Actionnariat de CILAS : un ménage à trois, arrangé par la DGA, se profile

La direction générale de l'armement roule pour un actionnariat de CILAS composé de Safran, MBDA et Lumibird. Encore faudrait-il que les actionnaires arrivent à se concerter sur l'avenir de cette pépite française.
Michel Cabirol
CILAS en attente d'un actionnariat cohérent pour redresser la barre
CILAS en attente d'un actionnariat cohérent pour redresser la barre (Crédits : CILAS)

La Direction générale de l'armement (DGA) dévoile ses plans pour CILAS. Lors d'une audition mardi du ministre des Armées Sébastien Lecornu au Sénat, le Délégué général pour l'armement Emmanuel Chiva a été invité à répondre au sénateur Olivier Cadic (Union centriste), qui s'étonnait de la tournure prise sur le dossier de reprise pour le moins compliqué de cette PME dans le viseur de l'équipementier aéronautique et de défense Safran et du missilier MBDA. Pour la DGA, "l'actionnariat cible" de CILAS se composera de Lumibird qui "gardera ses parts" (37%, soit une minorite de blocage) ainsi que de Safran et MBDA qui veulent racheter "les parts d'ArianeGroup (63%, ndlr), via une coentreprise ad hoc", qui s'appellera HMS Laser.

"Une fois ce projet de cession acté, nous ferons en sorte qu'il y ait des modalités de fonctionnement permettant de conserver le développement de la filière laser en France, a promis Emmanuel Chiva. Suite (du projet) dans quelques semaines mais nous prêtons une grande attention au fait de conserver cette compétence de Lumibird dans l'environnement de CILAS".

Des actionnaires qui ne se parlent pas

La DGA devra se montrer très persuasive pour faire cohabiter les deux nouveaux blocs d'actionnaires. Car aujourd'hui encore Safran et MBDA ignorent complètement Lumibird et font la sourde oreille à toutes les demandes de réflexions communes sur l'avenir de CILAS de Marc Le Flohic, le PDG de l'ETI bretonne basée à Lannion. Ce qui ne favorise ni la gestion opérationnelle, ni l'avenir de CILAS qui a plongé ces dernières années dans une situation financière catastrophique. Le patron de CILAS Pierre Faucoup a déjà été prié de partir pour laisser la place au PDG d'Europropulsion, Pierre Vignando, qui gravite dans la galaxie de Safran.

Pour autant, l'acquisition de la PME spécialisée dans les lasers par Safran et MBDA reste en suspens. Elle fait actuellement l'objet d'une enquête préliminaire de la part de la Commission européenne dans le cadre d'une procédure normale de concentration pour cerner l'impact potentiel de cette opération sur l'écosystème concerné par cette opération (fournisseurs, concurrents, clients). Et selon MLex, journal spécialisé dans les aspects réglementaires, l'offre de Safran et de MBDA sur CILAS menacerait la concurrence. La commission européenne doit rendre vendredi sa décision : soit elle autorise cette acquisition, soit elle ouvre une enquête approfondie. "Nous espérons évidemment un avis positif", a indiqué Emmanuel Chiva.

CILAS, dépendance vis-à-vis des Etats-Unis ?

Dans sa question, Olivier Cadic a soulevé plusieurs points importants : "CILAS est aujourd'hui dans une situation financière catastrophique, doublée d'une dépendance technologique grave vis-à-vis des États-Unis, auprès desquels elle s'approvisionne en sources laser, alors que Lumibird est un des rares acteurs au plan mondial à maîtriser industriellement cette technologie".

Comme le révélait La Tribune, CILAS a vu son chiffre plonger de près de 19% entre 2020 et 2021, passant 33,6 millions à 27,25 millions d'euros, dont 13,4 millions dans la défense et la sécurité. Elle réalisait en 2018 un chiffre d'affaires de 47 millions d'euros. Soit une perte de plus de 40% du chiffre d'affaires en quatre ans. Le résultat net est également très inquiétant (- 11,3 millions d'euros en 2021). Résultat, le montant des dettes grimpe pour culminer à 50,5 millions d'euros en 2021 (contre 43,5 millions en 2020).

Au-delà de la situation financière catastrophique de cette PME, le sénateur a affirmé que CILAS avait "une dépendance technologique grave vis-à-vis des Etats-Unis". Une dépendance qui est même stratégique puisque l'arme laser est au cœur de la lutte anti-drones, une des missions prioritaires de l'armée française. Le sujet des dépendance est également un sujet cher à Sébastien Lecornu, qui a affirmé lors de cette audition que "certaines dépendances sont impensables".

Laser : Lumibird maitrise toute la chaine de valeur

En revanche, Lumibird, qui équipe entre autres le Rafale et le laser mégajoule du CEA, maîtrise la fabrication "des lasers et des sous-systèmes, mais également tous les composants qui servent à les fabriquer", avait expliqué son PDG, Marc Le Flohic, dans une interview accordée en septembre 2021 à La Tribune. Ce qui fit dire à Olivier Cadic que "seul Lumibird est à même retourner cette situation désastreuse, et faire gagner délais, budget et indépendance pour nos forces armées".

"Si nous nous sommes positionnés de longue date, c'est parce que CILAS est pour nous une brique importante dans la construction d'un pôle souverain dans le domaine de la défense et du spatial, positionné sur les sous-systèmes et les composants. Notre ambition est de développer une offre transverse pour alimenter l'ensemble des intégrateurs français et européens et d'assurer à cette capacité une production totalement souveraine en France afin d'éviter des restrictions, notamment au niveau des réglementations ITAR ou autres".

Emmanuel Chiva a rappelé que "Lumibird est un fournisseur mondial de diodes laser notamment pour le spatial. La société est un fournisseur de référence, qui jouit d'une très bonne situation financière". En 2021, le chiffre d'affaires de Lumibird s'est élevé à 162,5 millions d'euros, en hausse de 28% (126,7 millions en 2020). L'excédent brut d'exploitation (EBE) a atteint 32,6 millions d'euros, soit 20,1% du chiffre d'affaires. En outre, Lumibird a réalisé un résultat opérationnel courant de 19,8 millions d'euros, en progression de 27%.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 14/10/2022 à 14:48
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mais que fait Dassault electronics riche a milliards :?

à écrit le 13/10/2022 à 11:44
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Ne vous etonnez pas, c'est cela la start up nation.

à écrit le 13/10/2022 à 9:03
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Typique des français : incapable de dégager une trajectoire commune et de s entendre… puéril et plus adapté au monde d aujourd’hui fait de chaîne et de réseau ….

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