Nucléaire en Inde : EDF espère un accord dans les prochains mois

EDF a confirmé que les discussions sur son projet de construction de six réacteurs EPR en Inde « avancent bien », et qu'il espère parvenir à un accord « dans les prochains mois ». Il s'agirait alors du projet le plus important signé à l'international par l'énergéticien français, pour la réalisation de la plus grande centrale nucléaire au monde.
La centrale indienne de 6 EPR serait la plus grosse infrastructure atomique civile au monde. Sa puissance installée serait de 9 600 mégawatts, de quoi fournir en courant électrique 70 millions de foyers.
La centrale indienne de 6 EPR serait la plus grosse infrastructure atomique civile au monde. Sa puissance installée serait de 9 600 mégawatts, de quoi fournir en courant électrique 70 millions de foyers. (Crédits : Regis Duvignau)

Plus de dix ans après les premiers pourparlers, EDF veut accélérer la cadence en Inde. Et espère aboutir à un accord « dans les prochains mois » pour la construction de six réacteurs EPR sur le site de Jaitapur, dans l'ouest du pays, a fait valoir un porte-parole ce jeudi 5 mai. Pour rappel, il y a tout juste un an, l'électricien tricolore avait déjà remis une « offre technico-commerciale engageante française » à l'exploitant nucléaire indien NPCIL, une étape cruciale vers le lancement de ce qui devrait être la centrale « la plus puissante du monde ».

Cette confirmation d'une progression des discussions, initialement rapportée par BFMTV, intervient au lendemain d'une visite en France du Premier ministre indien, Narendra Modi, reçu mercredi 4 mai à l'Elysée.

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Les deux pays souhaitent en effet renforcer le « partenariat stratégique franco-indien, en particulier dans l'espace Indopacifique » et « intensifier les contacts au cours des mois à venir pour réaliser de nouveaux progrès » sur le projet d'EPR à Jaitapur.

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Un dossier de long cours

Jusqu'ici, le dossier avait pourtant piétiné. Lancé par Areva en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il avait été repris en mains par EDF après la faillite de son concurrent. Mais la catastrophe japonaise de Fukushima en 2011 y avait mis un coup d'arrêt, comme à d'autres grands projets nucléaires.

A ce contexte peu favorable s'étaient ajoutés les multiples déboires des EPR, cette technologie lancée il y a moins de trente ans et un temps présentée comme le fleuron de la filière française de l'atome civil. En effet, dès le premier chantier d'EPR, lancé par Areva en 2005 à Olkiluoto (Finlande), contretemps et dérapages budgétaires s'étaient accumulés. Et le deuxième n'avait pas fait mieux : l'EPR de Flamanville (Manche) en France, en travaux depuis 2007, avait multiplié les déconvenues, à cause notamment d'anomalies découvertes sur la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve.

Ce méga-contrat en Inde pourrait donc permettre à EDF de renouer avec l'espoir de relancer la vente de ces réacteurs à l'étranger, en plus de la relance sur le territoire français souhaitée par Emmanuel Macron. D'autant qu'il s'agirait de la plus grosse infrastructure atomique civile au monde, avec une puissance installée de 9.600 mégawatts - de quoi alimenter 70 millions de foyers. Et ce n'est pas tout : EDF ne se positionnerait qu'en fournisseur de solution, plutôt qu'en constructeur ou exploitant. Ce qui limiterait considérablement les risques pour le géant français.

« C'est un moyen de vendre un EPR sans supporter les risques liés à la construction », indiquait il y a un an Nicolas Goldberg, Senior Manager Energie chez Colombus Consulting.

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Résistances locales (risques sismiques, déchets nucléaires...)

Néanmoins, ce projet fait l'objet d'oppositions locales depuis des années. Les critiques se concentrent notamment sur le risque de séismes dans l'État du Maharashtra, où se trouve Jaitapur, mais aussi sur les conséquences pour la pêche locale de l'évacuation des déchets nucléaires.

De son côté, EDF préfère mettre l'accent sur les bienfaits sociaux, estimant que la construction du site donnera un emploi à des dizaines de milliers de personnes sur place.

« Le projet générerait également d'importantes retombées économiques pour la filière nucléaire française sur toute la durée du projet - environ 15 ans -, avec la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois au sein d'une centaine d'entreprises », indiquait le groupe en 2021.

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La santé financière d'EDF inquiète

La France aussi mise davantage sur l'atome pour l'avenir, Emmanuel Macron ayant annoncé en février dernier la construction de six nouveaux réacteurs en France pour une mise en service à partir de 2035. Une mission, couplée au prolongement maximal du parc, qui incombera à EDF.

La flambée des prix de l'électricité, qui sévit en Europe depuis plusieurs mois, a permis à EDF d'augmenter son chiffre d'affaires au premier trimestre. De 22 milliards d'euros il y a un an, celui-ci a bondi à 35,6 millions d'euros début 2022, grâce notamment à l'augmentation de 4% du tarif réglementé de vente (TRV) au 1er février. Mais les bonnes nouvelles s'arrêtent là : l'impact de cette hausse de l'activité sera en fait « limité » sur son Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) 2022, a prévenu le groupe mercredi 4 mai.

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Car l'effet d'aubaine dont il aurait pu profiter a rapidement été bridé par les pouvoirs publics : le gouvernement lui impose désormais d'augmenter de 20% la production qu'il devra vendre à prix cassé à ses concurrents en 2022, via le dispositif de l'Arenh, afin de contenir les factures des consommateurs. Un dispositif vivement combattu par le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, puisque celui-ci devrait lui « coûter » 10 milliards d'euros de manque à gagner sur l'année.

Les résultats trimestriels du groupe n'ont d'ailleurs pas rassuré les marchés. L'action EDF s'est en effet repliée de 2,47% mercredi 4 mai, à cause notamment de la perspective d'un défaut générique dont les raisons restent inconnues. Une minuscule fissure récemment identifiée dans trois de ses réacteurs de palier différent l'oblige à baisser drastiquement sa production, et par là-même à racheter les électrons manquants à prix d'or sur le marché.

De quoi amputer EDF de 14 milliards d'euros en 2022, a fait valoir lors d'un appel avec des analystes le directeur financier du groupe, Xavier Girre. Un chiffre certes inférieur aux 16 milliards d'euros estimés le 14 mars, mais qui reste colossal. D'autant que le problème pourrait durer, puisque les causes de cette anomalie sans précédent restent inconnues, et interrogent sur son éventuelle présence dans l'ensemble du parc.

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(Avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 05/05/2022 à 19:36
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Il y a des EPR en Chine, l'article l'oublie. l'Inde va s'offrir 6 EPR dans une même centrale, la France a des difficulté pour en installer qui est le futur pays sous-développés ?

le 06/05/2022 à 11:48
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On s'étonne que la France soit encore en position de collecter des commandes, quand on contaste la ribambelle à ne plus en finir de problèmes avec la mise en service des EPR finlandais et français. On peut en déduire que les concurrents de l'EDF doi...

à écrit le 05/05/2022 à 18:42
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six réacteurs EPR en Inde « avancent bien ». Ah bon ? on nous aurait encore menti à l'insu de notre plein gré à Flamanville ?

à écrit le 05/05/2022 à 12:38
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Manifestement les français ne paient pas assez cher leur courant pour offrir des cocottes nucléaires aux indiens...

le 05/05/2022 à 17:47
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J'avais lu que le kWh EPR, le jour où il tournera, sera le double du kWh habituel (ou plus avec les surcoûts ?). La meilleure énergie est celle qu'on n'a pas dépensé... Ma nouvelle chaudière gaz, à venir (-25% gaz vs l'ancienne), peut avoir un systè...

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