Armées : la mise en service complète de Source Solde sonne la fin du "désastre" Louvois

Mis en place dans les armées, le logiciel de paie Source Solde va enfin effacer complètement le désastre Louvois. Source Solde arrive toutefois avec quatre ans de retard dans l'ensemble des armées.
Michel Cabirol
Depuis 2019, le nouveau calculateur de paie des armées a été successivement mis en service avec succès au sein de la Marine nationale, puis de l'armée de Terre, et enfin de l'armée de l'Air et de l'Espace et du Service de santé des armées.
Depuis 2019, le nouveau calculateur de paie des armées a été successivement mis en service avec succès au sein de la Marine nationale, puis de l'armée de Terre, et enfin de l'armée de l'Air et de l'Espace et du Service de santé des armées. (Crédits : POOL New)

Article modifié le 8 février à 17h20 avec les déclarations Florence Parly

C'est l'épilogue d'un très (trop d'ailleurs) long raté du ministère des Armées. La ministre des Armées Florence Parly se rend ce lundi au Centre interarmées du soutien solde et administration du personnel (CISAP) pour saluer la réussite de la mise en place du logiciel de paie Source Solde, qui va définitivement faire oublier le "désastre" Louvois, ainsi qualifié en 2013 par l'ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

"Depuis son entrée en fonction le 1er octobre 2011, le logiciel Louvois s'est fait un nom, celui du désastre ; et une sinistre réputation, celle du fiasco. Pendant des années, c'est un calculateur incontrôlable qui a arrêté le montant de la solde des hommes et des femmes qui servent notre pays. Pendant des années, ce sont les erreurs d'un logiciel qui ont rythmé la vie des militaires et lourdement pesé sur leur quotidien", a expliqué lundi Florence Parly au centre d'expertise du soutien du combattant et des forces à Rambouillet.

Depuis 2019, le nouveau calculateur a été successivement mis en service avec succès au sein de la Marine nationale, puis de l'armée de Terre, et enfin de l'armée de l'Air et de l'Espace et du Service de santé des armées (SSA). Source Solde devient le calculateur unique qui permet de déterminer, de calculer et de suivre les soldes de l'ensemble des militaires des armées. Soit environ 250.000 personnes. "Huit ans après l'initiation de ce projet, ce sont donc des mots très simples et très ordinaires que je suis venue vous dire aujourd'hui : depuis le 1er janvier 2021, nos 250.000 militaires d'active et de réserve sont soldés de façon fiable, juste et satisfaisante. Enfin !", a précisé la ministre.

Testé et approuvé

Depuis le 1er janvier 2021, le calculateur Source Solde assure le paiement des soldes de l'armée de l'Air et de l'Espace et du service de santé des armées. Comme lors des deux premières bascules (en mai 2019 pour la Marine nationale et en avril 2020 pour l'armée de Terre), "le logiciel a donné toute satisfaction", a assuré le ministère des Armées dans un communiqué publié dimanche. Entamés en 2015, les travaux sur le logiciel Source Solde ont conduit au remplacement des systèmes utilisés jusqu'à présent (Louvois et GDS) pour calculer les soldes et restituer les dépenses relatives à la masse salariale, à l'aide des données budgétaires et comptables interarmées.

Source Solde se base sur un logiciel reconnu et éprouvé (HR Access), déjà utilisé dans les secteurs public et privé (EDF, SNCF, RATP, Naval Group, Vinci Energies, BNP, etc...) Comme pour un programme d'armement majeur, ce projet a été conduit par phases successives de tests, de contrôles et d'analyses afin de sécuriser les bascules et de s'assurer, à chaque fois et en grandeur nature, que toutes les spécificités de l'emploi concerné étaient prises en compte.

Un "désastre"

Lancé en 2011, le système informatisé de paiement des soldes Louvois n'était toujours pas opérationnel plus de deux ans et demi plus tard, avait expliqué en septembre 2013 le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud. "Fin août, on a dépassé 50 % d'erreurs !", avait-il explosé devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. Et d'expliquer : "nous sommes sûrs que le calculateur lui-même - cœur du système - est déficient. Il y a un an, c'était encore une querelle d'experts. Maintenant, tout le monde est d'accord". Dans la foulée, Jean-Yves Le Drian décide en novembre 2013 "d'abandonner le système Louvois", qui est "une vraie catastrophe, indigne d'un pays comme le nôtre". Fin de la première saison.

En dépit de l'annonce de son abandon, le ministère des Armées doit continuer avec Louvois pendant plusieurs années encore, en attendant de trouver une solution. Les anomalies de Louvois se poursuivent donc et se traduisent "par d'importants indus de paye et de moins-verser aux administrés", observe alors en octobre 2014 le secrétaire général pour l'administration (SGA) Jean-Paul Bodin. Les armées, qui sont alors en pleine réduction d'effectifs, ont le moral dans les chaussettes. Une situation explosive qui agace prodigieusement tout l'écosystème du ministère des Armées. D'autant que les dysfonctionnements du logiciel de paie des armées touchent alors 59.000 militaires de l'armée de Terre. Soit un "Terrien" sur deux.

"Les difficultés persistantes en matière de soutien et d'infrastructure tirent vers le bas un moral fragilisé par les dysfonctionnements du système Louvois et cristallisent le ressentiment contre la réforme" des armées, constatait alors en octobre 2014 le chef  d'état-major de l'armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser

Louvois est également une catastrophe financière pour le ministère de la Défense. Et les chiffres sont consternants : 359 millions d'euros de trop-versés aux militaires entre 2011 et 2014. Cela provoque un vrai malaise au sein de armées, notamment au sein de l'armée de Terre. "Je précise que si les moins-perçus ne sont jamais agréables, les trop-perçus créent des situations très difficiles à régler notamment avec toutes les complications fiscales que cela implique, avait expliqué le général Bosser. Bref, si les moins-perçus sont inacceptables, les trop-perçus nous mettent vis-à-vis de nos hommes dans une situation intenable". L'explosion guette. Fin de la deuxième saison

Sur les rails

A la fin de l'hiver 2015, Sopra et sa filiale HR Access sont sélectionnés par la direction générale de l'armement (DGA) pour réaliser le nouveau logiciel de paie des militaires, baptisé Source Solde, destiné à remplacer le catastrophique logiciel Louvois. Les deux entreprises empochent un joli chèque de près de 130 millions d'euros. Elles prévoient que de mettre en service Source Solde dans la marine nationale à compter de 2017, après une période de tests s'échelonnant sur toute l'année 2016. Puis ce sera au tour de l'armée de Terre en 2018, et enfin, en 2019 au tour du service de santé des armées et de l'armée de l'air. Le programme affiche déjà un retard sur le calendrier prévu initialement : le premier déploiement était programmé en décembre 2015 et le déploiement complet en 2017.

Source Solde est "pleinement sur les rails", tente alors de rassurer en avril 2015 Jean-Yves Le Drian en visite à Toulon.

Les trop-perçus par les militaires ont dû mal à revenir dans les caisses du ministère. Sur un total de 342,6 millions d'euros de trop-perçus, qui ont déjà fait l'objet d'une notification aux soldats concernés pour en demander le remboursement, il y avait encore 186,3 millions d'euros à recouvrer, estime en octobre 2015 Jean-Paul Bodin. Puis en octobre 2016, le ministère a encore 130 millions d'euros encore à recouvrer. En octobre 2018, il expliquera que le ministère a finalement décidé "d'abandonner près de 95 millions d'euros, dont 20 millions d'euros résultant de remises gracieuses et le reste de problèmes de calendrier dans l'envoi des demandes de recouvrement". Fin de la troisième saison.

Mise en service en 2019 dans la Marine

Avec environ deux ans de retard, le logiciel Source solde a été déployé au printemps 2019 dans la marine nationale. "À ce stade, grâce à un suivi intense et très précis, le basculement s'est déroulé dans de bonnes conditions", explique en octobre 2019 le général François Lecointre, chef d'état-major des armées. En novembre, Florence Parly peut enfin annoncer que le nouveau logiciel Source Solde "fonctionne sans générer de problème particulier, aucune erreur ne nous ayant été remontée". Un succès qui permet à l'armée de Terre de basculer en avril 2020 au cœur du confinement décidé par le gouvernement français en raison de la crise sanitaire de la Covid-19. Enfin, Source Solde est aujourd'hui en service dans l'armée de l'air et de l'espace. Soit un retard de quatre ans. Mieux vaut tard que jamais... Fin de la saga Louvois.

Michel Cabirol

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Commentaires 4
à écrit le 08/02/2021 à 10:09
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7 ans pour regler un pb de paie des armees ! La France dans sa splendeur.

à écrit le 08/02/2021 à 8:10
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On l'a sous traité en Inde. ILs sont bon les indiens en software. C'est par ce qu'ils sont anglophone, ils ont acquis la culture anglosaxonne du génie logiciel, ils ont tout inventé en la matière, comme dans beaucoup d'autres.

le 08/02/2021 à 14:04
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Nouveau dicton militaire, indien vaut mieux que deux tu l'auras Désolé

le 09/02/2021 à 8:46
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@ Le Lapin. Alors la, le lapin, chapeau. Excellent, continuez.

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