Thierry Derez et Covéa lourdement condamnés dans leur litige avec Scor

Le tribunal de commerce estime que le PDG du groupe Covéa a contrevenu à ses obligations d'administrateur de Scor. Il condamne le dirigeant et son groupe à verser plus de 20 millions d'euros à Scor pour le préjudice subi.
Thierry Derez, PDG de Covéa.
Thierry Derez, PDG de Covéa. (Crédits : Covéa)

La sanction est particulièrement lourde à la fois pour Thierry Derez et le groupe mutualiste qu'il dirige, Covéa. Dans un jugement rendu ce mardi, le Tribunal de commerce de Paris a en effet donné raison au réassureur Scor qui estimait que Thierry Derez (et son groupe Covéa)  lui avait porté préjudice lors de sa tentative d'achat de Scor durant l'été 2018.

Sanctions financières élevées

Pour le tribunal, Thierry Derez n'a pas respecté ses obligations de loyauté vis-à-vis de Scor, alors même qu'il était administrateur au conseil de Scor. "Thierry Derez a commis des fautes contractuelles engageant sa responsabilité civile, en violant les engagements qu'il avait contractés à l'égard de Scor, en tant qu'administrateur à titre personnel de cette dernière, relatifs au conflit d'intérêts, à la confidentialité et à la loyauté », souligne le jugement sur le fond. A cet titre, le dirigeant est condamné à verser une somme de près de 480.000 euros.

Le tribunal a également estimé que Covéa SGAM, la structure politique de l'assureur mutualiste, et Covéa Coopérations, sa structure financière, sont "complices" des fautes commises par Thierry Derez, et donc condamnées à payer solidairement 19,6 millions d'euros, "en réparation des préjudices économiques que leurs fautes ont fait subir à Scor".

Dans un communiqué, Scor s'est naturellement félicité du jugement en rappelant que d'autres procédures sont en cours, notamment au pénal, pour "abus de confiance et recel d'abus de confiance".  Thierry Derez et Covéa comptent faire appel au jugement du tribunal. "Ce jugement contient de graves et multiples erreurs d'appréciation, en fait et en droit", souligne un communiqué de Covéa,  qui conteste "la preuve de déloyauté".

La bataille des assureurs

En août 2018, Covéa, principal actionnaire du réassureur (8 % du capital), propose à Denis Kessler, PDG de Scor, en pleine réflexion sur un éventuel rachat du réassureur PartnerRe, de racheter le groupe pour 8,2 milliards d'euros. L'offre a été rejetée par le conseil d'administration de Scor.

Le conflit éclate en septembre 2018 lorsque Covéa rend public son offre à 43 euros par action, soit une prime de 20 % sur le cours, espérant un soutien des actionnaires de Scor. La bataille avait fait alors grand bruit sur la place de Paris, les deux dirigeants se lançant dans des procédures judiciaires multiples, dont une action en déloyauté au tribunal de commerce. Denis Kessler estimait alors que Thierry Derez avait manqué à ses devoirs d'administrateur, et notamment d'avoir profité d'informations privilégiées (le projet de rachat de PartnerRe) pour défendre l'intérêt de son propre groupe. Pour sa défense, Thierry Derez avait toujours souligné le caractère amical de son offre dans l'intérêt de Scor.

Un jugement important pour la gouvernance

"C'est un jugement important, qui pourrait changer bien des choses dans les mœurs des affaires et sans doute contraindre les  banques d'affaires à modifier leurs règles de conformité", estime un observateur.

De fait, la grande proximité des administrateurs dans les grandes sociétés cotées cotées et le rôle des administrateurs indépendants, mais souvent cooptés par les dirigeants, suscitent depuis longtemps des débats sur la gouvernance, et notamment sur le rôle social de l'administrateur, qui doit défendre l'intérêt social de l'entreprise qu'il représente au conseil. Une question qui est d'ailleurs particulièrement d'actualité avec plusieurs dossiers qui divisent la place de Paris, que ce soit l'offre de Veolia sur Suez ou la bataille autour du groupe Lagardère. Pour le tribunal de commerce, Thierry Derrez a agi pour l'intérêt de son groupe et non celui de Scor. Ce dernier conteste ce point de vue en estimant que son offre était dans l'intérêt de Scor, notamment pour renforcer sa solidité financière.

Rude coup pour Covéa et son dirigeant

Ce jugement tombe mal  pour Thierry Derrez et Covéa. Le groupe mutualiste a été mis sous surveillance depuis des mois par l'autorité prudentielle (ACPR) sur des questions de gouvernance et de trop fortes concentrations des pouvoirs. L'assureur mutualiste n'a pas encore réellement répondu aux injonctions de son autorité de tutelle mais il a modifié depuis son comité exécutif, en nommant notamment un numéro deux du groupe, Paul Esmein.

Surtout, le groupe est en panne de stratégie depuis son nouvel échec de croissance externe. En effet, Covéa avait lancé une offre à 8 milliards de dollars, un prix jugé élevé, pour racheter PartnerRe, la même société que convoitait, un an et demi plus tôt, Scor.  Reste que ce jugement est un coup dur pour l'image du groupe mutualiste, un univers plutôt enclin aux offres amicales.

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