
Florence Parly l'a promis : l'armée de l'air aura bien 129 Rafale en service opérationnel en 2025. "J'ai bien l'intention de tenir cet engagement. Pour cela, je commanderai d'ici à la fin de l'année, en parallèle des commandes qui seront adressées pour la Grèce, douze avions destinés à compenser le prélèvement identique fait sur les appareils de notre armée pour satisfaire la commande grecque", avait-elle expliqué le 6 octobre dernier à l'Assemblée nationale. La commande de ces douze Rafale pour l'armée de l'air "complétera la mise en production des vingt-huit avions déjà prévus pour être livrés entre 2022 et 2024", a-t-elle précisé. Soit la tranche 4T2 (Rafale F3R). La France a jusqu'ici commandé 180 Rafale depuis le début du programme. L'armée de l'air et la marine en disposent actuellement de 152 appareils.
Un engagement à tenir
L'Armée de l'air tient beaucoup à ce que cette promesse soit respectée comme l'a rappelé le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace au Sénat le 21 octobre. "Le point de passage en 2025 à 129 Rafale est primordial, et les équipements (radars, armements) qui l'accompagnent sont tout aussi dimensionnants" pour "disposer d'une aviation de combat dimensionnée en quantité et qualité" et, donc, "répondre aux contrats opérationnels", a expliqué le général Philippe Lavigne. Et ce conformément à ce qui est inscrit en loi de programmation militaire (LPM).
Le ministère des Armées doit une nouvelle fois composer avec ce dilemme : assurer les contrats opérationnels de ses armées et permettre l'exportation de systèmes d'arme, un enjeu majeur du modèle économique de l'industrie de défense française. "Nous avons besoin d'exporter le Rafale pour assurer la continuité nécessaire à la production des avions français", a d'ailleurs confirmé le Délégué général pour l'armement, Joël Barre, lors d'une audition au Sénat le 21 octobre.
L'export bouleverse les livraisons du Rafale français
L'achat de 12 Rafale d'occasion par la Grèce pour "un peu plus de 400 millions d'euros pour les avions d'occasion", selon Joël Barre, a sérieusement bouleversé le calendrier initial ainsi que l'organisation pour disposer d'une flotte de 129 Rafale opérationnels en 2025. Ces douze appareils seront livrés à l'armée de l'air grecque en 2021 (six avions), puis en 2022 ou 2023 (?) par Dassault Aviation après avoir subi une remise à niveau au standard F3R, qui offre des capacités air-sol accrues et, surtout, de plus grandes capacités de supériorité aérienne.
Le standard F3R permet de déployer le missile air-air Meteor, arme de supériorité aérienne, et de disposer d'un nouveau pod de désignation et d'observation, Talios, lui aussi en cours de livraison. Enfin, le couple MRTT-Rafale donnera à l'armée de l'air une capacité d'intervention très performante (vite et loin). Elle sera capable en 2023 de projeter dix MRTT et vingt Rafale en quarante-huit heures à 20.000 kilomètres, "de manière autonome et pour conduire dans la durée une campagne aérienne", a assuré le CEMAAE.
"Au Levant, où le terrorisme se réactive, tandis que l'Iran et la Turquie déploient des drones dans le Nord de l'Irak et que les chasseurs russes patrouillent en Syrie, le Rafale F3R nouvellement déployé offre de nouvelles fonctionnalités indispensables pour agir dans un environnement complexe et peu permissif, a expliqué le CEMAAE au Sénat. Il a d'ailleurs effectué son premier tir dans l'opération Chammal le 12 septembre dernier, détruisant une cache d'armes et neutralisant plusieurs terroristes".
"Concernant l'export Rafale, ce seraient, non pas douze Rafale d'occasion qui pourraient être cédés en 2021, mais six, suivis d'une livraison de six Rafale neufs, puis d'une autre cession de six Rafale d'occasion", a expliqué le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace (CEMAAE) lors de son audition au Sénat. Résultat, le ministère des Armées devra donc livrer à l'armé de l'air française "une trentaine de Rafale avant 2025".
En vue d'anticiper de nouveaux contrats export du Rafale, qui intéresse également fortement la Croatie (12 avions d'occasion), "le recomplètement en avions Rafale sera absolument essentiel", a marlelé le général Philippe Lavigne. "Pour ce qui est de la Croatie, les négociations sont en cours. Nous travaillons donc sur un calendrier compatible avec les hypothèses d'export grec, selon les mêmes principes : recomplètement, augmentation de la disponibilité", a-t-il précisé. La problématique est complètement différente dans le cadre de l'appel d'offres suisse, Berne ne souhaitant que des appareils neufs livrés (au moins 32 appareils) entre 2025 et 2030. "Le Rafale s'est très bien sorti de sa phase d'évaluation en Suisse, face à ses concurrents et les travaux se poursuivent pour optimiser l'offre française", a souligné Joël Barre lors d'une audition à l'Assemblée nationale, le 15 octobre.
Selon le général Philippe Lavigne, "le Rafale présente des capacités de protection de l'espace aérien adaptées à un pays montagneux, comme l'est également la France. La Suisse recherche également des capacités de souveraineté aérienne, que le Rafale peut offrir grâce à son radar, qui détecte en basse comme en haute altitude, et à son missile, qui assure une supériorité aérienne. Par ailleurs, le pod TALIOS permet d'identifier tout ce qui se passe au sol. Le Rafale peut aussi intervenir très rapidement".
Enfin, a prévenu le 13 octobre le CEMAAE lors d'une audition à l'Assemblée nationale, "dans un environnement complexe doté de moyens de déni d'accès, l'attrition est en effet à reconsidérer, ce qui justifie d'une masse globale suffisante".
Un MCO performant pour minimiser l'impact de l'export
Temporairement, le parc d'avions utilisable pour exécuter les missions opérationnelles et d'entraînement sera réduit. Car outre, la commande grecque, douze Mirage 2000C vont être retirés du service à l'horizon 2022 et seulement 55 Mirage 2000D sur les 70 de la flotte actuelle seront rénovés. Mais le maintien en condition opérationnelle (MCO) du Rafale permettrait de réduire l'impact du contrat grec. "Pour le Rafale, nous commençons à ressentir les premiers effets positifs du contrat Ravel, signé mi-2019, notamment dans la résolution des faits techniques", a d'ailleurs fait valoir à l'Assemblée nationale le général Philippe Lavigne.
Dans ce contexte, l'armée de l'air travaille avec Dassault Aviation et la Direction générale de l'armement (DGA) de manière active sur la disponibilité des Rafale en vue de minimiser cette réduction temporaire de capacité. Signé en 2019, le contrat de MCO Ravel "a déjà produit une augmentation de 10 % de la disponibilité des Rafale", a-t-il assuré. En outre, la DGA s'est accordée avec Dassault Aviation "pour dégager de la disponibilité supplémentaire de six avions au cours de l'année prochaine, grâce à une meilleure pratique dans le remplacement des pièces qui tombent en panne. En 2022, la poursuite du contrat de verticalisation passé par la DMAé avec Dassault doit nous apporter dix avions disponibles en 2022", a expliqué Joël Barre lors de son audition au sénat le 21 octobre. Et d'assurer "nos objectifs sont suffisamment solides et permettront de concilier l'exportation du Rafale et la nécessité de maintien du nombre d'avions en ligne nécessaire à nos armées".
"Avec la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), les industriels, la DGA et le ministère, nous faisons un effort sur la réduction du nombre d'avions en attente de pièces, qui doit influer positivement sur la disponibilité. Ceci permettra une meilleure activité des équipages et la formation des plus jeunes", a confirmé le général Philippe Lavigne.
Le Rafale F4 livré à partir de 2027
Une nouvelle tranche de 30 Rafale au standard F4 sera en principe commandée en 2023 et doit être livrée d'ici à 2030 (2027-2030). D'autant que les Mirage 2000-5 seront progressivement retirés du service. Le standard F4 apportera des capacités majeures autour de quatre piliers : engagement (armement plus performants), survivabilité augmentée par des équipements électroniques et par le radar (protection), connectivité (communications satellitaires), essentiels au maintien de la supériorité opérationnelle de l'armée de l'air française, et disponibilité. En outre, a estimé le CEMAAE, "la masse, à terme, sera décuplée par le combat collaboratif connecté qui fonde le principe du SCAF", le programme franco-allemand qui remplacera le Rafale et l'Eurofighter.
Sujets les + commentés