La Suisse va bel et bien s'offrir le F-35 en dépit de critiques cinglantes

Le conseil national suisse va sans surprise entériner jeudi le choix du F-35 pour équiper les forces aériennes suisses. Mais la Commission de gestion du Conseil national a estimé que cette opération a été traité par le conseil fédéral de façon "en partie inopportune".
Michel Cabirol
Et le F-35 va pouvoir atterrir en Suisse
Et le F-35 va pouvoir atterrir en Suisse (Crédits : © Peter Nicholls / Reuters)

La conseillère fédérale en charge de la Défense (DDPS) Viola Amherd peut souffler. Elle a balayé avec efficacité tous les obstacles qui se dressaient contre l'achat par la Suisse du F-35, une sélection qui continue d'étonner les spécialistes sur le plan opérationnel et financier. Tout a été dit et écrit sur les incohérences de ce choix. Lundi, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-N), après avoir examiné le rapport très attendu de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N), a entériné le choix du F-35. La CPS-N a été claire et a estimé que ce rapport ne contenait "aucun élément qui remette en cause la procédure d'évaluation". Dans le cadre d'une inspection lancée en 2021, la CdG-N a effectivement examiné la procédure d'évaluation du nouvel avion de combat, qui est conforme. En conséquence, la CPS-N a proposé, par 17 voix contre 8, au conseil fédéral, l'organe exécutif de la Confédération suisse, d'accepter l'acquisition de 36 avions de combat F-35A pour la somme étonnante de 5 milliards de francs suisses.

La CPS-N a notamment pris "acte des conclusions selon lesquelles, l'évaluation technique s'est déroulée conformément au droit et armasuisse a pris les mesures nécessaires pour garantir l'égalité de traitement des soumissionnaires et une procédure objective et compréhensible".

La majorité de la CPS-N estime qu'il "ne reste plus de questions en suspens et, partant, propose d'approuver l'acquisition". L'achat des 36 F-35A sera examiné ce jeudi par le Conseil national, qui n'a pas souhaité attendre le référendum sur la sélection de l'avion. La commission a siégé lundi à Berne sous la présidence du conseiller national Mauro Tuena (UDC, ZH) et, surtout, en partie en présence du conseiller national Nicolo Paganini, président de la sous-commission DFAE/DDPS de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) et de Viola Amherd.

Des voix au sein du CPS-N contre cet achat

Une minorité de la commission estime pourtant que "plusieurs points de la procédure d'évaluation demeurent peu clairs et que les soumissionnaires n'ont pas été traités de manière égale". Ainsi, la pondération de certains critères a notamment été modifiée en cours de route, ce qui a finalement avantagé certains constructeurs, ont-ils avancé. La minorité souhaitait que la CPS-N propose à la CdG-N d'éclaircir une série de questions touchant la procédure d'évaluation, la réduction du nombre d'heures de vols du F-35A, l'absence de maturité du F-35A, l'utilisation de critères de sélection tenus secrets, la pondération des critères de sélection et le plafonnement des points à attribuer. Cette proposition a été rejetée par 17 voix contre 7 et 1 abstention.

Une autre proposition voulant proposer de mandater le Contrôle fédéral des finances (CDF) d'examiner qui devrait prendre en charge une éventuelle augmentation des coûts. Cette proposition a été rejetée par 17 voix contre 8.

Les critiques cinglantes du CdG-N

Dans le cadre de son inspection, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) considère que "le traitement ultérieur des résultats par le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) ainsi que la manière dont cette affaire a été traitée par le Conseil fédéral étaient en partie inopportunes". Et "elle déplore notamment que le DDPS et le Conseil fédéral aient, dès le début de la procédure, fixé des conditions-cadres sans procéder à un examen approfondi, si bien que le Conseil fédéral n'a finalement pas pu tenir compte de certains aspects de politique extérieure dans sa décision". Le conseil fédéral aurait pu intégrer "des réflexions politiques de portée supérieure lors du choix de l'avion de combat", selon la CdG-N.

A l'image de la CdG-N, la majorité de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national "estime, qu'en vertu des règles fixées au départ, le Conseil fédéral n'avait pas d'autre choix que de proposer l'acquisition du F-35A, ce dernier ayant obtenu le meilleur résultat parmi les quatre avions de combat évalués, tant du point de vue de l'efficacité que des coûts".

La CdG-N critique vertement le conseil fédéral et le DDPS. Elle estime "préoccupant" que le conseil fédéral n'ait pas discuté, au début de la procédure, de la marge de manœuvre dont il disposerait concernant le choix de l'avion après l'évaluation effectuée par Armasuisse. Plus grave, "il y a lieu de porter un regard critique sur le travail du DDPS, compétent en la matière : les investigations de la CdG-N ont montré que le département n'avait probablement, pendant longtemps, pas lui-même été au clair en ce qui concerne la marge de manœuvre du Conseil fédéral et qu'il avait fourni à ce dernier des informations contradictoires à ce sujet", selon la CdG-N.

"Aux yeux de la CdG-N, la façon dont le DDPS a traité les résultats de l'évaluation technique n'était pas non plus adéquate. Alors que la cheffe du DDPS connaissait ces résultats depuis la mi-mars 2021, elle n'en a informé les autres membres du Conseil fédéral qu'à la mi-mai (cheffe du DFJP et chef du DFAE) ou à la première moitié du mois de juin 2021 (autres chefs de département). Cette information tardive et le manque de clarté susmentionné concernant la marge de manœuvre du Conseil fédéral ont eu pour conséquence que plusieurs départements ont continué à mener des négociations avec des pays constructeurs pour trouver des solutions dans d'autres dossiers liés au choix de l'avion jusqu'à peu avant la décision finale du Conseil fédéral, le 30 juin 2021. Ce faisant, on a apparemment accepté l'idée que des pays tiers puissent s'irriter de la façon dont la procédure a été menée", a expliqué la CdG-N.

La CdG-N dénonce également le jeu trouble d'Armasuisse. Tout en considérant que la nouvelle méthode d'évaluation qui a été choisie (méthode AHP) par Armasuisse était bien conforme au droit, elle a souligné que cette méthode appliquée pour la première fois à un projet d'armement aussi important comportait "certains risques". A cet égard, la commission a "du mal à comprendre pourquoi Armasuisse a renoncé à s'appuyer autant que possible sur les expériences réalisées par d'autres pays dans lesquels les avions soumis à l'évaluation étaient déjà opérationnels". Ce qui pose un vrai problème...

Pour autant, en dépit de ces critiques cinglantes, la CdG-N, qui a siégé le 9 septembre à Lucerne, sous la présidence de la conseillère nationale Prisca Birrer-Heimo (PS, LU), a adopté le rapport à l'unanimité. Ainsi, elle a clos ce jour l'inspection qu'elle avait lancée en novembre 2021 concernant certains aspects de la procédure d'évaluation pour le choix du nouvel avion de combat de l'armée suisse.

Michel Cabirol

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Commentaires 13
à écrit le 15/09/2022 à 20:15
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Pauvre Suisse, victime de magouilles encore une fois. C'est ding

à écrit le 15/09/2022 à 15:55
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Tant pis pour les Suisses, ils font ce qu'ils veulent. C'est leur problème.

à écrit le 15/09/2022 à 10:23
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la suisse est un talon d'achille pour l'europe. elle joue à la fois la russie et les usa contre l'europe .

à écrit le 15/09/2022 à 8:41
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Est-ce que la Suisse qui est un pays neutre a vraiment besoin de F35 pour assurer sa défense ? On peut se poser la question mais peut-être a-t-elle des raisons cachées d'acheter ses avions aux USA ?

à écrit le 14/09/2022 à 21:03
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Bon la Suisse est un État souverain qui fait donc ses choix de manière souveraine, et surtout dépense son argent comme elle l'entend.

à écrit le 14/09/2022 à 19:33
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Bonjour, j'espere qu'ils serons content de leur gros investissement financier...

à écrit le 14/09/2022 à 17:29
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Bonne affaire pour les Suisses .. le F35 est un superavion... Le seul au monde qui vole et fait sous-marin pour le même prix... Ils vont pouvoir le tester dans le Leman !

à écrit le 14/09/2022 à 10:42
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Le F35 est supérieur technologiquement et moins cher que le rafale... La seule éventuelle critique serait qu'ils ont en fait besoin d'un avion de police du ciel auquel cas le rafale est suffisant... sauf que plus cher ! Alors pourquoi se priver ? ...

le 14/09/2022 à 12:30
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Encore des lèches C.. a Biden

le 14/09/2022 à 17:44
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Bien entendu, les F35 éviteront soigneusement de s'entraîner dans l'espace aérien français. Chacun chez soi !

le 14/09/2022 à 21:10
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Je suis Napoléon Monsieur et vos remarques sont peu convaincantes. Le F35 est immature, peu fiable et ne peut fonctionner qu'en tant d'un élément integré avec des forces OTAN. <p> Dans l'article on peut lire "Ce faisant, on a apparemment accepté l'...

le 15/09/2022 à 16:44
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Merci de rétablir la vérité. Le Rafale est un très bon avion du passé et les Français n’arrivent juste pas à l’admettre..

le 15/09/2022 à 18:16
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Votre post est un tissu d'inexactitudes en général et d'inepties sur certains points, dire que le F35 est moins cher est faux, il serait trop long de vous le démonter, mais pour vous aider à comprendre regardez le rapport entre les imprimantes grand ...

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