"Nous lançons une restructuration pour retrouver de la compétitivité" (Guillaume Faury)

Dans une interview accordée à l'issue de la présentation des résultats 2019 d'Airbus la semaine dernière à Toulouse, Guillaume Faury explique à La Tribune les raisons pour laquelle Airbus lance un plan de restructuration dans la division Defence and Space : "Nous sommes en train d'opérer une restructuration pour retrouver de la rentabilité et de la compétitivité pour notre activité spatiale mais aussi, plus largement, pour l'ensemble de la division Defence and Space". Dans un communiqué publié mercredi par Airbus, le projet de réduction d'emplois présentés aux syndicats prévoit la suppression de 2.362 postes, dont 829 en Allemagne, 357 au Royaume-Uni, 630 en Espagne, 404 en France et 142 dans d'autres pays.
Nous avons continué à gagner des compétitions ce qui nous a permis d'avoir un bon volume d'activité mais la rentabilité n'est pas là où nous l'attendions (Guillaume Faury, PDG d'Airbus).
"Nous avons continué à gagner des compétitions ce qui nous a permis d'avoir un bon volume d'activité mais la rentabilité n'est pas là où nous l'attendions" (Guillaume Faury, PDG d'Airbus). (Crédits : Airbus)

LA TRIBUNE : On a le sentiment que le cauchemar financier de l'A400M n'en finit jamais. Pourquoi avez-vous encore pris une très lourde charge pour le programme A400M ?
Guillaume Faury :
La situation est un peu en trompe l'œil. D'une part, l'amélioration de la situation opérationnelle de l'A400M s'est confirmée en 2019 après la signature en juin de ce qui s'appelle le « global rebaselining contract ». C'était une étape très importante pour permettre une meilleure exécution du programme. En outre, nous avons pu valider un certain nombre de capacités militaires de l'A400M, des capacités qui étaient attendues depuis longtemps et qui étaient parmi les plus difficiles à développer. Par ailleurs, les premiers retrofits des appareils, qui représentaient un challenge important pour nous, se sont déroulés de façon nominale. Enfin, l'année 2019 nous a permis également de régler plusieurs problèmes techniques. Globalement, l'année 2019 a très largement confirmé une nette amélioration de l'avancée du programme. Cependant, nous avons dû effectivement prendre cette charge de 1,2 milliard d'euros à l'issue d'une opération que l'on appelle « de-risking » du programme (diminution des risques, ndlr) par rapport aux futures exportations de l'A400M. Mais nous restons totalement engagés sur les améliorations de l'A400M pour les contrats signés. C'est important de bien l'avoir en tête.

En quoi consistait cette opération ?
Nous avons considéré que dans la durée des contrats actuels, le potentiel export était moins fort que ce qui avait été prévu précédemment Nous avons donc revu à la baisse le nombre de contrats export que nous pouvions signer pendant cette période. Il était nécessaire de prendre une provision sur ces contrats-là qui étaient affectés sur l'ensemble de la période. C'est mécanique. D'ailleurs, la situation en Allemagne, qui a pris des restrictions à l'export vers certains pays, nous a confortés dans cette décision. Nous avons donc procédé à un « dérisquage » supplémentaire du programme décidé en 2019. Nous avons pris une part importante des hypothèses export en 2019. Ce n'est plus un risque majeur qui est devant nous.

Cela remet-il en cause le potentiel export de l'A400M ?
Non - nous restons engagés dans des campagnes à l'export et je suis optimiste quant à notre capacité à signer des contrats.

Les comptes de la division Defence and Space sont-ils essentiellement grevés par la provision de l'A400M ?
L'EBIT ajusté de la division Defence and Space s'est élevé à 565 millions d'euros en 2019. Ce qui est moins par rapport aux années précédentes. Mais, effectivement, l'EBIT reporté a été principalement grevé par la charge A400M et par la charge que nous avions prise en milieu d'année sur le contrat « Border Security » gagné en Arabie Saoudite, suite à la décision de l'Allemagne de prolonger l'interdiction d'exportation vers ce pays. Ces restrictions d'exportation nous coûtent beaucoup d'argent.

Avez-vous de réelles perspectives pour la division Defence and Space ?
Il y a effectivement beaucoup de sujets. C'est le paradoxe de la situation. Sur l'espace, nous avons constaté que d'autres concurrents étaient passés par des situations similaires. Il y avait vraiment une baisse du marché et une baisse des prix. Dans ce contexte difficile, nous avons continué à gagner des compétitions ce qui nous a permis d'avoir un bon volume d'activité mais la rentabilité n'est pas là où nous l'attendions. Nous sommes donc en train d'opérer une restructuration pour retrouver de la rentabilité et de la compétitivité pour notre activité spatiale mais aussi, plus largement, pour l'ensemble de la division Defence and Space. Dans le spatial, nous sommes convaincus d'avoir misé sur les bonnes technologies pour préparer l'avenir au moment où l'espace est en train de se transformer avec le New Space, où son importance dans le domaine militaire est réaffirmée, et aussi à la faveur du nouveau budget spatial européen qui a été décidé l'an dernier. Nous prévoyons de nombreuses opportunités pour notre activité spatiale. C'est pour cela que nous voulons aborder cette période avec une base de coûts appropriée avec la situation du marché.

Et dans la défense ?
Sur l'ensemble de la division Defence and Space, nous avons globalement constaté un sujet de compétitivité et une baisse de notre volume d'activités. Depuis trois ans, le book-to-bill (ratio chiffre d'affaires sur prises de commandes, ndlr) est inférieur à 1. Le volume de chiffre d'affaires sur lequel nous avions compté dans le futur ne nous parait pas robuste. Nous préférons nous repositionner sur une base de coût qui nous permet d'être rentables avec un volume d'activités plus réduit. Nous ne voulons plus faire dépendre toute notre profitabilité de quelques « éléphants blancs », à savoir de très gros contrats. Nous voulons que notre modèle économique soit rentable avec le flux normal d'activité, et réduire la dépendance à ces gros contrats. Nous sommes donc en train de restructurer l'activité Defence and Space, beaucoup dans l'espace et un peu dans la partie défense. Nous croyons beaucoup à ces deux activités et nous sommes en train de nous préparer à être compétitifs au moment où les budgets vont croître. Nous devons être capables de prendre des contrats de façon compétitive et, à l'image du marché spatial, je suis convaincu que nous serons en bonne position pour capturer la croissance à venir du marché défense.

Quel va être l'impact de ce plan de restructurations sur les emplois ?
Les discussions avec nos partenaires sociaux viennent de débuter. Au total, nous envisageons une réduction d'environ 2.000 postes sur l'ensemble de nos sites Defence and Space. Cela s'accompagnera, comme je le soulignais, de mesures renforcées pour assurer la compétitivité de nos activités et garantir notre résilience dans un environnement de marché qui a beaucoup évolué.

Sur quelles grandes commandes pouvez-vous compter dans la défense en 2020 ?
Nous avons beaucoup d'opportunité en Allemagne. A commencer par le programme E-SCAN sur lequel on comptait en 2019, et qui probablement va venir en 2020. Celui-ci porte sur le retrofit d'une partie de la flotte d'Eurofighter allemands avec notamment un nouveau radar à antenne active. Cela a pris plus de temps que ce que nous espérions mais il nous paraît robuste. Il y a également le remplacement de la Tranche 1 de l'Eurofighter en Allemagne avec des Eurofighter de dernière génération. Nous sommes attentifs à la succession du Tornado, qui a initié des débats en Allemagne. Nous considérons qu'il est absolument nécessaire que l'Eurofighter succède aux Tornado, et non le F-18. C'est aussi une question de souveraineté. Nous estimons que ce serait totalement à contretemps que de ne pas choisir l'Eurofighter.

Pourtant, on avait le sentiment que l'Eurofighter tenait la corde...
... Oui et non. Le remplacement a été divisé en plusieurs lots, dont l'un des plus importants semble promis à l'Eurofighter. Mais il y a également des missions plus spécifiques, comme celle qui permet à l'Allemagne de remplir pour le compte de l'OTAN ses missions nucléaires. L'armée de l'air allemande étudie actuellement deux options pour mener à bien cette mission : l'Eurofighter et le F-18.

Y a-t-il une incompatibilité technique de mettre un tel système d'arme sous l'Eurofighter ?
Il y a aucune incompatibilité technique ni avec l'un, ni avec l'autre. Il y a des choix politiques et militaires à faire.

Qu'en est-il de l'Eurodrone ? La France, via la DGA, estime-t-elle que votre devis est toujours trop élevé ?
Nous avons remis une offre l'année dernière, et nous sommes actuellement en train de négocier. C'est une négociation très importante et dans laquelle nous sommes totalement mobilisés. Les négociations sont longues mais constructives. Il y a effectivement des sujets à revoir sur le contenu, comme les spécifications et les exigences. Quand il y a plusieurs partenaires sur un projet en commun, il est normal que le travail de convergence prenne un petit peu de temps. Pour l'Eurodrone, nous sommes dans ce travail de convergence. Je suis optimiste, nous allons y arriver.

Quand pensez-vous signer le contrat ?
Il me parait raisonnable de dire que nous pourrions signer en 2020, plutôt dans le courant du premier semestre. Mais nous nous sommes trompés en 2019...

Le SCAF est-il définitivement lancé ?
Une étape très importante a été franchie la semaine dernière avec l'approbation de la phase de démonstration 1A du SCAF par le Parlement allemand. Le programme avance à bonne vitesse et la volonté des Etats - Allemagne, France et Espagne - est forte. Pour moi, c'est très positif. Ce sera un programme long et complexe, mais absolument structurant pour l'Europe dans les décennies à venir.

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Commentaires 6
à écrit le 20/02/2020 à 14:01
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Airbus DS est avt tt victime des incohérences des lpolitiques de défense de l'UE et des pays de l'UE qui n'arrive pas à s'affranchir du parapluie de l'OTAN et du diktat américain en la matière. On le voit d'une manière évidente avec l'achat de F35 p...

à écrit le 20/02/2020 à 9:31
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Quel charabia!

le 20/02/2020 à 15:48
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Cet optimisme de façade plutôt béat est en contradiction avec mes résultats du groupe.

à écrit le 19/02/2020 à 23:53
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En fait quand on régarde un peu cette entreprise, elle est mono produit: L'A320 assure à lui tout seul le quotidien et permet de suppléer à tous les echecs: A400M, A 380, les hélicoptères, les ventes confidentielles d'A330 et d'A350, le spacial... La...

le 20/02/2020 à 12:26
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"Ventes confidentielles d'A330 et d'A350" 2700 ventes cumulées quand même. Allez en Asie et vous ne verrez plus que des A350, au côté de 747 et 777 vieillissant.

le 20/02/2020 à 20:27
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"En fait quand on régarde un peu cette entreprise," regardez la beaucoup, cela vous évitera de débiter des inepties. Les comptes étant publiés vous verrez que la branche espace (j'ai bien dit espace) n'est pas déficitaire et a même une marge plutôt ...

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