Avec la visite éclair du Premier ministre indien mercredi à Paris - la troisième depuis 2017 -, la France avait pour objectif de redonner une nouvelle dynamique dans la coopération sur de grands programmes (armement, nucléaire notamment) avec l'Inde. Les deux pays sont des partenaires stratégiques depuis 1998. "Il y a une relation extrêmement chaleureuse entre les deux chefs, le chef d'État et le Premier ministre Narendra Modi, assure-t-on à l'Élysée. Nous avons une relation de confiance avec l'Inde et surtout nous avons une relation mature dans le sens où nous évoquons avec l'Inde tout le spectre des relations bilatérales".
Comme prévu, Narendra Modi, qui effectue une tournée européenne au cours de laquelle il s'est déjà rendu en Allemagne et à Copenhague pour le sommet des pays nordiques, n'a pas annoncé mercredi de nouveaux contrats en faveur de l'industrie française. Le Premier ministre indien a invité le président français à se rendre en Inde afin "d'approfondir" la coopération engagée, des technologies de défense à la transition énergétique, Emmanuel Macron n'y étant allé qu'une seule fois (en mars 2018). "Ma visite en France a été brève mais très fructueuse, a twitté Narendra Modi. Le président Emmanuel Macron et moi avons eu l'occasion de discuter de divers sujets". Il est à noter par ailleurs que l'Inde entretient un partenariat très étroit avec la Russie dans le domaine de l'armement et ne souhaite pas le distendre malgré la guerre en Ukraine.
Armement : et alors ?
Après les grands contrats Scorpène (sous-marins vendus en 2005) et Rafale (2016), Naval Group et Dassault Aviation tentent d'obtenir une deuxième commande de la part de Delhi. L'Élysée a d'ailleurs cette volonté de donner une nouvelle impulsion dans les discussions d'autant que les Indiens sont satisfaits des performances des Scorpène et des Rafale. "Les deux parties sont convenues de s'appuyer sur leur confiance mutuelle pour trouver des moyens innovants de favoriser une plus grande implication de la France dans les efforts déployés dans le cadre de la campagne Atmanirbhar Bharat (Inde autonome) dans le domaine des technologies de défense avancées, des produits manufacturés et des exportations, notamment en encourageant le développement de partenariats entre les entreprises industrielles", selon une déclaration conjointe d'Emmanuel Macron et de Narendra Modi publiée mercredi par l'Élysée.
Autant l'avionneur conserve de sérieuses chances de vendre des Rafale à nouveau aux forces armées indiennes, notamment à la marine, autant le groupe naval traverse une période compliquée en Inde. "Nous ne sommes plus dans la course. Nous nous sommes investis dans la phase de demande d'informations, mais certaines conditions de l'appel d'offres ne nous permettent finalement pas de participer", a expliqué fin avril Naval Group à La Presse de la Manche. D'une manière générale, l'objectif de Paris est "d'aider l'Inde à renforcer son autonomie stratégique et donc à être en mesure de prendre des choix de manière indépendante vis-à-vis de ses partenaires", explique-t-on à l'Élysée. Dans ce cadre, précise-t-on, "toutes les offres que nous faisons aux Indiens sont fondées sur ce principe d'autonomie stratégique, de choix indépendants et nous voulons continuer dans cette voie".
Le contrat Scorpène était déjà en avance dans la stratégie lancée par Narendra Modi à son arrivée au pouvoir. Ainsi, le sixième sous-marin indien (Vagsheer) a été entièrement construit par le chantier naval indien Mazagon Dock Shipbuilders Limited (MDL) grâce à un transfert de technologies de Naval Group. C'est donc un travail de longues années entre la France et l'Inde. L'objectif de l'Élysée durant la réunion de travail avec Narendra Modi était de travailler "dans cette voie". "Nous allons bâtir (sur les grandes réussites du passé, ndlr) pour faire des propositions, poursuivre les discussions, souligne-t-on à l'Élysée. La présidence souhaitait donc évoquer les "sujets sur lesquels on va pouvoir avancer". "C'est la voie que nous souhaitons prendre, continuer à discuter, maintenir des contacts étroits avec les Indiens". Pour la France, l'idée est donc de poursuivre le dialogue sur des secteurs clés où les entreprises et l'État français "travaillent main dans la main" avec leurs homologues indiens.
Nucléaire, accélération des discussions
Dans la déclaration commune, la France et l'Inde ont convenu que "les deux parties ont à nouveau réaffirmé leur détermination à assurer le succès du projet stratégique de réacteur EPR Jaipatur, dont elles saluent les progrès accomplis au cours des derniers mois, dans le but de fournir une énergie fiable, abordable et à faible émission de carbone". Dans ce cadre, Paris et Delhi vont "intensifier les contacts au cours des mois à venir pour réaliser de nouveaux progrès". EDF tente depuis de très longues années de finaliser le projet de vente de six réacteurs de type EPR (réacteur à eau pressurisée) en Inde sur le site de Jaitapur dans l'État du Maharashtra, dont la capitale est Bombay. L'énergéticien français espère parvenir à un accord "dans les prochains mois" pour la construction de six réacteurs EPR en Inde, selon Reuters.
"Nous avons redoublé d'efforts pour essayer de conclure dans les meilleurs délais ce projet, explique-t-on à l'Élysée. Nous félicitons qu'il y ait eu cette accélération au cours des derniers mois et le Président de la République, dans son objectif de soutien à l'industrie française, a également été mobilisé. Maintenant, compte tenu des très nombreux paramètres des discussions, nous verrons où nous en sommes à la fin de l'année. Mais l'objectif premier est naturellement d'essayer d'avancer le plus rapidement possible pour construire un projet qui renforce l'autonomie stratégique de l'Inde en matière énergétique".
Enfin, la France a rappelé dans la déclaration commune "son soutien sans faille en faveur du souhait de l'Inde de devenir membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que membre du Groupe des fournisseurs nucléaires".
Sujets les + commentés