Pourquoi l'ONERA perd de plus en plus ses jeunes chercheurs

Outre les départs à la retraite, l'ONERA est confronté à des départs non souhaités de jeunes chercheurs faute de salaire et de perspectives en adéquation avec le marché de l'emploi.
Michel Cabirol
Les salaires sont à qualification équivalente, inférieurs de 300 euros par mois en moyenne à ceux proposés par la DGA, qui, à l'embauche, offre un salaire plus élevé que l'office, précise le député LREM Didier Baichère à propos de l'ONERA.
"Les salaires sont à qualification équivalente, inférieurs de 300 euros par mois en moyenne à ceux proposés par la DGA, qui, à l'embauche, offre un salaire plus élevé que l'office", précise le député LREM Didier Baichère à propos de l'ONERA. (Crédits : ONERA)

L'ONERA est bel et bien ce bijou technologique que l'Etat laisse désespérément en jachère. Bien que reconnu dans le monde entier, cet institut de recherche du ministère des armées dans le domaine aérospatial ne décolle pas faute de disposer de budgets de recherche en adéquation avec son savoir-faire et ses compétences. Et les rapports parlementaires sur l'ONERA se suivent et se ressemblent, diagnostiquant tous une anémie budgétaire. Mais rien ne se passe du côté de la tutelle en dépit d'une prise de conscience politique sur l'incroyable richesse de l'ONERA en matière de recherche dans le domaine de la défense et de l'aérospatial. La ministre des Armées Florence Parly s'était elle-même enthousiasmée pour l'ONERA en janvier dernier lors de sa visite à Palaiseau : "Je veux être la ministre de l'innovation, de l'audace, de l'excellence, je me devais donc de me rendre à l'ONERA".

Mais en 2020, l'ONERA sera encore et toujours réduit au pain sec même si le ministère des Armées a royalement accordé une augmentation de 1 millions d'euros à la subvention accordée à l'ONERA, passant de 104,66 millions à 105,71 millions d'euros. Toutefois, l'institut de recherche perdra l'année prochaine 2 millions de dotation en fonds propre par rapport à 2019. Résultat, la subvention publique globale baisse de près de un million. Elle ne couvre d'ailleurs pas la masse salariale, qui s'élevait en 2019 à 154,1 millions d'euros (1.760 salariés). L'ONERA complète ses recettes en gagnant des contrats auprès des organismes publics français et européens (DGA, DGAC, ESA...) et des industriels. Ainsi, la prévision d'activité contractuelle pour 2019 est de 126 millions d'euros, en progression de 8,5 millions d'euros par rapport à 2018.

De nombreux départs inquiétants

"Je suis, je l'avoue, assez inquiet de la situation de l'ONERA : il rassemble des compétences critiques dans le domaine aérospatial, mais le nombre considérable de départs à la retraite, auxquels, fait encore plus inquiétant, se sont ajoutées près de trente démissions de personnels recrutés depuis moins de trois ans, traduit un réel problème de positionnement", explique le rapporteur pour avis du budget Environnement et prospective de la politique de défense, le député LREM des Yvelines, Didier Baichère. Pour un organisme de recherche amont de premier rang mondial, approché par SpaceX, cette situation n'est plus tenable.

L'ONERA semble effectivement confronté à de nombreux départs non souhaités (29 en 2018, 22 à fin septembre 2019) essentiellement en raison des rémunérations trop faibles pour attirer et fidéliser les jeunes chercheurs. "Les salaires sont à qualification équivalente, inférieurs de 300 euros par mois en moyenne à ceux proposés par la DGA, qui, à l'embauche, offre un salaire plus élevé que l'office", précise Didier Baichère, qui préconise de revoir le contrat d'objectifs et de performance (COP). Pourquoi ? L'ONERA, estime-t-il, devrait voir son rôle renforcé dans le cadre de l'innovation de défense et obtenir davantage d'études contractuelles sur des programmes tels que le système de combat aérien du futur ou le démonstrateur hypersonique.

"Une solution doit donc être trouvée pour remédier à cette situation" que le rapporteur pour avis "trouve particulièrement préoccupante". La ministre des Armées évoquait pour l'ONERA une nouvelle dynamique en janvier dernier :"Et ce futur, nous ne le bâtirons pas sans vous. L'ONERA a toute sa place pour ces armées modernes. Il en est un des fers de lance, un des pionniers". Elle avait donc demandé "à la DGA de discuter" avec le PDG de l'ONERA Bruno Sainjon "du rôle renforcé que pourra jouer l'ONERA dans la remontée en puissance de nos Armées". Soit un énorme décalage entre les propos et la réalité. Et faute de carburant supplémentaire, l'ONERA n'est pas prêt de décoller...

Michel Cabirol

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Commentaires 24
à écrit le 09/11/2019 à 10:03
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Madame la ministre des Armées :Faites la comparaison entre le budget défense de la DLR ( équivalent de l'ONERA en Allemagne) et celui de l'ONERA et arrêtez de nous faire de la COMMUNICAT En France on exige du pouvoir d'achat et en Allemagne on fai...

à écrit le 08/11/2019 à 6:31
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on ne peut à la fois financer la recherche et payer les petits fours chez madame la préfette et les arrêts maladies de certains fonctionnaires

à écrit le 07/11/2019 à 18:40
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Gagner 300€ de moins et ne pas avoir une proposition correcte, qui veut vivre en île de France et bosser à Palaiseau? Qu'ils casent l'ONERA à Rennes, ou Angers, voire le Mans, et tout le monde sera content. Et si les vieux barbons démissionnent : b...

à écrit le 07/11/2019 à 15:29
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Je me souviens que c'était déjà désespérant il y a 15 ans d'un point de vue budget et salaire. Le plus grave c'est rien n'a été fait depuis ....

à écrit le 07/11/2019 à 14:42
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"même si le ministère des Armées a royalement accordé une augmentation de 1 millions d'euros à la subvention accordée à l'ONERA"; On peut rappeler que sur les six premiers mois de 2017, la discrète ministre des Armées, Florence Parly, a en effet r...

à écrit le 07/11/2019 à 14:37
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Avec la grande granderie effectuée à la FDJ par les LREM ,ils vont bien trouver quelques kopecks de plus à leur filer.

à écrit le 07/11/2019 à 13:57
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Les vieux barbons (surtout ceux qui sont incompétents) font la loi !

à écrit le 07/11/2019 à 13:53
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Des paroles, aucun acte, c'est donc fait exprès, il faudrait en découvrir les raisons.

à écrit le 07/11/2019 à 12:09
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Tout résumer à une question de salaire est un peu simplificateur: conditions de travail, reconnaissance, management, il y aurait beaucoup à dire sur l'ONERA et ce qui pousse les jeunes à la sortie...

à écrit le 07/11/2019 à 11:52
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"une augmentation de 1 millions d'euros à la subvention accordée à l'ONERA" ... Monsieur CABIROL !

à écrit le 07/11/2019 à 11:34
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pas qu'à l'ONERA ; le CNRS et les universités commencent à voir des départs significatifs (du moins dans le domaine des sciences et technologies) de chercheurs et d'enseignants chercheurs vers les entreprises faute d'offrir des carrières correctes.

à écrit le 07/11/2019 à 9:53
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Quelle est la priorité que donne à la recherche fondamentale l'UE et singulièrement la France ? Tant que l'on restera avec pour idée fondatrice que le commerce doit être libre et non faussé nous nous appauvrirons.

à écrit le 07/11/2019 à 9:15
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ECOEURANT, pareil sabotage et gachis et désinvolture depuis le Sommet de l'Etat, qui préfère ses gaspills : son ADN !

à écrit le 07/11/2019 à 9:03
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Vu que c est mal payé et sans perspective, il est plutot normal que les jeunes fuient non ? Pourquoi devraient ils vegeter et se serrer la ceinture pour la gloire de la France, alors que celle ci englouti des milliards pour des JO ou pour offrir des ...

le 07/11/2019 à 12:42
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Tout à fait d’accord ! Les salaires des chercheurs du public en France sont totalement indécents avec peu de ressources pour conduire leurs projets de recherche. Métier à ÉVITER pour tout jeune diplômé du 4ème cycle !

le 07/11/2019 à 20:21
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Et pourtant, le plus étrange se trouve dans le fait que l'état récupère de l'argent des ventes a la sauvette d'entreprises. Mais ce qui est un constat et qui ne fait aucun doute, c'est aussi le choix fait sur les grandes écoles. Mais elles viennen...

à écrit le 07/11/2019 à 8:57
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La situation de l'ONERA ne fait qu'illustrer celle de la Recherche en France (CNRS et Universités)...C'est à dire la misère ! Salaires très faibles et gelés depuis des années, promotions quasi inexistantes...etc...etc.. Et surtout pratiquement aucu...

le 07/11/2019 à 16:43
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La CHINE nous bat aussi pour la fabrication de centrales nucléaires EPR !

à écrit le 07/11/2019 à 8:41
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L'Europe c'est l'agro-industrie et le BTP, à savoir des économies moyens ageuses, les autres puissances économiques, si on peut encore parle de l'UE comme puissance économique, ce sont les technologies de pointe, internet, l'informatique, la robotiqu...

le 07/11/2019 à 14:04
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C'est idiot comme raisonnement. Les besoins primaires de l'homme sont bien d'avoir à manger et un toit ... plus un troisième, mais pour ce dernier il n'y a pas de probleme.

le 07/11/2019 à 14:27
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@ MULTIPSEUDOS: "C'est idiot comme raisonnement." Non mais: "C'est idiot comme raisonnement:" Pas sûr que tu comprennes mais bon on peut quand même essayer au cas où... -_- SIgnalé

le 07/11/2019 à 16:36
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vous avez lu l article?.......on n y parle pas vraiment de votre moyen âge......ceci étant, agriculture, agro industrie et btp sont assez utiles, malgré tout...... je suppose que vous mangez tous les jours, que vous vivez entre 4 murs et que vous ac...

le 07/11/2019 à 17:41
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@ multipseudos: BAYER MONSANTO = 43 milliards d'euros de dettes FACEBOOK = + 543 milliards de dollars. Choisis ton camp ! Ah ben min on peut pas choisir... -_-

à écrit le 07/11/2019 à 6:58
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Quand est-ce que le patronat comprendra qu'il est normal d'avoir autant de difficultés à embaucher pour l'employeur que de trouver du travail pour l'employé ? C'est un équilibre, tout simplement.

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