année 2020. Cela signifie que même si l'activité est en recul au dernier trimestre, la croissance en 2020 sera moins marquée que celle du début de l'année 2021.

La levée progressive des mesures sanitaires pour limiter la propagation du virus ont permis à la plupart des grands secteurs d'activité de rebondir vigoureusement. Malgré ces signaux favorables, la recrudescence de l'épidémie et la saturation des services de réanimation ont obligé la plupart des autorités européennes à remettre en place des mesures de confinement.

Dans ce contexte sanitaire dégradé, les espoirs d'une reprise rapide et durable se sont envolés. La plupart des économistes ont abaissé leurs prévisions de croissance en attendant que les annonces et les résultats pour les vaccins se confirment. Au delà de l'euphorie des marchés et des attentes citoyennes, il reste encore beaucoup d'étapes (autorisation des gouvernements, commercialisation, accès au vaccin, consentement des populations) avant que des solutions médicales pérennes soient mises en œuvre.

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"Après un rebond mécanique et spectaculaire de l'activité au troisième trimestre, le risque paraît bien réel qu'en zone euro, le dernier trimestre de cette année soit marqué par un arrêt brutal de la reprise. En cause, la forte hausse du nombre de nouvelles infections, les mesures qui sont prises pour arrêter cette dynamique et un sentiment général d'incertitude qui freine les dépenses. Cependant, on peut d'ores et déjà tabler sur l'effet de relance qu'aura l'assouplissement des mesures restrictives une fois que le nombre de nouveaux cas aura bien baissé. Nous vivons donc une reprise par à-coups, où fortes accélérations et ralentissement brutaux se succèdent", explique l'économiste de BNP-Paribas William de Vildjer.

Plus fort rebond en France

Après une chute vertigineuse au printemps (-13,7%), l'économie française a fortement rebondi durant l'été. Le PIB a ainsi décollé de 18,2% entre juin et septembre en données corrigées des variations saisonnières (CVS). Les mesures drastiques de confinement ont entraîné une paralysie de pans entiers de l'économie pendant huit semaines. La réouverture de nombreux secteurs avant l'été a provoqué un rebond mécanique de l'activité plus fort qu'attendu par les conjoncturistes. Beaucoup de secteurs tels que le tourisme, la restauration, l'hôtellerie ont pu redémarrer dans des conditions relativement favorables dans quelques régions comme le littoral Atlantique ou certaines zones rurales. En revanche, certaines grandes métropoles n'ont pas pu profiter de ce rebond comme l'avait montré une étude de l'Insee rendue publique début septembre.

En revanche, la multiplication des foyers de contaminations depuis l'automne et le durcissement des mesures avec l'extension du couvre-feu et le confinement prévu pour au minimum un mois risquent de peser sur le dernier trimestre et les capacités de reprise de l'économie tricolore en 2021. "La chute d'activité au quatrième trimestre va davantage peser, par un effet de base, sur la croissance de 2021. Avec le risque que les confinements à répétition amenuisent progressivement les capacités de résilience et de rebond de l'économie française et entretiennent l'attentisme des ménages et des entreprises, qui se traduirait par un surcroît persistant d'épargne de précaution et une baisse durable de l'investissement", expliquait récemment à La Tribune l'économiste de COE-Rexecode, Emmanuel Jessua.

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Frappé de plein fouet par la crise sanitaire et la chute de l'activité au printemps (-17,8%), l'économie espagnole a enregistré une hausse spectaculaire de son PIB (+16,7%) au troisième trimestre. Là encore, cette performance pourrait rapidement prendre fin avec la hausse des contaminations qui plombe la croissance de l'économie ibérique très dépendante du tourisme international notamment.

Du côté de l'Italie, la reprise est également impressionnante avec un bond de de la valeur ajoutée de 16,1% après un plongeon de 13% au second trimestre. Longtemps restée l'épicentre de l'épidémie en Europe, l'économie italienne a pu également redémarrer ses moteurs situés au Nord avant l'arrivée de la seconde vague. Les autorités italiennes mieux préparées qu'au printemps ont annoncé de vastes moyens supplémentaires pour la santé et un plan de relance ambitieux qui pourrait prendre le relais des mesures d'urgence si la propagation de cette maladie infectieuse marque le pas rapidement.

Un redémarrage plus modéré en Allemagne

La croissance allemande a moins rebondi que les autres grandes puissances de la zone euro (8,2%). Il faut rappeler que le recul de l'activité a été moins violent au cours du premier trimestre (-9,8%). Les autorités allemandes ont mis en œuvre des mesures moins drastiques que certains de leurs voisins et ont limité la casse sur le plan sanitaire. Il reste que malgré une stratégie sanitaire plus efficace au printemps, la première économie de l'union monétaire est loin d'être épargnée par la seconde vague de contaminations.

En outre, son modèle économique très dépendant des exportations et du commerce extérieur pourrait être profondément meurtri par la pandémie actuelle qui rebat les cartes d'une mondialisation affectée par la fermeture des ports de commerce et la fragilisation des chaînes d'approvisionnement et des chaînes de valeur. L'industrie allemande tirée pendant des années par la croissance chinoise est également en souffrance. Les grands groupes automobiles apparaissent en difficulté après la multiplication des cas de tricherie liés à la pollution et l'urgence des enjeux environnementaux et climatiques.

Une fin d'année moribonde

La seconde vague de contaminations a en partie effacé les bénéfices de la courte reprise économique de l'été. La plupart des économies de la zone euro ont à nouveau mis en œuvre des mesures drastiques de restriction pour limiter la propagation du virus. Si les gouvernements et les entreprises sont mieux préparées qu'au printemps et que les mesures sont souvent moins restrictives, cette stratégie du "stop and go" est largement critiquée par les économistes. Dans ses dernières prévisions, l'exécutif européen table sur une chute de 7,8% du produit intérieur brut (PIB) dans la région en 2020. Du jamais-vu depuis la création de la monnaie unique en 1999.

La ligne de crête entre la santé et l'économie pour les exécutifs européens est très difficile à tenir. La priorité laissée à l'économie risque d'accélérer comme pendant l'été la circulation du virus alors que les capacités hospitalières sont déjà asphyxiées dans plusieurs régions européennes et que le bilan humain empire chaque jour.

Dans ce contexte sanitaire périlleux, le plan de relance européen va jouer un rôle déterminant pour prendre le relai des mesures d'urgence et de la politique monétaire mise en œuvre par la Banque centrale européenne. Cette semaine, les députés européens ont trouvé un accord décisif sur le budget européen programmé pour la période 2021-2027. Après deux mois d'âpres débats et pourparlers, les parlementaires ont obtenu des moyens supplémentaires.

Les chefs d'État et de gouvernement européens s'étaient mis d'accord en juillet, après un sommet-marathon, sur un plan de relance post-Covid de 750 milliards d'euros adossé à un budget pluriannuel (2021-2027) de 1.074 milliards d'euros. Mais les eurodéputés réclamaient un renforcement significatif de plusieurs programmes jugés cruciaux, exigeant courant octobre 39 milliards d'euros supplémentaires. Finalement, après douze sessions d'intenses discussions, "le Parlement européen a obtenu 16 milliards d'euros en plus du paquet (financier) conclu en juillet", a annoncé l'institution.

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 14/11/2020 à 19:13
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Plus la chute a été grande plus le rebond (niveau actuel en % du niveau le plus bas) est fort. C'est mathématique. Cette parenthèse renforce tellement les bureaucraties qu'elles en remettent une couche. Jamais 2 sans 3. Mais alors on aura oublié le m...

à écrit le 14/11/2020 à 10:59
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Ce n'est sûrement pas grâce au rebond Français mais par les pays Nordiques, moins touchés et moins stricts en confinement : comme en Allemagne commerces TOUS OUVERTS, 12.000 morts et nous plus de 42.000 Et un secteur public et nationalisé de 12% infé...

à écrit le 13/11/2020 à 15:35
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Vous commencez à pousser loin le bouchon vu que repartant de pas grand chose il était obligé que la croissance des mois d'après en comparaison soit "historique" certes mais de ce fait information d'aucune utilité. D'habitude je met 45 litres de c...

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