La pénurie de capital et l’inflation vont faire flamber les tarifs de la réassurance

Les négociations entre assureurs et réassureurs n’ont jamais été aussi serrées pendant les traditionnels « Rendez-Vous de Septembre » de Monte-Carlo, qui marquent le premier (et le plus important) round de négociations avant le renouvellement des contrats en janvier. La chute des marchés a réduit les capacités des réassureurs à répondre à une demande croissante de réassurance face à des risques de plus en plus nombreux et de plus en plus chers. La pénurie de capital et l’inflation vont se traduire par une forte hausse des tarifs de réassurance et conduire les assureurs à conserver plus de risques dans leurs bilans.
Les tensions géopolitiques, les évolutions macroéconomiques et le changement climatique entraînent une augmentation de la demande de protection contre les risques.
Les tensions géopolitiques, les évolutions macroéconomiques et le changement climatique entraînent une augmentation de la demande de protection contre les risques. (Crédits : Reuters)

Tout un symbole. C'est sous un soleil de plomb que la réassurance mondiale a rencontré, du 10 au 14 septembre, à Monte-Carlo, ses clients assureurs pour parler prix, capacités de réassurance et risques.

Après deux années d'absence à Monaco en raison de la pandémie, ces « 64ème Rendez-Vous de Septembre » marquent donc le grand retour du principal round de négociations des tarifs avant le renouvellement des contrats de réassurance en janvier prochain pour l'année 2023. Ces contrats permettent aux assureurs de sortir de leur bilan une partie de leurs risques, moyennant une rétrocession de commissions, et de réduire d'autant leurs besoins en fonds propres.

Accumulation de risques et inflation

Il est de tradition pour les réassureurs de dresser chaque année le tableau du pire pour faire passer des augmentations de tarifs, de l'ordre de 3% à 5% par an. Mais cette année, c'est le pire du pire. « Je n'ai jamais vu une telle accumulation de risques en même temps », reconnaît Thierry Léger, directeur des souscriptions chez Swiss Re.

La crise sanitaire avait déjà créé un choc et mis à défaut les modèles de risques des réassureurs. Pas de chance, en effet, la crise sanitaire a plombé simultanément les deux branches de la réassurance, la vie et les dommages (non-vie). La réalité est que les risques deviennent de plus en plus interdépendants et de plus en plus globaux.

Aux tensions géopolitiques et aux conséquences de plus en plus manifestes du changement climatique s'ajoutent de nouveaux facteurs de déséquilibres financiers, avec une inflation galopante, une brusque remontée des taux et une forte instabilité des marchés financiers, sans parler de la chute de l'euro pour les réassureurs européens.

Pourtant, la demande de réassurance est là, elle ne cesse même de croître face à une fréquence et à une intensité de sinistres en constante augmentation.

Pénurie de capital

Encore faut-il que les réassureurs aient les reins financiers assez solides pour y répondre. Rien n'est moins sûr. Selon les estimations de Munich Re, le capital de réassurance (les capacités) devrait même reculer cette année pour la première fois depuis 2018 à 435 milliards de dollars en 2022 contre 475 milliards en 2021 (non compris la réassurance alternative, transférée vers les marchés via des « cat bonds » et estimée autour de 100 milliards de dollars). Laurent Rousseau, directeur général de SCOR, évoque même une « période de pénurie de capital » après une période « d'abondance ».

De fait, la forte baisse des marchés a fait fondre les réserves financières des réassureurs, diminuant d'autant leurs capacités à réassurer et la montée des taux renchérit les exigences de rendement des capitaux employés (mais renforce aussi la solvabilité des réassureurs comme des assureurs).

« Les négociations (avec les assureurs, NDLR) vont essentiellement porter sur trois points. Un, les prix bien évidemment et il n'est pas évident qu'une hausse de 10 % soit suffisante. Deux, il sera nécessaire de restructurer les programmes, c'est-à-dire de revoir le niveau de rétention du risque de la compagnie d'assurance. Enfin, trois, il sera beaucoup question de niveau de diversification du risque avec un même client », nous confie, en marge d'une conférence, un grand réassureur de la place. En clair, les assureurs pourront non seulement moins assurer leurs risques auprès des réassureurs, mais ils devront également payer plus cher pour le faire. Dans les couloirs des hôtels, on évoque des hausses de tarifs « à deux chiffres », mais les hausses peuvent être plus ou moins fortes selon les risques.

Les leaders comptent gagner des parts de marché

Certains grands risques vont devenir ainsi de plus en plus difficilement « réassurables », comme les catastrophes naturelles ou certaines assurances liées à la construction. Certains réassureurs, comme SCOR, ont déjà annoncé qu'ils ne prendront plus de réassurance dommages en Floride. En 2021, les catastrophes naturelles ont généré 270 milliards de dollars de pertes « économiques », dont seulement 40% sont couvertes par la réassurance, selon l'étude Signa de Swiss Re.

Or, ces cinq dernières années, selon l'agence de notation Standard & Poor's, le secteur de la réassurance a généré des pertes sur les souscriptions, avec un ratio combiné moyen (sinistres sur primes) de 102,3%, en raison en partie des pertes élevées dues aux catastrophes naturelles. « Notre industrie est sous pression », résume Torsten Jeworrek, membre du directoire de Munich Re, en charge de la réassurance.

Mais les plus gros acteurs du marché, comme Munich Re ou Swiss Re, ont bien l'intention de saisir cette opportunité de hausse des prix pour consolider leurs positions, voire accroître leurs parts de marché, notamment sur les catastrophes naturelles. « Nous n'avons pas l'intention de réduire notre capacité lors des prochains renouvellements de janvier », a souligné Torsten Jeworrek.

Pas à n'importe quel prix, bien sûr. « Pour répondre à la demande, nous devons améliorer nos marges techniques pour mieux refléter les risques et la dérive des coûts des sinistres », précise Thierry Léger chez Swiss Re, qui compte également poursuivre sa stratégie de croissance, y compris sur le marché des catastrophes naturelles.

L'agence de notation Standard & Poor's a bien identifié dans une étude sectorielle la fragmentation du marché entre ceux qui augmentent leurs capacités et ceux qui vont les réduire. Munich Re et Swiss Re, numéro un et deux du secteur, font clairement partie de la première catégorie. Le français SCOR est plutôt dans la seconde catégorie.

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Commentaire 1
à écrit le 16/09/2022 à 8:25
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Quand on ne brasse que de la monnaie, ce n'est ni sobre, ni résilient! :-)

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