Etats-Unis, Chine, Caïmans, Luxembourg, rois du shadow banking

La "finance de l'ombre", non bancaire et peu ou pas régulée, a crû de 7,6% en 2016 pour atteindre 45.000 milliards de dollars, selon le Conseil de stabilité financière. Une progression pas nécessairement alarmante, due essentiellement à l'intégration pour la première fois de données de Chine et du Luxembourg, parmi les plus actifs dans le domaine.
Delphine Cuny
La finance non régulée est estimée à 45.000 milliards de dollars sur un total de 340.000 milliards d'actifs financiers dans 29 pays représentant 80% du PIB mondial en 2016, selon le dernier rapport du Conseil de stabilité financière.
La finance non régulée est estimée à 45.000 milliards de dollars sur un total de 340.000 milliards d'actifs financiers dans 29 pays représentant 80% du PIB mondial en 2016, selon le dernier rapport du Conseil de stabilité financière. (Crédits : FSB)

Hedge funds, fonds obligataires ou immobiliers, trusts de gestion d'actifs, etc : le "shadow banking" est devenu un pan très important de la finance mondiale ces quinze dernières années. Depuis la crise des subprimes, le Conseil de stabilité financière (CSF ou Financial stability board, FSB en anglais), un organisme mandaté par le G20, s'est attaché à cartographier méthodiquement cette "finance parallèle" (hors système bancaire traditionnel) plutôt que fantôme ou "de l'ombre", qui est peu ou pas régulée mais pas illégale. Le septième rapport du CSF, publié ce lundi, montre que le phénomène a encore gagné de l'ampleur : à la fin de 2016, le "shadow banking" pesait 45.200 milliards de dollars dans un total de 29 pays (plus de 80% du PIB mondial), en hausse de 7,6% par rapport à l'année précédente. Il représente 13% de l'ensemble des actifs financiers (336.000 milliards de dollars).

Il s'agit de la "finance parallèle" au sens strict du terme, en excluant du périmètre les acteurs financiers non-bancaires (MUNFI, c'est-à-dire assurances, fonds de pension, soit 160.400 milliards de dollars) et les autres intermédiaires financiers (OFI), par exemple les fonds de capital-risque ou de capital-développement, les entreprises de leasing et les captives auto notamment (99.200 milliards). La mesure large de la finance non bancaire, incluant ces autres intermédiaires financiers (OFI), pèse 30% des actifs mondiaux, "le plus haut niveau depuis au moins 2002" relève le CSF.

"Alternative utile"

Cette progression n'est pas forcément alarmante. D'une part, elle tient largement à l'intégration, pour la première fois, des données du Luxembourg (3.200 milliards), où sont implantés de très nombreux fonds, et de la Chine (7.000 milliards de dollars), où la finance parallèle est extrêmement développée. La précédente version intégrait pour la première fois la Belgique et les îles Caïmans, domiciliation préférée des hedge funds. Or la Chine est le deuxième pays en termes de shadow banking (16%), derrière les Etats-Unis (31%), devant les îles Caïmans (10%) et le Luxembourg (7%) et le Japon (6%). La France se situe dans la moyenne européenne à 3%.

Shadow banking par pays FSB

[La répartition du shadow banking par pays. Crédits : CSF]

D'autre part, ces activités ne sont pas nécessairement une menace sur l'équilibre financier mondial.

"Le financement non-bancaire offre une alternative utile au financement bancaire et contribue à soutenir l'activité économique. Pour beaucoup d'entreprises et de ménages, il est une source bienvenue de diversification de fournisseur de crédit et il apporte une compétition saine aux banques" estime le CSF.

La Commission européenne, avec son projet d'Union des marchés de capitaux, est plutôt favorable au développement de ces alternatives alors que les entreprises du Vieux continent dépendent trop souvent du crédit bancaire et se financent moins sur les marchés financiers que les sociétés américaines.

La part des prêts non bancaires est extrêmement variable d'un pays à l'autre, elle dépasse celle du crédit bancaire dans certains comme la Belgique, la Hongrie, l'Irlande, la Norvège et les Etats-Unis. A l'inverse, en Allemagne et en Italie, elle ne représente que 30-35% du crédit bancaire.

crédit bancaire shadow banking fsb

[Poids du crédit non bancaire par rapport au PIB et au crédit bancaire en % par pays. Crédits : CSF]

Encadrer la gestion d'actifs

Cependant, le Conseil de stabilité financière relève que le shadow banking peut être une source de risque systémique si ces acteurs se livrent à des activités quasi bancaires, transformant la maturité et la liquidité et créant un effet de levier.

"Il est essentiel que la capacité de résistance du secteur soit maintenue au fur et à mesure de son évolution" a commenté le président du CSF, Mark Carney, le gouverneur de la Banque d'Angleterre.

"Une bonne compréhension des risques émergents aide à orienter notre jugement sur les réponses politiques appropriées, telles que les recommandations de 2017 du CSF pour remédier aux vulnérabilités structurelles des activités de gestion d'actifs qui seront opérationnelles cette année."

Le CSF s'est en effet inquiété de l'inadéquation de la liquidité des investissements de certains fonds et des risques de panique sur les marchés en cas de demandes de rachat des clients massives et soudaines : il a ainsi recommandé, entre autres, aux gestionnaires d'actifs de réaliser des tests de résistance sur chacun de leurs fonds.

Les gardiens de la stabilité financière rappellent qu'ils ont expliqué en juillet dernier, dans un rapport remis aux représentants du G20 réunis à Hambourg, que "les aspects du shadow banking considérés comme ayant contribué à la crise financière ont significativement diminué et ne posent désormais, dans l'ensemble, plus de risques pour la stabilité financière." En particulier, la titrisation, qui avait accéléré la crise des subprimes, est désormais régulée.

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 06/03/2018 à 13:36
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Sérieux le CSF ? il recommande aux gestionnaires d'actifs de réaliser des test de résistance sur chacun de leurs fonds - un auto-contrôle en somme-, et indique qu'il n'y a plus de risques liés au shadow banking, avec la titrisation maintenant régulée...

à écrit le 06/03/2018 à 8:52
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"Cependant, le Conseil de stabilité financière relève que le shadow banking peut être une source de risque systémique si ces acteurs se livrent à des activités quasi bancaires, transformant la maturité et la liquidité et créant un effet de levier" ...

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