Le fondateur de Tinkoff Bank, critique du régime russe, vend sa participation à l’oligarque Potanine

Oleg Tinkov, qui a dénoncé la guerre en Ukraine, cède sa participation dans la fintech Tinkoff, une des rares réussites russes dans l’univers numérique, à l’oligarque Vladimir Potanine, un proche de Vladimir Poutine. Ce dernier a également racheté la banque de détail Rosbank à Société Générale.
Le fondateur de Tinkoff Bank, Oleg Tinkov, est considéré comme un visionnaire de la banque.
Le fondateur de Tinkoff Bank, Oleg Tinkov, est considéré comme un visionnaire de la banque. (Crédits : Reuters)

L'oligarque russe Vladimir Potanine, actionnaire principal de Nornickel, et proche de Vladimir Poutine, peut se féliciter de la guerre en Ukraine et des sanctions européennes. Non seulement il profite de la montée des prix du nickel à la faveur de la crise, mais il poursuit à bon compte ses emplettes dans le secteur bancaire russe. Il a déjà mis la main sur Rosbank, la lucrative banque de détail dont a dû se dessaisir la Société Générale, malgré une complète restructuration menée ces dernières années. Une opération qui va contraindre la banque française à passer 3,1 milliards d'euros de provisions pour dépréciation d'actifs.

Et le « roi du nickel » vient de prendre le contrôle, via son fonds d'investissement Interros, d'une nouvelle pépite, TCS Group, dont le principal actif, la néobanque Tinkoff Bank connaît un succès foudroyant en Russie. En quelques années, elle est devenue la troisième banque du pays, avec 16 millions de clients et la première émettrice de cartes de crédit en Russie.

Le montant de la transaction n'a pas été dévoilé

Son fondateur, Oleg Tinkov, vient en effet de céder sa participation de 35 % dans TCS Group à Interros, selon un communiqué de la banque. Le montant de la transaction n'a pas été dévoilé mais le cours de l'action de Tinkoff s'était effondré à la Bourse de Moscou, comme toutes les valeurs bancaires russes, particulièrement visées par les sanctions.

Ce dirigeant visionnaire, et haut en couleurs, a violemment critiqué, la semaine dernière, sur les réseaux sociaux la guerre en Ukraine et cette prise de position n'est sans doute pas étrangère à cette vente.

« Je ne vois aucun bénéficiaire de cette folle guerre. Les généraux ont réalisé qu'ils ont une armée de merde. Ce pays est enlisé dans le népotisme et la servilité », a ainsi déclaré Oleg Tinkov... depuis son exil à l'étranger. Il avait dénoncé l'agression russe depuis le début des hostilités, mais jamais avec autant de force. Après ces propos virulents, la banque a pris soin de rappeler qu'Oleg Tinkov n'avait plus de fonctions opérationnelles depuis 2020 et qu'elle avait l'intention de changer de nom... pour faire oublier le nom de son fondateur.

Les oligarques restent pour l'instant silencieux sur le conflit et seule une toute petite minorité, à laquelle appartient Mikhail Fridmann, a exprimé son opposition au conflit. La presse relate également une « étrange » vague de suicides chez quelques millionnaires russes en Russie ou à l'étranger. Ironie diplomatique, Oleg Tinkov fait l'objet de sanctions au Royaume-Uni alors que Vladimir Potanine, oligarque pur sucre, échappe jusqu'à présent à la moindre sanction.

Un modèle « à la chinoise »

Tinkoff Bank est une véritable star de la fintech, dont le modèle est scruté et analysé avec attention par toutes les banques du monde. Elle étonne à la fois par sa capacité d'innovation et son parti pris de s'inspirer du modèle des géants de la Tech chinoise Tencent ou Alibaba.

Dès ses débuts en 2016, Tinkoff Bank a massivement investi dans les nouvelles technologies pour développer ses propres outils à un tel niveau d'excellence qu'elle n'hésite pas à vendre aujourd'hui à des tiers ses propres solutions logicielles, notamment dans le domaine de la reconnaissance vocale. La banque aime à rappeler qu'elle possède le huitième plus puissant ordinateur du pays !

Car, dès ses débuts, Oleg Tinkov a conçu son projet non pas comme celui d'une simple banque mais bien comme une plateforme mobile de services pour accompagner les clients dans leur quotidien. C'est pourquoi de nombreux outils interactifs ont été développés, comme les chatbots « intelligents » ou des « super app » notamment pour le commerce en ligne.

Et si Tinkoff s'est inspiré du modèle chinois, il a toutefois emprunté le chemin inverse : au lieu de démarrer sur le e-commerce pour se développer dans les services financiers, la fintech a pris appui sur les services financiers et les cartes pour développer une offre étendue de services, y compris dans l'e-commerce, bien au-delà du périmètre bancaire. C'est donc bien d'un écosystème Tinkoff dont il faut parler aujourd'hui et non pas d'une simple banque digitale. Au final, Tinkoff est un des très rares exemples de réussite technologique et marketing en Russie.

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