Transition énergétique : le marché sourit à l'Accord de Paris

La baisse des cours du pétrole et du charbon, ainsi que les politiques énergétiques de nombreux États, favorisent le désinvestissement des énergies fossiles, tandis que les énergies renouvelables battent de nouveaux records.
Giulietta Gamberini
Dans un tout récent rapport, l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) a constaté qu'en 2015, les capacités installées ont réalisé « la plus forte croissance jamais enregistrée » (+8,3%).

« Un accord historique » qui ouvre néanmoins « un chantier immense ». À Davos, en janvier, le Forum économique mondial n'a pas manqué de se pencher sur le texte issu de la COP 21, témoignant ainsi de l'intérêt croissant que le milieu des affaires accorde à la transition énergétique. Car non seulement la politique, mais aussi les marchés envoient de nouveaux signaux, auxquels l'industrie et la finance ne peuvent rester indifférentes, et dont la mise en oeuvre effective de l'Accord de Paris dépendra largement.

Les « démons » des combustibles fossiles, le charbon et le pétrole, sont en effet devenus des investissements risqués. D'une part, leurs prix ont atteint des plus bas historiques. Aux États-Unis notamment, où l'essor du gaz de schiste rend le marché encore plus concurrentiel, les faillites de charbonniers se multiplient. Dernier en date, Peabody Energy, le plus gros producteur du pays, a annoncé mercredi 13 avril avoir déposé le bilan. Il suit de près son grand rival, Arch Coal, deuxième producteur américain, qui a déposé son bilan en janvier. Par ailleurs, nombre d'États, conscients de la nécessité de légiférer pour favoriser la transition énergétique, ont tourné le dos au charbon. C'est le cas de sept pays membres de l'Union européenne : la Belgique, qui a fermé sa dernière centrale en activité le 30 mars, a ainsi suivi l'exemple de Chypre, Malte, le Luxembourg et les États baltes. D'autres comptent leur emboîter le pas dans la prochaine décennie : le Portugal, le Royaume-Uni, l'Autriche et la Finlande. La Chine, où la consommation de charbon diminue depuis 2014, et qui a déclaré la guerre à la pollution de l'air, se prépare à ordonner à 29 de ses 31 provinces continentales de suspendre tous les projets de centrales à charbon en cours d'autorisation. L'Empire du Milieu a d'ailleurs déjà suspendu les autorisations de nouvelles mines jusqu'en 2019 et prévoit d'en fermer un millier cette année.

Les investisseurs fuient les énergies fossiles

Barack Obama, comme il s'y était engagé dans son discours sur l'état de l'Union, a demandé à l'administration américaine de mener un examen des modalités d'autorisation d'ouverture de nouvelles mines de charbon sur les terres fédérales. Et le fonds de pension public norvégien, le plus gros fonds souverain au monde, vient de bannir 52 entreprises aux activités liées au charbon. Effrayées par ces perspectives moroses, les grandes banques et compagnies d'assurance désinvestissent donc de plus en plus des énergies fossiles. JP Morgan Chase, BNP Paribas, Allianz font partie des grands noms ayant récemment rejoint le mouvement, qui en décembre comptait plus de 500 institutions représentant 3.400 milliards de dollars d'actifs, selon l'ONG 350.org. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les investissements dans de nouveaux projets pétroliers ont été réduits de 20% l'an dernier par rapport à 2014, ce qui représente « la baisse la plus forte dans l'histoire du pétrole » ; et la tendance devrait se poursuivre en 2016.

Les énergies renouvelables, au contraire, ne se sont jamais aussi bien portées. Dans un tout récent rapport, l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) a constaté qu'en 2015, les capacités installées ont réalisé « la plus forte croissance jamais enregistrée » (+8,3%). Selon le dernier rapport annuel du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue), 266 milliards de dollars (236 milliards d'euros) ont été investis en 2015 dans les renouvelables, contre 130 milliards de dollars (115 milliards d'euros) dans les centrales à charbon et à gaz. Porté par la chute des prix (-45% pour les éoliennes depuis 2010 et -80% pour les panneaux solaires), ce développement accéléré est favorisé par les politiques publiques engagées par certains des plus gros émetteurs du globe. La Chine vient ainsi d'ordonner à ses sociétés de transport et de distribution d'énergie d'ouvrir l'accès au réseau à toutes les sources d'énergies renouvelables. Pékin prévoit de tripler ses capacités de production solaire d'ici à 2020. Le Canada (qui avait quitté le protocole de Kyoto) et les États-Unis (qui ne l'avaient pas signé) ont promis de coopérer davantage dans le renforcement des énergies propres. L'Australie compte pour sa part investir un milliard de dollars australiens (679 millions d'euros) dans un fonds dédié à l'innovation dans ce domaine.

Serait-ce bientôt la fin des fossiles ? « Pétrole et gaz resteront incontournables », ont prévenu, malgré l'enthousiasme de l'après-COP 21, les dirigeants du monde réunis à Davos. Selon une étude des ONG Greenpeace, Sierra Club et CoalSwarm, les projets de construction de centrales à charbon dans le monde entier représentent encore 1.424 GW de nouvelles capacités de génération, soit l'équivalent de 1.500 centrales. La Turquie compte à elle seule encore plus de 70 projets de centrales à charbon en cours. Le chemin engagé à Paris sera encore long.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 6
à écrit le 22/04/2016 à 13:30
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Suite. de plus, le chomage est en partie du temps de travail libéré par l'usage de l'énergie. Il faut répartir ce temps libéré et prévoir son financement par une contribution de l'énergie. Une taxe sur l'énergie serait favorable au climat.

à écrit le 22/04/2016 à 13:24
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Il reste encore beaucoup à faire pour comprendre le véritable role de l'énergie. L'énergie remplace le travail et doit être associée a travail pour financer les charges sociales (une taxe sur l'énergie pour financer les retraites et le chomage).

à écrit le 22/04/2016 à 11:44
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Plus lointain sera cette transition énergétique, moins nous risquerons les périodes des pénuries. Qui peut encore affirmer que des éoliennes ou des panneaux solaires peuvent répondre immédiatement à une demande d'électricité !

à écrit le 22/04/2016 à 9:10
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Très bon article merci! Quand on pense a ce qu on permit les transitions énergétiques dans l Histoire, ça fait baver. Allier croissance eco et développement durable, le fantasme de tout économiste!

à écrit le 22/04/2016 à 9:03
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Les entergies fossiles restent incontournables, mais peuvent être remplacées ou réduites pour de multiples applications. Il faut au moins commencer.

à écrit le 22/04/2016 à 8:30
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Selon SolarPlaza, le financement participatif aurait levé jusqu’à aujourd’hui plus de 165 millions d’euros pour les énergies renouvelables, pour plus de 300 projets dans le monde. Par ailleurs, dans 5 ans, le crowdfunding pourrait fournir 5 milliards...

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