Constellation spatiale : la startup Unseenlabs augmente inexorablement sa puissance de feu

Le lanceur Electron de Rocket Lab a lancé dans la nuit de lundi à mardi avec succès 34 satellites dont le septième satellite d'Unseenlabs. Il va rejoindre sa constellation dédiée à la détection des signaux radiofréquence depuis l'espace. C'est le troisième satellite lancé par la startup rennaise depuis le début de l'année. Elle a pour objectif d'avoir dix satellites en orbite d'ici à la fin de l'année.
Michel Cabirol
Unseenlabs est sur le pas de tir d'une croissance vertigineuse
Unseenlabs est sur le pas de tir d'une croissance vertigineuse (Crédits : unseenlabs)

Les frères Galic (Clément, Jonathan et Benjamin) "dépotent" à bord d'Unseenlabs, la startup rennaise qu'ils ont créé en 2015. Après avoir lancé deux satellites de détection des signaux radiofréquence BRO-5 (Breizh Reconnaissance Orbiter-5) en janvier dernier puis BRO-7 début avril à bord de deux lanceurs Falcon 9 (SpaceX), Unseenlabs dispose désormais d'un septième satellite mis en orbite dans la nuit de lundi à mardi par Electron de Rocket Lab (BRO-6). Lancés à un mois d'intervalle, ces deux satellites vont augmenter la puissance de feu de la constellation de satellites d'Unseenlabs dédiée jusqu'ici au marché maritime. Depuis 2019, la startup française, qui revendique la place de leader européen dans la détection des signaux radiofréquence (RF) depuis l'espace, étend la plus grande constellation de ce type.

Unseenlabs face à la crise des lanceurs

Avec deux nouveaux satellites RF en orbite, Unseenlabs va logiquement améliorer son service et faire croître ses ventes. "Pour les clients et le business, le gain est immédiat, souligne le PDG et cofondateur de la startup Clément Galic dans un entretien accordé à La Tribune. Nous allons proposer plus de revisite, et donc plus de données disponibles pour nos clients. Ces deux nouveaux satellites améliorent de manière systémique tout  notre service". Et Clément Galic souhaite aller vite, très vite. Il compte lancer trois autres satellites d'ici à la fin de l'année pour disposer d'une force de frappe commerciale supplémentaire avec une constellation de 10 satellites, puis "une vingtaine dans les deux ans". Toutefois, le manque criant de lanceurs disponibles actuellement pourrait contrarier à très court terme cet objectif.

Le déploiement "va dépendre des lanceurs disponibles, explique Clément Galic. Avec la crise actuelle, ce n'est pas forcément gagné mais nous, nous sommes prêts. Nous ne ralentissons pas le déploiement de notre constellation. Bien au contraire. Nous souhaitons l'accélérer mais cela ne va pas aussi vite que nous l'aimerions".

SpaceX et Rocket Lab mais aussi Arianespace. "C'est vraiment les trois opérateurs sur lesquels on s'appuie", précise le patron d'Unseenlabs. Pour autant, Arianespace traverse actuellement une crise aigüe avec l'arrêt de Soyuz à Kourou et Baïkonour en raison de la guerre en Ukraine et les incertitudes de Vega avec l'arrivée de Vega C et surtout l'arrêt de la fabrication des moteurs de l'étage supérieur AVUM de Vega et Vega C en Ukraine par la société Youjnoye à Dnipro. Enfin, l'arrêt programmé d'Ariane 5 met une pression énorme sur la mise en service d'Ariane 6 espérée en fin d'année mais attendue de façon raisonnable en 2023. Pour autant, Clément Galic souhaite "se focaliser sérieusement sur Ariane 6 et l'utiliser pour plein de raisons. Nous avons également hâte de voir Vega C décoller. Ce sont de belles capacités".

Pourquoi une telle stratégie ? Le courant passe bien entre Unseenlabs et Arianespace. "Nous avons déjà fait une campagne avec eux, qui s'est bien passée, observe Clément Galic. On s'entend très bien avec les équipes d'Ariane. Leurs propositions et leurs capacités d'accès à l'espace sont parfaitement adaptées à une société comme la nôtre. Ils ont vraiment fait ce chemin vers nous. C'est très positif". En outre, Unseenlabs a découvert le chemin de croix pour lancer un satellite hors de France. "Exporter un satellite hors de France, c'est très compliqué, note-t-il. Avec tous les risques que cela comporte également, on aimerait bien s'en passer". Pour autant, comme le rappelle Clément Galic à propos d'Arianespace, "technologiquement c'est bien mais il n'a pas suffisamment de lanceurs". Résultat, la société de commercialisation des lancements des lanceurs européens "ne couvre pas tous nos besoins".

"Avec l'arrivée de Vega C et d'Ariane 6, nous espérons que ces deux lanceurs vont améliorer l'accès à l'espace. Ce n'est pas le cas aujourd'hui et c'est pour cela que nous n'utilisons pas tout le temps Ariane mais notre volonté reste vraiment d'être lancée sur Ariane", explique Clément Galic.

Maritime : un marché entre 2 et 4 milliards de dollars

En termes de développement, Unseenlabs est sur le pas de tir d'une croissance vertigineuse. "Nous sommes sur des croissances de plus de 100% par an. C'est une accélération très rapide. En plus le marché est là", assure le cofondateur d'Unseenlabs. En 2021, la startup a réalisé plus de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle devrait logiquement éclater la barre des 10 millions d'euros en 2022. La mise en service de deux nouveaux satellites permettra à Unseenlabs de gagner plus de contrats, qui sont possiblement plus importants, et donc d'augmenter son chiffre d'affaires. Mais aussi la rentabilité en dépit des investissements réalisés pour déployer une constellation. "Nous ne nous mettons pas en difficulté en déployant de nouveaux satellites. Car le bénéfice commercial est rapide", explique Clément Galic.

Unseenlabs tout comme son seul concurrent américain HawkEye 360 profitent déjà, et plus encore à l'avenir vont profiter de l'explosion du marché de la RF, évalué entre 2 et 4 milliards de dollars sur l'ensemble des activités maritimes (surveillance et action de l'État en mer, assurance, armateurs, pétrole et gaz, ONG... Et le marché de la défense ? Unseenlabs assure qu'il est en pleine croissance. Notamment à l'étranger. La société reçoit des sollicitations dans toutes les zones là où les intérêts maritimes géopolitiques, stratégiques et économiques sont omniprésents. C'est le cas de des océans Pacifique et Indien, de la mer de Chine, de tout le nord de l'Europe et enfin, des calottes polaires. "Toutes ces zones complexes influent également sur le transport maritime, à commencer par exemple, l'encombrement de certains ports", précise-t-il.

En France, le ministère des Armées a pris depuis longtemps conscience de la plus-value opérationnelle d'une capacité de renseignement électromagnétique spatiale. C'est pour cela qu'elle a développé et mis sur orbite la constellation de trois satellites CERES. Pour autant, Unseenlabs considère qu'il a sa place sur le marché français. Des sociétés privées peuvent apporter un complément de capacités au ministère. Ainsi, la startup travaille déjà avec la marine nationale. "Notre objectif est de montrer qu'on a des données propres et utiles pour être en complément" de la capacité du ministère. Et cela marche avec la marine nationale. "Nous avons travaillé proprement et main dans la main avec la marine nationale pour développer  des produits adaptés. Et ça paye", affirme Clément Galic.

De nouveaux marchés visés

Le marché de la RF est incroyablement excitant pour Unseenlabs. "La RF a le bon goût de se créer de nouveaux marchés", se réjouit le patron d'Unseenlab, qui est dans le coup d'après. "Il y a tous les autres marchés qu'on va pouvoir ouvrir avec la RF. Le marché maritime n'est qu'une première étape. Il nous a permis d'asseoir notre crédibilité. C'est un marché très important, qui existe, mais nous avons déjà plein de projets en tête pour développer de nouveaux produits". Lesquels ? Clément Galic ne souhaite pas pour le moment dévoiler ces axes de développement. "Nous sommes en train de travailler dessus et nous les annonceront quand les produits seront prêts. C'est notre façon de faire", explique-t-il. Unseenlabs pourrait se lancer sur de nouveaux marchés très rapidement. Dès 2023. "C'est l'objectif", assure-t-il.

Mais d'ores et déjà, Unseenlabs s'intéresse également à des marchés liés à la détection des signaux radiofréquence sur la terre ferme. "Nous allons aussi regarder ce qui se passe sur la terre. Nos technologies sont parfaitement adaptées pour apporter de la plus-value à de nouveaux marchés autres que le maritime", consent-il à expliquer. Les marchés poursuivis pourraient être le transport terrestre, l'identification des activités humaines dans les zones difficiles d'accès, le suivi pendant les catastrophes naturelles ou encore la surveillance des réseaux terrestres. "Il y a plein de business qu'on peut faire avec la RF. Cette technologie permet globalement de mesurer l'activité humaine", rappelle-t-il.

Se renforcer dans le traitement de la donnée

Enfin, Unseenlabs souhaite renforcer et développer toute la partie analytique (analyse de données, traitements et conseils issus des données spatiales) à partir de la RF. Un marché qui s'annonce "gigantesque", estime Clément Galic. Notamment aux Etats-Unis. "C'est impressionnant de voir à tel point les Etats-Unis sont en avance sur nous en termes d'utilisation des données spatiales", indique Clément Galic, qui était présent au salon GEOINT de Denver (24-27 avril). "Toutes les sociétés, qui font du traitement de données ont maintenant en tête de faire des projets avec la RF. C'est devenu quasiment indispensable", observe-t-il.

La startup rennaise qui est déjà sur ce marché, se développe naturellement sur son trésor de guerre, la RF. Pour autant, la startup rennaise souhaite également nouer des partenariats dans ce domaine avec des sociétés pour toucher beaucoup plus de clients. "Unseenlabs apporte la brique RF à des partenaires, qui nous semble les meilleurs dans ce domaine, précise-t-il. Ils ont donc accès à notre RF de très haute qualité dans leurs solutions et sont ainsi en capacité de compléter leurs données". Du gagnant-gagnant. La pépite Unseenlabs est vraiment sur une rampe de lancement.

Michel Cabirol

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Commentaires 2
à écrit le 05/05/2022 à 1:06
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la startup française leader européen dans la détection des signaux radiofréquence depuis l'espace, étend la plus grande constellation de ce type = COCORICO

à écrit le 03/05/2022 à 7:30
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Bientôt revendu à un fonds de pension américain ou aux allemands (traité dAix la Chapelle) 👍

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