Présidentielle 2022 : face aux agriculteurs, la droite fustige la stratégie européenne, la gauche quasi-absente

Fabien Roussel, Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Jean Lassalle ont exposé mardi leurs programmes devant les agriculteurs réunis à l'occasion du congrès de leur principal syndicat, la Fnsea. Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon ont décliné l'invitation.
Giulietta Gamberini
Les discours de ces candidats, quasiment tous de droite, ont fait émerger un certain consensus autour des sujets aujourd'hui les plus controversés socialement, tels que notamment la nécessité de produire plus en France et de limiter les contraintes environnementales.
Les discours de ces candidats, quasiment tous de droite, ont fait émerger un certain consensus autour des sujets aujourd'hui les plus controversés socialement, tels que notamment la nécessité de produire plus en France et de limiter les contraintes environnementales. (Crédits : PASCAL ROSSIGNOL)

L'exercice a duré plus de quatre heures quasiment ininterrompues. Mardi 30 mars, à Besançon, cinq candidats à l'élection présidentielle ont tenté de séduire les agriculteurs, réunis à l'occasion du congrès annuel du plus grand syndicat français du secteur, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), qui s'était terminé la veille.

Fabien Roussel (PCF), Marine Le Pen (RN), Valérie Pécresse (LR), Éric Zemmour (Reconquête) et Jean Lassalle se sont succédés à l'estrade lors d'un "grand oral" organisé par le Conseil de l'agriculture française (CAF), composé de la Fnsea, des Jeunes Agriculteurs (JA), de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA) et de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).

Emmanuel Macron, empêché à la dernière minute par un Conseil de défense suivi du Conseil des ministres, a été autorisé à enregistrer, la veille, une vidéo. Tous ont d'abord exposé leur vision du futur de l'agriculture pendant 10 minutes, puis ont été interrogés pendant une demi-heure sur les sujets les plus sensibles par les membres du CAF.

Trois grands absents

Tous les candidats qui au 9 mars enregistraient plus de 2% d'intentions de votes ont été conviés. Trois ont toutefois décliné l'invitation, en faisant valoir selon la Fnsea des raisons d'agenda, malgré un appel personnel de sa présidente, Christiane Lambert : Yannick Jadot (EELV), Anne Hidalgo (PS) et Jean-Luc Mélenchon (LFI). Une quasi-absence de la gauche qui suscite l'"incompréhension" du syndicat agricole, lequel n'acceptait toutefois pas que les candidats soient représentés ni - à l'exception du cas de Macron, lié à la guerre - qu'ils enregistrent de vidéos.

Yannick Jadot et Anne Hidalgo s'étaient pourtant rendus début mars sur le stand de la Fnsea au salon de l'Agriculture, alors que Jean-Luc Mélenchon avait été empêché par un voyage dans les DOM-TOM, note le syndicat agricole. Mardi, Anne Hidalgo avait, selon la Fnsea, un rendez-vous avec les médias. Selon l'AFP, Yannick Jadot était à Margny-sur-Matz (Oise) sur le thème de ruralité, alors que Jean-Luc Mélenchon participait à un meeting sur le thème de "l'union des quartiers populaires" organisé à Saint-Denis, en banlieue parisienne.

Consensus sur la révision des contraintes environnementales

Comme lors du grand oral des candidats précédent, organisé à Brest en 2017 - lorsque Nathalie Arthaud (LO), Benoît Hamon (PS), Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Philippe Poutou (NPA) étaient absents -, c'est donc essentiellement la droite - à l'exception du communiste Fabien Roussel - qui s'est exprimée mercredi devant quelque 1.500 agriculteurs. Avec comme résultat un certain consensus autour des sujets aujourd'hui les plus controversés socialement, tels que notamment la nécessité de produire plus en France et de limiter les contraintes environnementales.

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"L'indépendance alimentaire française n'est pas négociable : il n'y a pas de pays fort sans une agriculture forte", a ainsi plaidé Emmanuel Macron, tandis que Marine Le Pen insistait sur l'absence de toute souveraineté "sans souveraineté alimentaire".

Quasiment tous les candidats ont d'ailleurs promis de remettre en cause la stratégie agricole et alimentaire européenne "De la Fourche à la Fourchette ("Farm to fork", F2F), prévoyant une réduction de l'utilisation de pesticides et d'engrais de synthèse : un "funeste projet ", selon Marine Le Pen, une "pure folie" qui "organise la décroissance agricole", selon Valérie Pécresse. "Il n'y aura pas d'interdictions sans solutions", a promis la candidate des Républicains, proche sur ce point du Président de la République pour qui l'enjeu est d'accompagner la transition écologique par l'investissement, au niveau national comme européen.

Les écologistes n'ont d'ailleurs pas été épargnés dans les discours, Marine Le Pen fustigeant les "Talibans de la verdure" et Fabien Roussel la "bien-pensance un peu déconnectée de la vraie vie". La cellule Demeter de la gendarmerie, chargée de lutter contre la délinquance dans le monde agricole, sera d'ailleurs maintenue, a promis Emmanuel Macron. Son activité de prévention d'"actions de nature idéologique" a pourtant été jugée illégale en janvier par la justice administrative : une décision contre laquelle le gouvernement a fait appel. Seul Eric Zemmour a affirmé n'apprécier "ni l'idéologie du productivisme à tout prix ni l'écologie politique", et vouloir réunir le ministère de l'Agriculture avec celui de la Transition écologique afin de concilier les deux visions.

Tous engagés contre la "distorsion de la concurrence"

Un consensus s'est encore exprimé contre la "distorsion de la concurrence" subie par l'agriculture française dans l'Union européenne et en dehors, en raison de règles fiscales, sociales et environnementales plus exigeantes affectant sa compétitivité.

Emmanuel Macron, qui dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (UE) plaide pour l'adoption dans tous les accords de libre échange de "clauses miroirs", empêchant l'importation de produits non conformes aux règles environnementales européennes, a aussi promis, "si Bruxelles tarde trop", d'interdire en France l'importation de viande utilisant des hormones de croissance. Le Président a aussi rappelé miser sur la "transparence" afin d'orienter les consommateurs vers le choix de produits locaux.

D'autres candidats sont allés plus loin. Fabien Roussel a plaidé pour des "normes sociales et fiscales tirant l'UE vers le haut", et pour davantage de contrôles sur les diverses formes de dumping. Marine Le Pen imagine un ministère contre la fraude, pour lutter contre "25% d'importations alimentaires frauduleuses". Eric Zemmour a promis un "moratoire à la signature d'accords de libre échange", "où l'agriculture est sacrifiée à l'industrie allemande".

Evoqué par plusieurs orateurs, le problème des "sur-transpositions" des normes européennes, par des dispositions plus contraignantes qu'exigé par Bruxelles, est au centre du programme de Valérie Pécresse, qui prévoit la mise en place d'un comité chargé de passer en revue toutes les dispositions potentiellement concernées. La candidate promet ensuite d'agir à plusieurs niveaux, selon le type de normes : par voie réglementaire, en adoptant une loi de simplification ou par des actions de lobbying à Bruxelles.

Un objectif commun d'encourager les nouvelles installations

La question du renouvellement des générations, très sensible alors que 45% des agriculteurs auront atteint l'âge de partir à la retraite à la fin du prochain mandat présidentiel, était aussi au centre de toutes les prises de position. L'objectif est de doubler le nombre de nouvelles installations, pour atteindre le nombre de 20.000 par an, ont rappelé Emmanuel Macron et Fabien Roussel.

Formation et accompagnement sont au menu des tous les candidats. Fabien Roussel prévoit même de doubler le fonds d'installation des jeunes agriculteurs, la "nationalisation d'une banque" afin de garantir "des prêts bonifiés""vous empruntez 100 et vous rendez 80 car vous créez de la valeur", ainsi que la "prise d'une participation publique" dans l'assureur Axa afin de "faire baisser les cotisations" des agriculteurs et couvrir tous leurs risques.

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Valérie Pécresse promet aussi un allègement de la fiscalité des transmissions, alors que Marine Le Pen et Eric Zemmour vont jusqu'à prévoir une exonération des taxes de succession. Ces deux derniers ont également beaucoup insisté sur leur volonté de créer un "environnement favorable" au choix du métier d'agriculteur, par une amélioration des politiques d'aménagement du territoire rural, mais aussi par davantage de répression de la délinquance dans les campagnes, Eric Zemmour imaginant même un allègement des conditions de la légitime défense.

Les revenus des agriculteurs au centre des préoccupations

Conscients du problème des revenus, souvent trop bas pour rendre le métier d'agriculteur attractif, la plupart des candidats ont promis d'appliquer les lois Egalim 1 et 2 voire d'aller au delà, en accroissant le pouvoir d'intervention de l'Etat.

Eric Zemmour voudrait notamment mettre fin au regroupement des grands distributeurs en centrales d'achats, qui faussent à ses yeux la concurrence dans la détermination des prix.

Tous comptent en outre augmenter encore la part de produits locaux dans la commande publique, même "s'il faudra accepter que pendant un temps on va payer plus cher car la transition, ça se finance", a mis en garde Emmanuel Macron, qui grâce à ces nouveaux débouchés parie néanmoins ensuite sur une "stabilisation des coûts".

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Pour compenser l'effet d'une hausse des prix payer aux agriculteurs sur l'alimentation des ménages les plus précaires, le Président de la République compte mettre en place des chèques alimentaires, aux contours encore indéfinis. Marine Le Pen promet une TVA à taux zéro sur un panier de produits de première nécessité et une augmentation des budgets de l'aide alimentaire, alors que Valérie Pécresse veut instaurer des repas à un euros dans les cantines pour les enfants des familles les moins aisées.

Emmanuel Macron mise également sur les développement de formes de revenus complémentaires des agriculteurs : les crédits carbone et les énergies vertes. Il promet notamment d'encourager les biocarburants, d'adopter une grande loi de simplification sur la méthanisation et de bâtir un cadre réglementaire pour l'agrivoltaïsme. Valérie Pécresse promet pour sa part une réforme des retraites les élevant toutes au dessus du Smic, et leur indexation automatique dès qu'inflation dépasse 2%.

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Selon un sondage Ifop commandé par la Fnsea et publié mardi, avant ce "grand oral" le président sortant Emmanuel Macron rassemblait 30% des intentions de vote des agriculteurs. Il était suivi par Valérie Pécresse (13%), Éric Zemmour (12%) et Marine Le Pen (11%). Quant aux candidats de gauche, Jean-Luc Mélenchon obtenait 9% des intentions de vote et Yannick Jadot 7%. Philippe Poutou, Fabien Roussel et Anne Hidalgo n'en rassemblaient qu'1%.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 01/04/2022 à 21:35
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Comme sur tous les sujets Fabien Roussel a été le plus applaudi à la rencontre de la FNSEA. Je voterai donc pour le candidat PCF dans la grande lignée du grand Jacques Duclos.

à écrit le 01/04/2022 à 21:34
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Comme sur tous les sujets Fabien Roussel a été le plus applaudi à la rencontre de la FNSEA. Je voterai donc pour le candidat PCF dans la grande lignée du grand Jacques Duclos.

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