L’Autorité des marchés financiers dédouane Scor de toute manipulation de cours

L’assureur mutualiste Covéa avait saisi, en mars, le Parquet national financier contre Denis Kessler pour avoir manipulé le cours de Bourse de Scor à l’automne 2018. Le gendarme de la Bourse estime qu’il n'existe aucun élément pour étayer ces accusations. Une bonne nouvelle pour Scor et son dirigeant à un mois d’une assemblée générale sous pression, qui doit avaliser un nouveau plan de succession à la tête du réassureur.
La position de l'AMF est un soulagement pour Denis Kessler, PDG de Scor, à un mois de l'assemblée générale des actionnaires.
La position de l'AMF est un soulagement pour Denis Kessler, PDG de Scor, à un mois de l'assemblée générale des actionnaires. (Crédits : DR)

La contre-attaque juridique de Covéa contre le réassureur Scor et son patron, Denis Kessler, n'aura pas fait long feu. La plainte déposée par l'assureur mutualiste, dirigé par Thierry Derez, le 24 mars dernier, auprès du Parquet national financier (PNF) pour « manipulation de cours » et « abus de biens sociaux » risque en effet d'être rapidement classée sans suite. Covéa avait alors saisi la justice en tant qu'actionnaire de Scor. Plus précisément, le mutualiste reprochait l'achat de 4,6 millions d'actions, dans le cadre d'un programme de rachat d'actions.

Sollicitée par le PNF sur « une possible manipulation de cours entre le 25 octobre et le 10 décembre 2018 » de Scor sur ses propres actions, l'Autorité de marchés financiers (AMF) a estimé jeudi soir, dans un bref communiqué, « que les éléments dont elle dispose ne permettent pas d'étayer des allégations de manipulations de cours ». Il est assez rare que l'AMF communique sur ce type de décision dans le cadre d'une procédure pénale, et surtout aussi rapidement.

Une bataille qui dure depuis l'été 2018

Le réassureur s'est aussitôt félicité de cette décision en rappelant qu'il avait dénoncé « une manœuvre mensongère et infondée du groupe Covéa » le jour même du dépôt de la plainte. Reste toutefois à trancher l'autre volet de la plainte. Covéa reproche également à Scor d'avoir dépensé 16 millions d'euros de frais de conseils pour contrer une offre amicale alors même que « Covéa avait retiré sa proposition ».

Les deux patrons, Denis Kessler et Thierry Derez, se livrent une bataille acharnée depuis l'été 2018, lorsque Covéa a manifesté son souhait de racheter Scor pour un montant de 8 milliards d'euros. Le réassureur avait alors vivement rejeté cette proposition et accusé Thierry Derez d'avoir profité d'informations privilégiées en tant qu'administrateur de Scor pour formuler son offre à 43 euros l'action. A cette époque, Scor envisageait de racheter PartnerRe. Depuis, plaintes, procès et coups bas s'échangent sans discontinuer, malgré des tentatives de médiation de la place.

En novembre dernier, Scor a gagné une première manche devant le Tribunal de Commerce de Paris qui avait condamné Thierry Derez et Covéa à une amende de 20 millions d'euros, jugeant que Thierry Derez avait manqué à ses obligations d'administrateur. Un jugement qui a fait aussitôt l'objet d'un appel.

Coup de théâtre dans la gouvernance

Le désaveu de l'AMF tombe à pic pour Denis Kessler. A double titre. Il intervient alors que le procès intenté par le réassureur au pénal devant le Tribunal correctionnel à l'encontre de Thierry Derez et Covéa pour « abus de confiance » doit en principe se tenir en juillet prochain. Scor se présentera donc devant les juges avec au moins deux décisions, administrative et judiciaire, favorables.

Ensuite, le gendarme boursier lève une accusation grave pesant sur Denis Kessler à un mois de l'assemblée générale de Scor. A cette date, Denis Kessler, au terme d'une année particulièrement difficile dans la réassurance, a décidé, la semaine dernière, pour des « raisons personnelles graves », de prendre du champ plus tôt prévu et quitter ses fonctions de directeur général pour ne conserver que ses fonctions de président, sous réserve de l'approbation des actionnaires le 30 juin prochain.

Mais cette décision inattendue a complétement remis en cause le plan de succession patiemment élaboré par le conseil de Scor. Ce dernier avait en effet finalement choisi Benoît Ribadeau-Dumas, ancien directeur de cabinet de Edouard Philippe, pour succéder à Denis Kessler, en 2022, à la direction générale. Cette décision, prise en décembre 2020, avait donné lieu, selon le Canard Enchaîné, à une passe d'armes au sein même du conseil.

Certains administrateurs jugeaient en effet que le successeur pressenti n'avait pas les compétences requises en matière d'assurance. Même le régulateur, l'ACPR, aurait émis des réserves, selon l'hebdomadaire satirique. Mais Augustin de Romanet, proche d'Edouard Philippe, administrateur référent et président du comité des nominations, a mis tout son poids dans la balance pour imposer cette nomination. Sous réserve que Denis Kessler conserve ses fonctions de PDG jusqu'en 2022, le temps que le nouveau venu se forme aux techniques complexes de la réassurance.

Une AG sous tension

Las, la volonté de Denis Kessler de lâcher les rênes plus tôt que prévu a bouleversé ce fragile montage, d'autant que l'ACPR se serait montrée très ferme à l'encontre de ce pantouflage dans l'assurance. Du coup, c'est un homme du sérail, Laurent Rousseau, qui devrait prendre le relais, l'autre candidat pressenti, Frédéric de Courtois, ayant accepté entre temps un poste de directeur général adjoint chez Axa.

Reste que cet épisode a jeté un trouble au sein de Scor, qui a toujours érigé la bonne gouvernance en vertu cardinale. D'autant que le réassureur sera sous pression lors de la prochaine assemblée générale face à un parcours boursier jugé moins performant que ses pairs et que le fonds activiste Ciam, très minoritaire au capital, entend une nouvelle fois contester la stratégie et la gouvernance, notamment une modification des statuts visant à repousser l'âge du président au-delà de 70 ans.

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Commentaires 2
à écrit le 28/05/2021 à 9:34
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Un ultra libéral qui méprise les travailleurs, un voyou qui devrait être en prison.

le 28/05/2021 à 14:02
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@Valbel89: De qui parlez-vous? Du Président de SCOR ou de celui de COVEA?

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