Crédit : les banques ont l'intention de serrer la vis aux entreprises au 2e trimestre, prévient la BCE

En zone euro, s'agissant des prêts ou des lignes de crédit aux entreprises, les banques sont en train de nettement durcir leurs normes de crédit (c'est-à-dire les directives internes des banques ou les critères d'approbation des prêts), explique la BCE dans son étude trimestrielle publiée ce mardi, qui traite également de l'évolution des conditions faites aux ménages.
(Crédits : Reuters)

Un mouvement général se dessine qui voit les banques de la zone euro réfléchir à restreindre nettement l'accès au crédit des entreprises au deuxième trimestre 2022, montre l'enquête publiée ce mardi par la Banque centrale européenne (BCE). Le moteur de ce mouvement, c'est l'intolérance au risque qui grimpe à mesure que s'éternise la guerre en Ukraine et qu'augmentent les incertitudes quant à son impact sur les économies des 19 États-membres sur 27 qui ont adopté l'euro comme monnaie.

Ce que les banques craignent, c'est la persistance des perturbations sur les chaînes d'approvisionnement et donc la perte d'efficience des appareils productifs, la flambée de l'inflation avec l'augmentation des prix des biens et de l'énergie... Mais elles anticipent également la réponse de la BCE à cette situation par le durcissement de la politique monétaire (taux et rachats de dettes).

"Les banques prévoient un resserrement considérablement plus marqué des critères d'octroi de crédit pour les prêts aux entreprises, qui devrait refléter l'incertitude quant à l'impact de la guerre en Ukraine et l'anticipation d'une politique monétaire moins accommodante", explique son enquête trimestrielle sur le crédit dans la zone euro, réalisée courant mars auprès de 151 établissements.

| Lire: « Le coût économique du conflit en Ukraine sera élevé » (Nicolas Théry, Crédit mutuel)

Pour rappel, ces critères internes d'octroi de crédit des banques avaient déjà été durcis au premier trimestre 2022 pour les mêmes raisons. Cependant, explique la BCE, le deuxième trimestre devrait être plus difficile encore sur ce plan, car les banques ont une perception de plus en plus pessimiste des conséquences du conflit entre l'Ukraine et la Russie et cherchent à renforcer la protection de leur bilan.

La BCE craint un coup de frein au 2e trimestre qui pénaliserait surtout les entreprises

À la BCE, on voit en effet cette aversion au risque passer un cap entre le 1er et le 2e trimestre, et l'on craint un coup de frein de la part des banques à l'octroi de prêts, lequel pénaliserait l'investissement des entreprises et limiterait la capacité des ménages à compenser l'impact de l'envolée des prix sur leur revenu disponible.

Malgré cela, la demande de crédit avait néanmoins continué d'augmenter au premier trimestre. Et cela ne va pas en diminuant, puisque selon la BCE, les banques s'attendent pour le deuxième trimestre 2022 à une augmentation de la demande de prêts côté entreprises.

Côté ménages, la demande de prêts au logement et de crédits à la consommation et autres prêts aux ménages a encore augmenté en termes nets au premier trimestre 2022. L'augmentation nette de la demande de prêts au logement a été principalement due au niveau général des taux d'intérêt. Pour le deuxième trimestre 2022, les banques s'attendent à une nette diminution de la demande de prêts au logement, mais à une demande de crédit à la consommation globalement inchangée. La BCE explique que cette demande est plus liée au besoin d'acheter des biens durables que par un effet de confiance, car celle-ci est en nette baisse ces derniers temps.

| Lire: Le PIB de l'Ukraine va s'effondrer (-45%), mais la Banque mondiale voit un scénario plus sombre encore

La crainte d'un rétrécissement dans les six mois

Les banques ont indiqué, révèle l'étude de la BCE, que les programmes d'achat d'actifs de la BCE et la troisième série d'opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) continuaient d'avoir un impact positif sur leur position de liquidité et sur les conditions de financement du marché.

Mais les établissements bancaires s'attendent à ce que cet impact devienne plus faible dans le cas des TLTRO et négatif pour les programmes d'achat d'actifs de la BCE au cours des six prochains mois.

De quoi nourrir le débat jeudi 14 avril au Conseil des gouverneurs

L'enquête de la BCE devrait nourrir les débats au sein de l'institution avant la réunion de politique monétaire du 14 avril, à l'issue de laquelle elle pourrait préciser ses intentions en matière de normalisation de sa stratégie, la lutte contre l'inflation étant désormais sa priorité.

Les observateurs espèrent que l'institution apportera une clarification à ce casse-tête créé par la guerre en Ukraine: l'association d'une inflation galopante et de risques accrus de récession en zone euro, chacun des deux problèmes ayant a priori une solution opposée à l'autre.

En mars, l'institut présidé par Christine Lagarde a annoncé vouloir mettre fin aux achats nets d'actifs au troisième trimestre, en se donnant la possibilité d'augmenter les taux "quelque temps après".

La BCE devrait jeudi "s'en tenir à son engagement de normalisation conditionnelle, progressive et flexible de sa politique" et "réévaluer la situation lors de la réunion du 9 juin", selon Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management, interrogé par l'AFP.

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NOTE

L'enquête sur le crédit bancaire dans la zone euro, menée quatre fois par an, a été élaborée par l'Eurosystème(*) afin d'améliorer sa compréhension du comportement des banques en matière de crédit dans la zone euro. Les résultats rapportés dans l'enquête d'avril 2022 concernent les changements observés au premier trimestre 2022 et les changements attendus au deuxième trimestre 2022, sauf indication contraire.

(*) L'Eurosystème, qui regroupe la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des États membres de l'Union européenne qui ont adopté l'euro, est l'autorité monétaire de la zone euro.

(avec Reuters et AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 13/04/2022 à 8:58
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la fin de l'argent gratuit pour tous quoi qu'il en coute........ca fait longtemps qu'il aurait fallu le faire, ca va de nouveau etre procyclique.......c'est pas possible de gerer comme ca!! qu'est ce que lagarde va dire comme connerie pour justifier ...

à écrit le 12/04/2022 à 19:01
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C'est bien normal, Il ne faut prêter qu'aux riches qui sont en bonne santé. J'en veux pour preuve quelques cas récents d'entreprises au business model assez aléatoire (LR, EELV, PS) qui ont emprunté plus que de raison et se trouvent en grande diffi...

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