LA TRIBUNE : Comment accueillez-vous le plan aéronautique de 15 milliards d'euros annoncé par Bruno Le Maire ? Va-t-il vraiment aider la filière ?
PATRICE CAINE : Je l'accueille très positivement et remercie le gouvernement. De façon factuelle, la filière aéronautique ne pouvait compter que sur elle avant l'annonce de ce plan de soutien majeur pour notre industrie. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ce plan de soutien va nous permettre d'accélérer des projets innovants, qui auraient pris beaucoup plus de temps sans l'aide de l'État, notamment ceux liés à la recherche soutenue dans le cadre du CORAC. Thales, comme d'autres groupes, va bénéficier de l'augmentation des budgets du CORAC, qui vont être multipliés par deux en 2020 et par quatre en 2021 et en 2022. Ce qui est également important pour nous, industriels, c'est la prolongation du chômage partiel à condition d'obtenir, dans le cadre des négociations avec la ministre du Travail, des modalités d'application raisonnables. Ce sont les deux sujets les plus dimensionnants du plan de soutien pour Thales.
Pouvez-vous donner des exemples de programmes que va permettre l'augmentation des budgets du CORAC pour Thales ?
Concrètement, Thales va pouvoir développer un nouveau système de gestion de plan de vols, le Flight Management System en anglais, véritable cerveau de l'avion et cela grâce au soutien de la DGAC. L'objectif est d'être prêt dès 2023. Ce nouveau FMS va optimiser les trajectoires des avions en les connectant et en collaborant en temps réel avec les systèmes de gestion du trafic aérien, domaine dans lequel la France et Thales sont numéro 1 mondial. Cela va permettre de réduire l'empreinte carbone des aéronefs de 10% dès 2023 ! Nous allons également accélérer le développement des cockpits de nouvelle génération qui seront plus intuitifs et qui iront bien plus loin dans l'aide à la décision afin de soulager la charge des pilotes. Face à la complexité des systèmes, l'intelligence artificielle leur apportera une aide à la décision précieuse et les pilotes pourront se concentrer toujours plus sur l'essentiel, la sécurité des vols. Enfin, nous allons pouvoir développer nos fameuses centrales inertielles quantique à base d'atomes froids permettant d'améliorer plus de mille fois la précision des outils de positionnement des avions, tout en étant indépendant des signaux GPS.
Donc, tous les crédits R&D n'iront pas qu'à la propulsion hydrogène pour le futur avion vert?
Au-delà de l'avion décarboné, qui représente un marqueur important et une réelle attente de la société, l'objectif est triple : non seulement soutenir le développement d'un futur avion vert, mais aussi connecté et numérique.
Le plan de rebond en matière de défense privilégie principalement Airbus. N'est-ce pas une déception ?
Soutenir le champion aéronautique européen est primordial dans cette crise. Thales est d'ailleurs à bord de très nombreuses plateformes d'Airbus. En outre, nous sommes un acteur majeur du programme ALSR, l'avion léger de surveillance et de renseignement, dont un exemplaire a été commandé par anticipation. Avec ces annonces, le ministère des Armées a démontré qu'il était en soutien du secteur de l'aéronautique civile, dont les entreprises sont très souvent duales. C'est un point très important d'affirmer que les budgets de défense pouvaient contribuer à amortir cette crise. Cela démontre une nouvelle fois l'importance cruciale que revêt le respect de la loi de programmation militaire, maillon essentiel de l'excellence industrielle et technologique française, voulue par le président de la République et défendue par la ministre des Armées.
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