Munitions : pourquoi Eurenco vole vers une croissance explosive

Le leader européen des explosifs, propulseurs et combustibles pour les munitions d'artillerie devrait enregistrer une croissance de son chiffre d'affaires de plus de 80% à l'horizon de 2025. Une dynamique générée par la multiplication des tensions internationales, dont la guerre en Ukraine où les besoins sont colossaux.
Michel Cabirol
« La production des charges modulaires pour les obus de 155 mm a été multipliée par six en France », selon le PDG d'Eurenco, Thierry Francou.
« La production des charges modulaires pour les obus de 155 mm a été multipliée par six en France », selon le PDG d'Eurenco, Thierry Francou. (Crédits : Eurenco)

La discrète entreprise Eurenco prend actuellement toute la lumière des projecteurs. Il est vrai qu'elle est le symbole du ministère des Armées qui souhaite relocaliser des activités souveraines en France pour renforcer la résilience de l'industrie de défense. Basée à Sorgues (Vaucluse), cette ETI a pris le risque de réaliser un investissement important de 50 millions d'euros pour relocaliser une activité de poudres de gros calibre à Bergerac (Dordogne), principalement destinées à l'artillerie de 155 mm. En 2007, Eurenco, au bord du gouffre, avait dû rationaliser « son outil industriel en délocalisant cette production sur son site suédois tout en conservant la propriété du savoir-faire technologique en France », a souligné un rapport parlementaire sur les stocks de munitions publié la semaine passée. La poudre était également achetée auprès de fournisseurs italiens, allemands et suisses.

Eurenco souhaite aller vite. Ce site, qui aura une capacité de 500.000 charges modulaires, sera mis en service début 2025 et Eurenco et va recevoir avant cet été les machines de production nécessaires à la fabrication des poudres. Pour soutenir l'initiative d'Eurenco, le ministère des Armées a pour sa part décidé de passer une commande pluriannuelle de charges modulaires (livraison prévue entre 2026 et 2030) et de prendre en charge la requalification des poudres, selon nos informations. Soit un total de 10 millions d'euros. « Il n'y a pas de scénario dans lequel on ne doit pas accélérer et sécuriser la production de munitions. C'est vrai parce que l'Ukraine va connaître des besoins importants dans les semaines et mois à venir ou pour recompléter les stocks des armées », a d'ailleurs estimé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.

Chiffre d'affaires : un bond de plus de 80% en quatre ans

Société publique (détenue par SNPE SA depuis janvier 2023 au lieu de GIAT Industries), Eurenco est en plein boum depuis 2020 et bénéficie à plein de l'instabilité et des risques géopolitiques internationaux pour engranger les commandes. La guerre en Ukraine n'a fait qu'accélérer cette dynamique depuis le déclenchement des hostilités par la Russie il y a tout juste un an. L'export, qui constitue les deux tiers du chiffre d'affaires d'Eurenco, « va être soutenu pendant les dix prochaines années. Aujourd'hui j'ai des commandes fermes jusqu'en 2027 », a affirmé mercredi au ministère des Armées le PDG d'Eurenco, Thierry Francou. Un investissement qui n'a été possible que grâce à l'obtention de ces commandes fermes (acomptes notamment puis la visibilité) qui permettent de sécuriser ce financement. « Ce qui permet d'entretenir une filière souveraine c'est l'export », a-t-il rappelé.

Rencontré lors du salon de l'armement terrestre et naval d'Abu Dhabi (Idex et Navdex), Thierry Francou a indiqué à La Tribune que son entreprise était sur une trajectoire à la hausse en termes de chiffre d'affaires. En 2022, il a augmenté de près de 10%, passant de 275 millions d'euros en 2021 à 302 millions d'euros l'année dernière. « La production des charges modulaires pour les obus de 155 mm a été multipliée par six en France », a précisé Thierry Francou. Et le marché  prévoit un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros en 2023 et de 500 millions en 2025. Soit une croissance évaluée à plus de 80% en quatre ans. Ses cinq clients les plus importants sont Rheinmetall, BAe Systems, Czechoslovak Group (CSG), Saab et, enfin, Nexter. « Nous sommes qualifiés sur 20% des systèmes d'armes, qui réalisent 80% de parts de marchés mondiales », précise-t-il.

Des tensions sur les matières premières

« Nous pourrions faire plus » en termes de production dans l'ensemble de ses sites, estime Thierry Francou. Notamment en France et en Suède où Eurenco veut toutefois doubler la production. Mais, comme dans la plupart des secteurs industriels, Thierry Francou doit gérer les nouveaux risques liés aux approvisionnements dans un contexte de fortes tensions sur les marchés internationaux des matières premières mais aussi, plus classique, à une éventuelle défaillance d'un de ses fournisseurs. D'autant plus que le PDG d'Eurenco a décidé de relocaliser toute sa chaîne de fournisseurs en France en développant de nouveaux procédés de fabrication. Ce pari souverain reste toutefois un vrai challenge.

« La fragilité de la supply chain a été révélée par le COVID-19. Et Eurenco pourrait être impactée par la disponibilité des matières premières », confirme Thierry Francou. A commencer par l'acide nitrique, un composé chimique instable impossible à stocker plus d'une semaine. C'est également le cas de la nitrocellulose, qui est à la fois l'élément clé de la souveraineté de cette filière et l'élément de base nécessaire à la fabrication des poudres. Avec la remise en service progressive en mars la remise en service de son usine de nitrocellulose de Bergerac qui a subi une grave explosion en août dernier, Eurenco va pouvoir retrouver un peu plus de souplesse. Mais pour la fabrication des poudres pour la chasse, Thierry Francou a son plan B, la Chine.

Michel Cabirol

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Commentaires 18
à écrit le 13/01/2024 à 18:18
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le véritable scandale est d'avoir privatisé cette société, d'avoir dilapidé le savoir faire, les compétences, les moyens de production ect..; une armée sans son industrie d'armement ne vaut rien; si vis pacem...

à écrit le 25/02/2023 à 10:52
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Bonjour, Certe ils y a quelque temps, les commandes européenne etait assez reduite , mais pour un industriel , le marché francais est minimes, et l'exportation est le seul moyen de survie , mais pour cela ils faut être compétitives et surtout être...

à écrit le 24/02/2023 à 18:14
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Vraiment, ça fait un plaisir fou de savoir que cette relocalisation va permettre de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'état pour trucider un maximum de gens, enfin d'ennemis !

le 25/02/2023 à 10:57
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Bonjour Malheureusement, dans notre monde civilisé, ils est parfois plus facile de vendre des obus que des bien de consommation ( casserole). Mais , un bon industriel est celui qui en peux de temps est capable de produire se que nous avons bes...

à écrit le 24/02/2023 à 11:48
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Tout le progrès de l'humanité qui se perd dans ces sommes colossales... Imaginons une minute le nombre d'hôpitaux qu'elles permettraient de construire dans les pays pauvres...

le 24/02/2023 à 13:55
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@Billabong, Chaque année la France verse 5 milliards, en dons ou en prêts, à différents pays pour l'aide au développement, dont 150 millions à la Chine... Donc, s'il faut s'insurger, c'est contre cette gabegie !

à écrit le 24/02/2023 à 10:30
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Excellente nouvelles. Les décisions prises vont dans le bon sens. Pas de solution sur le petit calibre, mais de vrais solutions sur les munitions. Voilà des décisions prometteuses. C’est exactement ce dont nous avions besoin depuis longtemps. Ces usi...

le 24/02/2023 à 13:22
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Pas d’énergie, pas de matière première bon marché: pas d'usine rentable.

le 24/02/2023 à 16:35
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"ce qui est vraiment important " à bon ! fabriquer des munitions telle est votre priorité plutôt que former et recruter des soignants, former aux métiers de demain , investir dans la transition énergétique, l'agriculture ....

le 25/02/2023 à 9:44
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@Idx "et recruter des soignants" En parlant de soignants : Les soignants non vaccinés contre le Covid pourraient-ils bientôt faire leur retour dans les hôpitaux ? Dans un projet d'avis publié ce lundi, la Haute autorité de santé (HAS) ouvre l...

à écrit le 24/02/2023 à 10:18
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Poutine peut continuer de dormir sur ses deux oreilles. L'europe sera tjrs a la traine et pour longtemps vu les derniers accords des BRICS.

à écrit le 24/02/2023 à 9:02
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Vu les brillants résultats de l'industrie informatique française dans le passé CII , Bull j'ai de gros doutes quant à la présence de la France dans la compétition, et une improbable éventuelle pépite française sera vite contrainte de se vendre à un c...

le 24/02/2023 à 19:17
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Toujours aussi négatif .. vous êtes in-Corée -gibles marins pas très calmes à vrai dire ..

à écrit le 24/02/2023 à 8:55
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Avis aux opportunistes et actionnaires confiez nous votre argent pour la bonne cause ! ;-)

à écrit le 24/02/2023 à 7:56
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L'annonce la plus significative de relocalusation, une excellente nouvelle. Espérons que M François saura restaurer des relations sociales très dégradées et également remettre Eurenco à sa juste place dans le domaine des explosifs.

à écrit le 24/02/2023 à 6:38
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Bonjour, Personnellement, je reste tres surpris que se type d'entreprise est était de localiser.... Chaque jour l'ons nous parlent de souveraineté et l'ons apprends que la fabrication de poudre et d'obus à lieux a l'étranger.. Mais bon , je ne ...

le 24/02/2023 à 10:27
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"En 2007, Eurenco, au bord du gouffre, avait dû rationaliser 'son outil industriel en délocalisant cette production sur son site suédois tout en conservant la propriété du savoir-faire'" 2007 c'est loin, et si c'était ça ou fermer ? Si vous n'avez p...

le 24/02/2023 à 22:39
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Vous avez délocalisé votre orthographe ? C'est assez clair, on avait tout un tas d'armes qui ne servaient à rien et dont on pensait qu'on ne se servirait plus (tanks, obusiers...), quel intérêt d'avoir des stocks de munitions en grande quantité ? Les...

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