Inflation : le Japon met sur la table un plan de relance de 266 milliards d'euros pour relancer son économie

Pour faire face à la hausse des prix qui pèse sur les ménages et les entreprises, le gouvernement va lancer un plan massif de soutien tandis que la Banque centrale du Japon a gardé ses taux bas inchangés.
Fumio Kishida, Premier ministre du Japon.
Fumio Kishida, Premier ministre du Japon. (Crédits : Reuters)

[Article publié le 28 octobre, mis à jour à 12H10]

Pour soutenir son économie, le gouvernement japonais met les bouchées doubles. Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a annoncé, ce vendredi, un plan de relance de l'équivalent de 266 milliards d'euros pour lutter contre l'inflation et la faiblesse du yen.

Cela fait suite à l'approbation par son gouvernement d'un budget supplémentaire pour financer en partie ces mesures d'aide. Le gouvernement espère qu'avec ces 39.000 milliards de yens (266 milliards d'euros) de dépenses budgétaires, le montant total du plan représentera 72.000 milliards de yens (492 milliards d'euros) en incluant des investissements du secteur privé, a déclaré Fumio Kishida lors d'une conférence de presse.

Alléger les factures d'énergie

« Nous souhaitons l'adoption rapide » de ce plan qui sera soumis au Parlement, avait expliqué, plus tôt, Fumio Kishida à la télévision. Il devrait comprendre des mesures pour alléger les factures d'énergie des ménages, en nette hausse depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, inciter les entreprises à augmenter les salaires et soutenir l'économie dans les différentes régions du pays.

Détenant déjà le record mondial en matière de dette publique rapportée au produit intérieur brut (PIB), le Japon a encore augmenté ce fardeau au cours des deux dernières années, avec plusieurs plans de soutien massifs à l'économie pour amortir l'impact de la pandémie de Covid-19. « Pour que les mesures de relance soient efficaces, la taille du plan doit être énorme », a déclaré à l'AFP Yoshiki Shinke, chef économiste de l'institut de recherche Dai-ichi Life. « On peut comprendre que le gouvernement annonce de nouvelles mesures de relance maintenant, car l'économie japonaise est confrontée à une faible demande en raison de la hausse des prix, contrairement aux Etats-Unis où la demande est forte avec la Fed (Réserve fédérale américaine) qui tente de refroidir l'inflation », a ajouté l'expert.

Les prix augmentent, en effet, au Japon, troisième économie mondiale, au rythme le plus élevé depuis huit ans, bien que le taux d'inflation de 3% reste largement inférieur à ceux observés aux Etats-Unis ou en Europe.

Des taux directeurs toujours négatifs

Dans le même temps, la Banque centrale du Japon (BoJ) maintient sa politique de soutien massif à l'économie caractérisée par son taux négatif de 0,1% sur les dépôts des banques auprès d'elle (pour les inciter à prêter davantage) et ses achats illimités d'obligations publiques japonaises pour plafonner leurs rendements à dix ans à 0,25%. Elle a d'ailleurs annoncé son maintient, ce vendredi, laissant inchangé ses taux directeurs.

Si la BoJ a elle-même annoncé prévoir une hausse des prix à la consommation (hors produits frais) de 2,9% sur l'exercice 2022/23 s'achevant le 31 mars prochain, elle demeure inflexible. Car selon elle, malgré cette « inflation par les coûts », tirée notamment par les hausses de prix de l'énergie, les conditions ne sont pas encore réunies pour un resserrement monétaire au Japon. D'autant qu'elle prévoit que l'inflation retombera à 1,6% en 2023/24 (contre 1,4% précédemment) et 2024/25. En outre, en excluant à la fois les produits frais et l'énergie, l'inflation nippone devrait se limiter à 1,8% sur l'exercice actuel et à 1,6% en 2023/24, toujours selon l'institution.

« Il ne faut pas attendre des hausses de taux d'intérêt ou une sortie de l'assouplissement monétaire (de la BoJ) de sitôt », a lancé vendredi le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda. La Banque nippone « entend mener sa politique monétaire de sorte que la stabilité des prix soit atteinte de manière durable et stable en s'accompagnant de hausses de salaires », a-t-il ajouté. Cette politique reçoit l'approbation des économistes à l'instar de Masamichi Adachi et Go Kurihara qui ont, dans une récente note d'UBS, estimé que ce cocktail de politique monétaire accommodante et de plan de soutien était « optimal ». « Resserrer la politique monétaire pour combattre la dépréciation du yen et l'inflation dans les circonstances actuelles aurait des conséquences plus graves pour l'économie, avec des turbulences sur les marchés », ont-ils commenté.

La BoJ crainte notamment qu'une hausse des taux ne fragilise la reprise de la croissance du pays, largement pénalisée par la lutte contre l'épidémie de Covid-19. D'autant que l'institution monétaire a abaissé ce vendredi à 2% sa prévision de croissance du PIB nippon en 2022/23 (contre 2,4% lors de sa dernière estimation en juillet), puis 1,9% en 2023/24 et 1,5% en 2024/25. L'économie japonaise devrait « rester sous la pression négative des prix élevés des biens de consommation et des ralentissements économiques à l'étranger », a-t-elle commenté dans un communiqué.

À l'inverse, la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé, jeudi, sa troisième hausse de taux et la deuxième à 75 points de base pour tenter d'endiguer une inflation qui atteignait 10% en septembre sur un an. La réserve fédérale américaine (fed) a, elle, déjà procédé à cinq relèvement de son principal taux directeur, qui s'élève désormais dans une fourchette de 3 à 3,25%. Et elle devrait poursuivre dans cette logique avec d'autres hausses à venir.

Lire aussiBanque centrale européenne (BCE) : comprendre sa politique monétaire

Or, le décalage entre la politique de la BoJ et les resserrements monétaires des autres grandes banques centrales, la Fed en tête, pèse sur la monnaie japonaise, qui a perdu plus de 20% de sa valeur face au dollar depuis le début de l'année. Le mois dernier, le maintien du statu quo monétaire de la BoJ avait entraîné une chute de la monnaie locale à 145 yens pour un dollar, son plus bas niveau en 24 ans, entraînant la première intervention du Japon pour soutenir le yen depuis 1998. L'effet n'a été que de courte durée, et le dollar a dépassé la semaine dernière la barre des 150 yens, pour la première fois depuis 1990, avant de redescendre autour de 147 yens, la monnaie nippone ayant probablement été soutenue par de nouvelles interventions du gouvernement qui a cependant refusé de confirmer.

Tout en déclinant de s'exprimer sur la question des interventions, le gouverneur de la BoJ a répété ce vendredi que la récente dépréciation du yen, « rapide et unilatérale", était "négative pour l'économie japonaise ». « Cette double intervention consistant à supprimer les taux d'intérêt à long terme d'un côté tout en tentant d'empêcher le yen de s'affaiblir davantage est vouée à l'échec sur les deux tableaux », a cependant estimé Amir Anvarzadeh, d'Asymmetric Advisors. « Avec la demande faiblissante à l'étranger qui annule les effets positifs d'un yen bas pour les entreprises tandis que les hausses de prix pèsent sur les ménages japonais, nous ne serions pas surpris que le Japon tombe en récession l'an prochain », a-t-il ajouté.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 28/10/2022 à 17:37
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Un emprunt au parrain Xi?

à écrit le 28/10/2022 à 8:43
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C'est une fuite en avant.

à écrit le 28/10/2022 à 7:28
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Ca reste quand meme inferieur aux 250 milliards de $ injectes par Samsung aux USA pour y construire un nouveau site de supra. Sont radins ces nippons.

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