L'AMF voit rouge sur les sondages de marché

Après avoir sanctionné deux nouvelles banques ayant procédé à des sondages de marché en vue d'une émission obligataire, le gendarme de la Bourse est prêt à revoir son règlement général en la matière. L'association des marchés financiers, AMAFI a élaboré un code de bonne conduite susceptible d'être mis en place d'ici à la rentrée.
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L'Autorité des marchés financiers vient d?infliger à BNP Paribas et à Société générale un avertissement assorti d?une sanction de 500.000 euros chacune pour non-respect des règles applicables en matière de sondage de marché lors de deux émissions obligataires. Prononcées fin novembre par le gendarme de la Bourse, ces sanctions portent sur deux émissions réalisées pour le compte de Saint-Gobain et de Schneider Electric en janvier 2009. En avril 2011, le Crédit agricole et Natixis avaient eu le même traitement avec les mêmes griefs à l?occasion, la encore, de sondages de marché.

Dans tous les cas, L'AMF estime que ces banques n'ont pas respecté les règles destinées à protéger la confidentialité des informations avant une opération. Ces sondages, rappelons-le, consistent à tester l'intérêt des investisseurs dans la perspective d?une émission qu?elle soit obligataire ou d?actions. Un processus que ces professionnels réalisent de longue date pour les actions et qui ne posait jusqu?à présent pas de problème à l?AMF. Mais celle-ci estime aujourd?hui qu?il y a inégalité de traitement entre les investisseurs et surtout que les informations données afin de tester l?appétit des opérateurs peuvent s?apparenter à des informations privilégiées constitutive d?un délit d?initié.

Enorme risque juridique

« Ces décisions soulignent le risque juridique fort qui pèse sur les établissements sondeurs, ce qui les incitera sans doute à adopter une attitude plus conservatrice dans l'application de leurs procédures de conformité. Cela pourrait rendre les investisseurs plus réticents à être sondés, et donc restreindre la capacité d'utiliser les sondages pour lancer de nouvelles émissions dans les meilleures conditions.», observe Maître Régis Henry, avocat au sein du cabinet Shearman & Sterling LLP.

De fait, si les banques n?ont plus le droit de tester le marché avant de se lancer dans un projet d?opération primaire, c?est le principe de base de ces transactions que l?on remet ici en question. Car aucune émission n?est effectivement programmée si les professionnels n?ont pas une idée de la marque d?intérêt de leurs clients ni du prix auquel ils seraient susceptibles d?être acquéreurs. Ces sondages se sont d?ailleurs systématisés ces derniers mois compte tenu du contexte plus que frileux des marchés.

« Le texte du règlement général de l?AMF a été interprété de différents manières par les établissements de la Place. L'AMF semble laisser une latitude aux établissements sondeurs pour qualifier l'information transmise. Toutefois, dans la mesure où c'est l'AMF qui détermine in fine le caractère privilégié ou non de cette information, cette latitude ne protège pas les établissements sondeurs contre d'éventuelles sanctions », ajoute Régis Henry.

L'AMAFI a élaboré un code de bonne conduite

Consciente de l?urgence à agir, l?AMAFI, l'association française des marchés financiers a immédiatement élaboré un code de bonne conduite qu?elle a déjà soumis à l?AMF. Dès qu?elle l?aura avalisé, celle-ci devra modifier l?un de ses règlements généraux. Processus qui devrait toutefois prendre un certain temps puisque la validation passera forcément par un arrêté ministériel officiel. Il ne faut donc rien attendre avant juillet, voire la rentrée. Ce code de bonne conduite prévoit essentiellement de codifier ce processus de sondages en deux phases. En amont, il sera demandé aux différents membres du pool bancaire susceptibles de tester leurs clients de décider si oui ou non les informations qu?ils vont donner sont privilégiées.

« Les établissements devront constituer des pistes d?audit pour que l?AMF puisse vérifier si tout s?est passé en bonne et due forme », souligne Stéphanie Hubert directeur de la conformité l?AMAFI. Lors des appels téléphoniques, il s?agira ensuite d?être très clair avec les clients sondés. Et les prévenir, si c?est le cas, qu?ils sont détenteurs d?informations privilégiées leur interdisant d?intervenir sur le marché du titre et de communiquer l?information à d?autres personnes.

« Ce processus ne change pas radicalement les habitudes jusqu?à présent en vigueur. Il s?agit surtout ici d?introduire un script, un langage codifié et uniformisé que les sondeurs devront forcément adopter vis-à-vis de leurs clients, y compris ceux qu?ils connaissent très bien et avec lesquels ils pouvaient adopter un vocable moins formel que celui imposé par le texte», constate Régis Henry.

Quid des émissions obligataires d'ici à la fin du premier semestre ?

Cette procédure devrait donc permettre de lever le risque juridique actuel. Cela étant, il ne faut rien attendre avant plusieurs mois. Les établissements financiers et les émetteurs vont-ils devoir, d?ici là, geler tout projet d?émission ? Il semble que les marchés disposent actuellement d?une plus grande visibilité que par le passé. Pour autant, les professionnels vont sans doute y regarder à deux fois avant de s?engouffrer à nouveau dans la brèche des sondages. Et à moins de se lancer sans filet, on peut croire que les opérations obligataires ne seront pas légions d?ici à la fin du premier semestre.

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Commentaires 2
à écrit le 30/03/2012 à 8:33
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Je pense, peut-être un peu naïvement, que s?il y avait eu davantage d?émissions privées faisant appel à l?épargne publique dans un passé récent, l?analyse du comportement du marché obligataire suffirait aux banques pour assister en connaissance de c...

à écrit le 30/03/2012 à 8:31
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Je pense, peut-être un peu naïvement, que s?il y avait eu davantage d?émissions privées faisant appel à l?épargne publique dans un passé récent, l?analyse du comportement du marché obligataire suffirait aux banques pour assister en connaissance de c...

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