Agences de notation : ces startups qui tentent de s'imposer aux côtés des "Big Three"

La réglementation et les perspectives prometteuses du marché de la notation favorisent l’arrivée de nouveaux entrants, aux côtés des "Big Three" que sont Moody’s, S&P et Fitch.
Christine Lejoux
"La concurrence basée sur la qualité analytique est bienvenue. Nous prenons toute compétition au sérieux", affirme Myriam Durand, directrice générale de Moody's France.

L'oligopole des agences de notation, chargées d'évaluer la qualité de crédit des entreprises et des Etats, subit des assauts. Fin juillet, la Russie, fâchée d'avoir vu sa note de crédit ravalée au rang "d'obligation pourrie" par Standard & Poor's (S&P) et Moody's, a fait part de son intention de créer une agence d'évaluation financière nationale, "capable de satisfaire les intérêts de l'économie (russe)." Quelques semaines plus tôt, la « petite » agence de notation allemande Scope Ratings avait ouvert un bureau à Paris, nouvelle preuve de ses ambitions européennes, après de premières expansions à Londres et à Madrid. Des ambitions que nourrit également Dagong Europe, filiale de l'agence de notation chinoise Dagong, basée à Milan.

Si les tentatives de concurrence se multiplient sur ce marché ultra-dominé par S&P, Fitch et Moody's, c'est d'abord parce que le régulateur l'a voulu ainsi, après les critiques dont ces grandes agences de notation ont fait l'objet ces dernières années. Il est notamment reproché aux "Big Three" de n'avoir pas vu venir la crise financière de 2008. Ou, pis, d'avoir contribué à cette crise, la plus grave depuis la Grande Dépression des années 1930, en continuant de décerner d'excellentes notes à des produits financiers pleins jusqu'à la garde de "subprimes" (crédits hypothécaires américains risqués).

Le marché prometteur de la notation des PME-ETI

Il leur est également fait grief de conflits d'intérêt, puisqu'elles sont rémunérées par les entreprises qu'elles notent. Aussi l'Esma, l'autorité européenne des marchés financiers, en charge depuis 2011 de la surveillance des agences de notation, a-t-elle décidé, parallèlement au renforcement de la réglementation du secteur, de l'ouvrir davantage à la concurrence. Ainsi, tout émetteur souhaitant au moins deux notations, pour une émission de capitaux ou pour une entité, doit désormais "envisager la possibilité de solliciter" au moins une agence dont la part de marché n'excède pas 10%. Il y a l'embarras du choix : sur les 23 agences de notation agréées par l'Esma, trois seulement disposent d'une part de marché de plus de 10%. Il s'agit des inévitables S&P, Moody's et Fitch, avec des parts de marché respectives de 39,69%, 34,53% et 16,22%. L'Italienne Cerved et la Canadienne DBRS, numéros quatre et cinq du secteur, arrivent très loin derrière, avec une part de marché de 2,19% pour la première et de 1,27% pour la seconde.

Outre cette incitation du régulateur, la concurrence se renforce sur le marché de la notation du fait de son caractère prometteur, lié à la désintermédiation croissante du financement de l'économie européenne. Jusqu'à présent, les entreprises européennes se finançaient à hauteur de 70% auprès des banques, et à concurrence de 30% seulement sur les marchés. Mais, en raison des nouvelles réglementations relatives au renforcement de leurs fonds propres, les banques auront les coudées moins franches pour octroyer des crédits aux entreprises, dans les prochaines années. Celles-ci devront donc recourir davantage au marché obligataire pour se financer. Or, pour convaincre les investisseurs de souscrire à leurs émissions, elles auront tout intérêt à disposer du sésame que représente une note de crédit. Ce qui est loin d'être le cas au sein de la population des PME et des ETI, qui se financent encore à près de 90% auprès des banques.

Une concurrence "bienvenue" selon Moody's

Un marché juteux en perspective, sur lequel s'est positionnée l'agence allemande Scope Ratings, créée en 2002 par Florian Schoeller et détenue par la famille de ce dernier, l'une des plus anciennes dynasties industrielles d'Allemagne. "Les émetteurs et les investisseurs recherchent une plus grande diversité d'opinions dans le marché de la notation", a affirmé Torsten Hinrichs, PDG de Scope Ratings, le 16 juin, lors de l'ouverture du bureau de Paris. Les PME et les ETI, c'est également le créneau du Lyonnais Spread Research, la seule agence de notation française agréée par l'Esma, en 2013. Il faut dire que la concurrence de S&P, Moody's et Fitch y est moins rude que sur le segment des grandes entreprises. Pour l'instant.

En effet, les Big Three n'ont nulle intention de rester les deux pieds dans le même sabot, face à cette nouvelle concurrence. S&P développe ainsi depuis deux ans une grille d'analyse de la qualité de crédit spécifique aux ETI. Et si "nous n'avons pas lancé de produit de notation spécifique, nous notons (cependant) quelques PME et explorons ce secteur depuis un certain temps", indique de son côté Myriam Durand, directrice générale de Moody's France. Pour qui "la concurrence basée sur la qualité analytique est bienvenue. Nous prenons toute compétition au sérieux, et nous croyons qu'elle contribue à maintenir des standards élevés à travers toute l'industrie des agences de notation."

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 10/08/2015 à 6:29
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Faudrait profité de la tendance ...pour remplacer les syndicats boulets de l'économie ...par des agences de notations....

à écrit le 09/08/2015 à 11:56
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Je trouve plutôt bien qu'on entende plusieurs sons de cloches au lieu des agences américaines uniquement. D'autant plus que lesdites agences font souvent de la politique au lieu de s'en tenir à la finance.

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