MSC et RCCL : l'étrange choix d'Emmanuel Macron pour STX

Emmanuel Macron souhaite changer l'accord de reprise de STX France par des entreprises italiennes. Une décision qui passe très mal en Italie.
Michel Cabirol
Faire entrer MSC et RCCL dans le capital de STX, deux de ses principaux clients qui connaissent sur le bout des doigts le marché et ses prix, c'est un peu comme "faire entrer Air France et Lufthansa dans le capital d'Airbus"

Sur le dossier STX, Emmanuel Macron s'engage sur un chemin compliqué. Il est d'abord dangereux de vouloir défaire un accord conclu de haute lutte entre la France et l'Italie. Les dossiers industriels entre les deux pays sont toujours explosifs. D'autant que cet accord était ardemment souhaité par les Italiens, dont Fincantieri, et a été très soutenu par le président du conseil Paolo Gentiloni, qui a appelé plusieurs fois François Hollande. Tout comme Enrico Letta, l'ancien président du conseil. La décision du président français de modifier l'accord passe d'ailleurs mal en Italie, comme en témoignent les titres de la presse transalpine.

"Je veux aussi vous dire qu'au-delà, en lien avec nos amis italiens - et j'ai parlé hier au président du conseil Paolo Gentiloni - et en lien avec les principaux clients des chantiers, je souhaite que les équilibres de principe trouvés en avril 2017 puissent être revus", a expliqué mercredi lors d'un déplacement à Saint-Nazaire Emmanuel Macron, qui s'adressait aux salariés de STX France.

Évolution du tour de table

Le chantier naval italien Fincantieri a signé le 19 mai en Corée du Sud un accord pour le rachat de 66,66% des chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) à son actionnaire actuel, STX Europe AS, pour 79,5 millions d'euros. Puis selon un accord négocié par l'ancien gouvernement, Fincantieri devait reprendre d'abord 48% du capital des chantiers de Saint-Nazaire et rester minoritaire pendant au moins huit ans, épaulé par le mystérieux investsseur italien Fondazione CR (Cassa di Risparmio) basé à Trieste à hauteur d'environ 7%. Côté français, l'État devait conserver un tiers du capital et un droit de veto tandis que le groupe naval DCNS entrerait à hauteur de 12%.

Selon le journal Le Monde, confirmé par nos informations, l'Élysée veut écarter la fondation italienne jugée trop proche de Fincantieri. La présidence de la République souhaite faire entrer à sa place deux nouveaux actionnaires, MSC et RCCL, les deux compagnies de croisières clientes de Saint-Nazaire. A quels niveaux ? Le Monde écrit que les deux croisiéristes auraient ensemble environ 10% du capital. Voire plus si DCNS ne fait plus partie du tour de table, comme le souhaiteraient ses deux actionnaires (Défense et Thales). Mais ont-ils voix au chapitre sur ce dossier? En tout cas, tout est fait pour priver Fincantieri d'une majorité de contrôle.

Des clients au capital de STX

Faire entrer MSC et RCCL dans le capital de STX, deux de ses principaux clients qui connaissent sur le bout des doigts le marché et ses prix, c'est un peu comme "faire entrer Air France et Lufthansa dans le capital d'Airbus". Le choix d'Emmanuel Macron est pour le moins étrange. Cela peut peut priver STX de marges de négociations dans les contrats avec MSC et RCCL. Au pire c'est aussi faire fuir les concurrents.

Dans un secteur aussi difficile, cela risque de compliquer les règles du jeu pour STX. Car les marges de la construction des bateaux de croisière sont effectivement faibles (autour de 2%) et, en même temps, les chantiers navals doivent disposer d'énormément de cash. Un chantier naval ne reçoit qu'un acompte de 15% de la valeur du bateau à la signature du contrat, le reste à la livraison. Il n'y pas de lissage de cash lié à l'avancement du bateau. Enfin, les pénalités sont lourdes en cas de retard à la livraison.

Fincantieri, le chantier qui faisait peur aux croisiéristes

C'est pour cela que la reprise de STX Saint-Nazaire par Fincantieri inquiétait les croisiéristes, qui ne voyaient pas d'un bon œil une concentration de ce secteur autour de deux chantiers navals. Car jusqu'ici les croisiéristes maîtrisaient les prix des navires face à des chantiers navals qui sont prêts à rogner sur leurs marges pour obtenir des contrats.

Face à un duopole composé de Fincantieri et de l'allemand Meyer Werft, dans la construction des très grands bateaux de croisière, ils ne peuvent plus peser autant sur les prix. D'où vraisemblablement l'intérêt de deux croisiéristes - MSC Croisières et Royal Caribbean Cruises - de monter dans le capital de STX pour contrôler les prix. De plus MSC connait très bien le secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler, qui a été le directeur financier... du croisiériste juste avant d'être rappelé par Emmanuel Macron. Ce qui rend très nerveux les Italiens prêts à y voir des soupçons de conflit d'intérêt.

Michel Cabirol

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Commentaires 28
à écrit le 03/06/2017 à 16:56
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Plus important ! se demander comment en est on arrivés là ? pour éviter d’autres fiascos. C'est la question que se poserait tout dirigeant censé pour corriger les erreurs, au lieu de les réitérer. En partant de la question su pourquoi l’État Françai...

le 04/06/2017 à 18:50
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La réponse a toutes ces soit-disantes tétes (cranes d'oeufs) vu l'état du pays, un OS aurait gérer les affaires dans le bon sens. question de pragmatisme !!!

à écrit le 03/06/2017 à 11:57
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Ce n'est pas le choix de Macron c'est à la demande de tous les acteurs de l'entreprise à la Région (y compris Retailleau, c'est dire !) car le groupe italien impliquait une Fondation qui n'apporte pas assez de sérieux. Macron a donc raison de reprend...

à écrit le 03/06/2017 à 10:55
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Et dire que Mr Macron est à fond pour l Europe à en devenir le champion en nous livrant pieds et poings liés !!!A mon avis il n a pas tout compris sur l Europe ?un Italien qui veut acheter une partie des chantiers n est il pas Européen? il faudrait...

à écrit le 03/06/2017 à 10:34
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Pourquoi étrange ,non patriotique , on ne va pas laisser les italiens aux commandes pour 80 millions d'euros , n'ayez aucun doute sur le fait que leur volonté était de détruire un concurrent STX , et si le faible blagounette a qui FICANTIERI a payé u...

à écrit le 03/06/2017 à 10:31
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un savoir faire qu il faut gardez en le nationnalisent: ce sont des chantierr a forte mains d oeuvre ouvrieres qu il faut preserver et a faire surveillez par des inpecteurs du travail afin d eviter le trafique de travailleur detaches, LA BATAILLE D...

le 03/06/2017 à 12:58
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Je suis bien d'accord avec vous, mais la réglementation européenne nous l'interdit. Lisez les explications que j'ai données dans mes autres commentaires à cet article.

le 03/06/2017 à 16:49
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A@ IL FAUDRAS ASOLUMENT CHANGER SES ARTICLES QUI NOUS METTENT ENTRE LES MAINS DES SOCIETES ETRANGERE? CEUX QUI NOUS ON FORCE A ACCEPTEZ L EUROPPE NOUS ON TRAHIES ? ON EST BIEN DEPUIS L EUROS ENTRE LES MAINS DUMONDE DE LA FINANCE ?SI NOUS NE QUITON ...

le 04/06/2017 à 8:20
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Oui, vous (la France) aurez le destine que vous avez merité. Donc pourquoi ne pas vous réussissez où d’autres pais de l'UE ont réussi en vertu du même accord ?

le 04/06/2017 à 16:43
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il faut nationaliser et faire surveiller par des inspecteurs du travail et donc en bon français augmenter les charges au maximum afin de perdre tous les clients : bonne idée si vous voulez perdre la société !!!!

le 04/06/2017 à 16:46
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il faut nationaliser et faire surveiller par des inspecteurs du travail et donc en bon français augmenter les charges au maximum afin de perdre tous les clients : bonne idée si vous voulez perdre la société !!!!

à écrit le 03/06/2017 à 8:44
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Qu'il fasse ce qu'il veut mais Saint Nazaire et l'expertise doivent rester sius contrôle français. C'est jn incroyable savoir-faire français qu'il ne faut pas disperser.

le 03/06/2017 à 12:56
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La France est dans "l'union" €uropéenne et soumise au traité de Lisbonne, malgré son rejet en 2005. Pour l'UE, il n'y a plus de pays, il n'y a plus que des membres de l'UE. Et le traité de Lisbonne interdit que l'État français intervienne pour empê...

à écrit le 02/06/2017 à 21:31
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un accort signé par le dernier gouvernement et voila que Mr MACRON qui remet tout a plat comme avecles portes hélicoptères pour la RUSSIE ou est la parole donnée tant que STX Françe appartenait au CORREEN personne s inquiétait du moment que FINCAN...

le 03/06/2017 à 12:00
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Avant de râler de manière instinctive sans raisonner, il faut connaître le dossier, vous écrivez sans connaître les problèmes plus qu'épineux qui ont été soulevés tant par l'entreprise que la Région et les employés et syndicats concernant la Fondatio...

à écrit le 02/06/2017 à 19:59
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Ce qui m'étonne dans cette affaire,c'est que Fincantieri n'est intéressé principalement a STX que par son grand bassin et je ne comprend pas qu'il n'en ait pas construit un,avec ses plus de 20 chantiers dans le monde,dont 9 en Italie si on compte les...

à écrit le 02/06/2017 à 19:51
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On se demande bien pourquoi l'Etat français n'a pas suscité un repreneur industriel français sur une mise de 80 millions €, qui concerne l'économie d'une région et des milliers d'emplois ; l'Etat préfère garder des participations stratégiques (EDF, E...

le 03/06/2017 à 17:20
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Même reflexion que vous. Pas pour faire du populisme à 2 balles mais quand on voit la valeur d'un joueur de foot, ça interpelle... D'autant que Fincanteri on les voit passer dans les articles de Mr Cabriol dans les appels d'offres militaire en c...

à écrit le 02/06/2017 à 19:12
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Petit minoritaire petit c.... Grand minoritaire grand c.... Il a raison Macron de s'opposer à ce que Fincantieri soit majoritaire car rien n'empêchera même avec le droit de veto de voir disparaître la technologie ailleurs, quoique une cale sèche de...

à écrit le 02/06/2017 à 18:00
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Encore des interventions des politiques dans des dossiers industriels. Le meccano qui a valu à la France le plan calcul imaginé par de Gaulle , un fiasco. Idem avec l'acier , soutenu par les pouvoirs publics pour finir dans les bras d'un indien. Idem...

le 03/06/2017 à 12:42
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C'est toute la question du libéralisme, de ses bienfaits ou de ses ravages, que vous posez là. Pour qu'une entreprise française puisse être rachetée par une entreprise italienne, il y a, au départ, des choix politiques. Et, en effet, aujourd'hui, a...

à écrit le 02/06/2017 à 17:32
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Régulièrement questionné sur le sujet, Laurent Castaing, le directeur général de STX France, précise invariablement que la main-d’œuvre étrangère culmine à 25 ou 30 % lors des pics d'activité. Ce qui représente près de 1.500 à 2.000 personnes sur 6.0...

à écrit le 02/06/2017 à 14:21
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Pourquoi étrange choix? Le choix étrange c'est plutôt d'accorder le contrôle des chantiers de Saint-Nazaire à Fincantieri. La croisière, ce sont des cycles. Dans la période difficile qui viendra inévitablement, Fincantieri privilégiera logiquement se...

le 02/06/2017 à 16:31
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La solution la meilleure c'est la nationalisation! L'Etat français a quand même 80 millions dans les caisses, non?

le 04/06/2017 à 10:38
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@ pierre "Nous n'auront alors comme recours que de passer des commandes militaires coûteuses... qui enrichiront les Italiens. " Mais quand c'est pour enrichir nos industriels (Lactalis, Vivendi, Lvmh, etc..) là, tout va bien ! quel mentalité d'euro...

à écrit le 02/06/2017 à 14:21
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Aucun commentaire sur le risque de transfert d'activité en Italie, réorganisation de la R&D sur l'Italie, priorisation de la chaîne de fournisseurs de Fincantieri sur l'actuelle de Saint Nazaire.... Montage douteux des Italiens avec comme vous le di...

à écrit le 02/06/2017 à 13:56
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"De plus MSC connait très bien le secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler, qui a été le directeur financier... du croisiériste juste avant d'être rappelé par Emmanuel Macron" Ouhla, alors ça je ne l'avais pas repéré. La collusion des intérêts...

le 03/06/2017 à 13:43
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Il faut absolument lire le papier edifiant du jour d'Eric Verhaeghe sur ce sujet

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