Alibaba, le eBay chinois, bouscule les pratiques bancaires

Avec ses 81 millions de clients, un chiffre d'affaires de 21,9 milliard d'euros et 46,2 milliards d'euros de dépôts de moins d'un an, le fonds de placement Yu'Ebao, lancé par Alibaba, équivalent chinois de l'américain eBay, est en train de révolutionner le paysage bancaire chinois, jusqu'alors contrôlé par quatre banques d'État parmi les plus riches du monde.
Yu'Ebao, le service d'investissement sur le système de paiement en ligne Alipay d'Alibaba, a déjà séduit 7% des Chinois. / DR

Désormais Yu'Ebao est le premier fonds en Chine. Si jusqu'à présent les banques privées étaient interdites, rien n'empêche d'utiliser l'argent d'un tiers pour investir dans un fonds. C'est ce qu'a décidé Alibaba en juin 2013, en s'alliant avec Tianhong Asset Management, que le géant chinois du Web a racheté depuis.

L'idée d'Alibaba, qui avait déjà révolutionné l'e-commerce dans l'empire du Milieu il y a dix ans, est de capitaliser sur ses 300 millions d'utilisateurs, sa connaissance de l'Internet et sur l'argent stocké dans Alipay, son système de paiement en ligne.

Yu'Ebao - ou « trésor abandonné » en chinois -est un fonds de placement comme les autres, investi dans des obligations à court terme. Depuis, Alibaba a élargi ses services bancaires et envisage désormais d'émettre des cartes de crédit. C'est tant la flexibilité du produit - quelques clics suffisent pour vendre, acheter ou retirer son argent - que ses rendements élevés de 7%, qui ont séduit les Chinois, souvent délaissés par les banques d'État. Certains même n'ont pas hésité à y mettre toute leur épargne.

« Le succès de Yu'Ebao montre qu'il y a une vraie demande pour des produits financiers diversifiés de la part des petits investisseurs, ceux qui n'ont que 50.000 yuan renminbi (RMB). Alibaba a comblé ce vide », explique Ning Zhu, professeur au Shanghai Institute of Finance et proche de la Banque centrale.

Dans le sillon d'Alibaba, d'autres entreprises Internet ont décidé de se lancer dans ce marché lucratif. Tencent a créé en janvier Li Cai Tong, une plate-forme de crédit. Ce deuxième géant de l'Internet utilise son système de conversation en ligne instantané We Chat pour promouvoir ses produits.

Il s'est lancé dans une course à l'innovation pour chercher des clients et propose, par exemple, 10 RMB pour chaque déplacement en taxi aux utilisateurs de sa plate-forme.
D'autres tels Baidu, NetEase ou encore Sunning, offrent aussi des produits financiers via une plate-forme Internet.

Une ouverture non sans risque

La régulation sur ces produits et leur promotion est presque nulle. Rien n'est prévu pour compenser les clients en cas de perte. Alibaba n'est pas une banque et n'est pas contrainte de mettre de côté des réserves. Beaucoup s'alarment que des rendements aussi élevés ne soient pas tenables sur le long terme. Surtout, l'afflux vers ce genre de produit pourrait avoir un vrai impact économique en déstabilisant les banques traditionnelles qui ne peuvent pas légalement proposer des fonds de placement.

Les plus récentes statistiques montrent une véritable fuite des dépôts des banques vers Alibaba et ses concurrents. C'est en partie pour pallier ce manque de régulation et pour contrer ces risques que la CBRC, l'autorité bancaire chinoise, a permis en mars dernier à Alibaba et à Tencent de créer des banques privées, une première en Chine, et qui s'inscrit dans une refonte plus globale du système financier chinois.

Pour l'instant, il est difficile de savoir si les activités de financement par Internet de ces deux entreprises seraient touchées.

« Il est probable que les autorités trouvent un juste milieu entre régulation et autonomie pour permettre à Alibaba de continuer à innover et aux banques traditionnelles de pouvoir diversifier leur offre et devenir ainsi réellement compétitives », estime le professeur Ning Zhu.

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Commentaire 1
à écrit le 13/05/2014 à 9:48
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EN 1929, on a eu la spéculation américaine et ses conséquences... Rassurez-vous, la spéculation chinoise est puissance 10 et les conséquences négatives seront puissance 10. Est-ce qu'au moins, les économistes ont conscience que la Chine ressemble de ...

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