
Longtemps, très longtemps, le Koweït s'est détourné des industriels de l'armement français. Vingt ans de vaches maigres pour la France (1996-2016) alors que François Mitterrand avait envoyé en 1991 lors de l'opération Daguet, 19.000 soldats français combattre pour la libération du territoire koweïtien envahi par l'Irak de Saddam Hussein. Certes il y a bien eu un contrat portant sur l'acquisition de huit patrouilleurs fabriqués par le chantier de Cherbourg Constructions mécaniques de Normandie (CMN) signé en 1995 avec Koweït City en présence de François Léotard, alors ministre de la Défense. Mais ce succès évalué à l'époque à plus de 450 millions d'euros fait figure finalement d'exception...
C'est dire le beau succès d'Airbus Helicopters et du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui ont réussi à arracher au Koweït un contrat évalué à 1,1 milliard d'euros. L'émirat a confirmé mardi l'acquisition de 30 hélicoptères de transport de type Caracal (H225M) au constructeur de Marignane. Jean-Yves Le Drian s'est donc félicité des bonnes relations entre la France et le Koweït, pourtant empoisonnées ces derniers mois par le dossier Areva. Le fonds souverain du Koweït (KIA) qui détient une participation de 4,8% dans le groupe nucléaire, a perdu beaucoup d'argent. Fin 2010, une augmentation de capital avait vu l'Etat français et le Koweït investir respectivement 300 millions et 600 millions d'euros dans la société, au prix de 32,50 euros par action. Mardi, l'action Areva se trainait à 4,3 euros.
"Nous avons toujours eu avec le Koweït des relations de confiance, un partenariat réel qui remonte à de nombreuses années, et singulièrement au moment de l'occupation du Koweït par l'Irak, où la France a joué un rôle important dans l'alliance qui a permis la libération du Koweït", a expliqué à l'AFP le ministre de la Défense.
Le Koweït, un client modeste pour la France
Le Koweït est loin d'être un pays clé pour la France dans le domaine de l'armement. Sur la période 2006-2015, il n'apparait même pas dans les vingt premiers pays-clients des industriels de la défense tricolores. Contrairement au Maroc (au 8e rang), aux Émirats Arabes Unis (6e), à l'Égypte (3e), au Qatar (2e) et bien sûr à l'Arabie saoudite (1er). Il aurait pu y être mais finalement l'émirat a préféré acheter l'Eurofighter au Rafale.
Et pourtant, le ministre de la Défense et premier vice-Premier ministre koweïtien, cheikh Jaber Moubarak Al-Hamad Al-Sabah, avait déclaré en octobre 2009 en visite à Paris que son pays souhaitait acquérir des Rafale et serait "fier" de doter ses forces armées de cet appareil. A Paris, personne n'y a cru ou presque. A raison puisqu'en avril 2016, l'émirat a confirmé une commande de 28 Typhoon au consortium Eurofighter (BAE Systems, Airbus et Leonardo).
Une percée ou un "one shot"?
En dépit du succès d'Airbus Helicopters, le Koweït reste pour l'heure un pays-client très modeste pour les industriels français. Entre 1996 et 2014, il n'a acheté à la France que pour 628 millions d'euros de matériels militaires. Soit une moyenne de 33 millions par an sur 19 ans. C'est peu, très peu. Mais depuis deux ans (2015 et 2016), la tendance est peut être en train de s'inverser. L'an dernier, la France a vendu au Koweït pour 196,8 millions d'euros d'armements. Renault Trucks Defense (RTD), une filiale du groupe suédois Volvo, a notamment signé un contrat pour la vente de 120 véhicules tactiques Sherpa Scout avec la garde nationale koweïtienne.
La France fait-elle une percée au Koweït ou est-ce un feu de paille? A suivre. "On peut prendre le pari mais pour nous ce n'est pas un 'one shot'. Nous pensons que ce sera une relation durable y compris dans l'armement", explique-t-on dans l'entourage du ministre de la Défense. Paris a notamment entamé un long travail de fond en formant depuis plusieurs années les élèves officiers koweïtiens des trois armée. Actuellement, 175 élèves sont formés en France, principalement par DCI (Défense Conseil International), une entreprise publique servant au ministère de la Défense pour le transfert du savoir-faire militaire français à l'international.
Au niveau des campagnes commerciales, RTD négocie actuellement d'autres contrats avec le Koweït, notamment 120 Sherpa supplémentaires et plusieurs exemplaires de VAB Mark3. Dans le naval, le pays va prolonger jusqu'en 2020 le programme de modernisation et de maintenance des patrouilleurs achetés en 1995. La marine du Koweït envisage une "refonte à mi-vie" de cette flotte, incluant une modernisation du système de combat des navires. Ce contrat doit être confié à l'entreprise publique DCI. Enfin, DCNS espère vendre une demi-douzaine de corvettes Gowind.
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