Eurodrone : la proposition de motorisation de Safran est "hors du cadre" d'Airbus

La proposition de Safran Helicopter Engines est "déjà du point de vue financier, des performances et des exigences d'interfaces, hors du cadre de la recherche" d'Airbus, a expliqué le Délégué général pour l'armement Joël Barre. Seule la réglementation américaine ITAR pourrait inverser la tendance pour Safran HE. D'autant que Joël Barre a regretté le degré de dépendance de la France vis-à-vis des Etats-Unis concernant l'utilisation des drones Reaper.
Michel Cabirol
Si la proposition Avio est soumise à la réglementation ITAR, elle est inacceptable pour les quatre pays coopérants, a tonné Joël Barre. Résultat, il revient à Safran Helicopter Engines d'être le meilleur face à Avio, y compris en prenant en compte le critère ITAR si la proposition Avio se révèle trop dépendante de General Electric.
Si la proposition Avio est soumise à la réglementation ITAR, elle est inacceptable pour les quatre pays coopérants", a tonné Joël Barre. Résultat, "il revient à Safran Helicopter Engines d'être le meilleur face à Avio, y compris en prenant en compte le critère ITAR si la proposition Avio se révèle trop dépendante de General Electric". (Crédits : Airbus)

Joël Barre a quelque peu joué les "tontons flingueurs" sur plusieurs programmes d'armement, genre "je dynamite, je disperse, je ventile". Après avoir pratiquement enterré le programme MAWS, le délégué général pour l'armement a refroidi lors de son audition à l'Assemblée nationale les ambitions de Safran Helicopter Engines sur la motorisation du drone MALE européen dont la sélection entre Safran HE ou General Electric (via le motoriste italien Avio) est attendue au dernier trimestre 2021. "Il devrait y avoir deux propositions sur la table, celle d'Avio et celle de Safran Helicopter Engines, dont on me dit que du point de vue financier, des performances et des exigences d'interfaces, elles sont déjà hors du cadre de la recherche du maître d'œuvre du MALE, Airbus", a martelé Joël Barre.

"Il faudra juger sur pièces sur la base des deux propositions, a-t-il fait valoir. En tout cas, nous avons aidé Safran Helicopters Engines à formuler la proposition la plus compétitive et attractive possible".

La priorité de Joël Barre est de lancer le projet Eurodrone. "J'espère que nous allons y arriver", a-t-il expliqué. Mais, outre l'Allemagne et la France, les deux autres coopérants, l'Italie et l'Espagne, doivent être "aussi au rendez-vous", a-t-il rappelé. L'Espagne attend le déblocage du plan de relance par Bruxelles pour financer sa contribution dans ce programme.

ITAR, l'atout gagnant de Safran ?

D'une façon générale, le Délégué général laisse entendre que la motorisation n'était pas la priorité des priorités de la France. "Le MALE étant un système d'information et de renseignement installé dans un petit avion, la valeur ajoutée technologique et industrielle réside en effet d'abord dans les équipements de mission et de communication, a-t-il expliqué. Nous en avons exigé l'attribution à la partie française sans compétition, mais nous ne l'avons pas exigé pour le moteur, car nous pensions que cela ne se justifiait pas".

Seule raison d'espérer pour Safran HE, le moteur proposé par le motoriste Avio sur la base de celui de General Electric, développé pour le Cessna Denali de Textron Aviation, pourrait être soumis la réglementation extraterritoriale ITAR (International Traffic in Arms Regulations). Ce qui veut dire que les quatre pays participants devraient demander l'autorisation aux Etats-Unis avant de pouvoir l'exporter. "Si la proposition Avio est soumise à la réglementation ITAR, elle est inacceptable pour les quatre pays coopérants", a tonné Joël Barre. Résultat, "il revient à Safran Helicopter Engines d'être le meilleur face à Avio, y compris en prenant en compte le critère ITAR si la proposition Avio se révèle trop dépendante de General Electric".

Dans une interview accordée mi-juin à La Tribune, le PDG de Safran HE, Franck Saudo, avait assuré que son entreprise offrait "une solution à la fois performante et compétitive, qui a été maturée dans le cadre du programme européen Clean Sky". Une solution développée avec plusieurs partenaires européens : ZFL en Allemagne, Piaggio en Italie et ITP en Espagne. "Safran est le seul industriel à offrir aux nations une solution de propulsion vraiment européenne. Et dans l'esprit du plan de relance européen, ce serait choquant que l'argent du contribuable européen serve à financer une solution de motorisation concurrente, qui est actuellement en cours de certification auprès des autorités américaines", avait alors martelé Franck Saudo.

"Ce serait d'autant plus choquant au moment où le maintien de l'emploi dans les bureaux d'études est un défi pour les industriels aéronautiques européens, avait-il précisé. Enfin, la sélection du moteur est naturellement un enjeu de souveraineté pour l'Europe, qui doit conserver son autonomie sur les enjeux de motorisation. Les autorités françaises sont clairement mobilisées. Il me reste à souhaiter qu'Airbus et les nations prennent la bonne décision pour l'Europe".

Le Reaper ne volera pas en France

Si le lancement du programme Eurodrone est la priorité de Joël Barre, c'est en raison également des difficultés que la France a connue avec le Reaper Block 5 de General Atomics. La DGA a pratiquement mis un an à accorder la certification du drone américain. "L'affaire montre notre degré de dépendance dans ce genre de processus, face à une configuration de logiciel entièrement nouvelle et à un niveau de qualité dont nous ne savons pas s'il est suffisant, alors que nous sommes responsables du niveau de sécurité associée à la mise en œuvre des matériels, a expliqué le Délégué général. Il a fallu instruire la façon dont nous pourrions permettre l'emploi des Reaper Block 5 en opération au Mali, malgré l'incertitude liée au logiciel".

"À ceux qui critiquent l'Eurodrone, je réponds qu'à défaut, nous devrons continuer de faire appel au Reaper américain et nous retrouver fréquemment dans ce genre de situation. Chaque fois que le modèle changera de définition, nous serons incapables de la connaître de manière suffisamment précise pour en garantir l'emploi et les conditions d'utilisation.

Finalement, la DGA a donné un avis technique "permettant à l'autorité d'emploi, c'est-à-dire l'armée de l'air, d'utiliser ce drone, uniquement en opération" mais "il est hors de question qu'il survole le territoire national, parce que nous ne pouvons pas garantir la sécurité du vol d'un tel matériel". Et de marteler que cette affaire "montre bien notre degré de dépendance dans ces cas d'acquisition auprès des États-Unis". Joël Barre a rappelé que ses services ne connaissaient "toujours pas la charge utile de capacité de renseignement électromagnétique. Nous discutons depuis longtemps avec les Américains pour l'obtenir, mais ils prennent leur temps pour nous la fournir, parce que c'est un équipement sensible".

"La seule façon de remédier à ces problèmes de dépendance, c'est de progresser dans l'autonomie de nos matériels et dans l'autonomie d'emploi des systèmes d'armes qui nous sont nécessaires, a-t-il insisté.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 08/07/2021 à 14:57
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Il me semble que Mr Barre vise les deux propositions et non uniquement celle de Safran Helicoptere Engines.

à écrit le 07/07/2021 à 1:41
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Si la priorité de ce monsieur est de lancer ce projet, cela prouve son incompétence. Sa priorité devrait être de tuer ce programme, comme toute les coopérations malades avec l'Allemagne

le 18/02/2022 à 15:54
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Entièrement d'accord.Quand l'Allemagne s'engage dans un programme commun de défense avec la France c'est pour détourner à son profit, sans vergogne et sans contrepartie, toutes les avancées technologiques de la France...Comme f......... on ne fait pa...

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