La coupe est pleine pour la France. Selon nos informations, Paris doit prochainement annoncer la fin de sa participation au programme franco-allemand MAWS et se tourner vers une solution franco-française. La décision de l'Allemagne d'acheter aux Etats-Unis cinq avions P-8A Poseidon (Boeing) pour 1,43 milliard d'euros, a très fortement agacé en France, jusqu'à l'Élysée, pourtant jusqu'ici très germanophile. Mais là, trop c'est trop. La décision ne passe pas vraiment comme d'ailleurs les incertitudes sur d'autres programmes en coopération avec l'Allemagne, notamment le Tigre Mark 3, qui est une priorité de l'armée de terre. D'autant qu'en France, personne ne croit vraiment à l'achat de cinq avions P-8A Poseidon en tant que "solution provisoire" en remplacement des vieux P-3C Orion de l'armée de l'air allemande. Clairement, Paris estime s'être fait roulé par Berlin.
Le Délégué général pour l'armement Joël Barre avait déjà annoncé la couleur en expliquant lors de son audition à l'Assemblée nationale le 15 juin que l'achat des P-8A "nous contraint à reconsidérer la poursuite de la coopération pour ce projet". Depuis, le feu est passé au rouge écarlate avec la validation de cette acquisition par le Bundestag le 23 juin. Dans une interview accordée mi-mai à La Tribune, la ministre des Armées, Florence Parly, expliquait qu'elle avait "récemment découvert que le Congrès américain s'apprêtait à donner une autorisation de FMS (Foreign Military Sales, ndlr) pour des avions de patrouille maritime P8, qui ne peuvent pas être, de notre point de vue, un gapfiller dans l'attente du MAWS".
"Concernant l'avion de patrouille maritime MAWS, dont nous avions engagé l'étude en compagnie de nos amis allemands, nous risquons fort d'être déçus après leur choix, pré-annoncé par les Américains, de l'avion Boeing P-8A, a expliqué à l'Assemblée nationale Joël Barre. Même si les Allemands nous le présentent comme une solution transitoire, une livraison du P-8A à l'Allemagne en 2025 remet en cause le besoin initialement commun du MAWS à l'horizon 2035. Si la décision allemande d'achat du P-8A se confirme, je crains donc que celle-ci nous contraigne à reconsidérer la poursuite de la coopération pour ce projet.
Retour de Dassault Aviation ?
Plutôt que de subir une nouvelle décision allemande à l'image du départ de Berlin sans préavis du missile tactique franco-allemand MAST-F, la France devrait annoncer qu'elle quitte le programme MAWS. Quel est le plan B ? Une solution franco-française avec Dassault Aviation et Thales, à partir du Falcon 10X. L'industrie française sait faire et a toutes les compétences pour réussir un avion de patrouille maritime à partir du Falcon 10X en dépit de sa soute un peu contraignante. Ce serait donc le grand retour de l'avionneur tricolore sur ce marché, qui avait été évincé du programme franco-allemand de patrouille maritime. A son grand dam d'ailleurs.
Son PDG Eric Trappier l'avait amèrement regretté début mars lors de la présentation des résultats annuels : sur le programme franco-allemand de patrouille maritime, "on a mis le seul qui sait de quoi il parle dehors, qui est Dassault. Qui a l'expérience depuis 1958 de l'avion de patrouille maritime? Qui d'autre ? Qui en tour de table ? On a fait l'Atlantique 1, c'était Bréguet, on a fait l'Atlantique 2, c'était Dassault, on a fait la modernisation de l'ATL2, c'est encore Dassault et c'est encore le cas. On fait OCEAN (Optimisation continue de l'entretien de l'Atlantique 2, ndlr) le soutien verticalisé des avions de patrouille maritime et on fait des avions de surveillance maritime. Notre compétence est là et nous ne sommes pas au tour de table".
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