Prix des aliments : une campagne de Leclerc ravive les craintes des producteurs

Le groupe a annoncé que, pour défendre le pouvoir d'achat des Français, il bradera la baguette de pain. L'annonce intervient alors que les fournisseurs tentent de négocier de meilleurs tarifs avec les distributeurs, pour mieux payer les agriculteurs et faire face à l'inflation.
Giulietta Gamberini
Alors qu'en France en 2021 le prix moyen de la baguette a été de 0,90 euros selon l'Insee,  la décision a provoqué un tollé dans l'ensemble de la filière du blé.
Alors qu'en France en 2021 le prix moyen de la baguette a été de 0,90 euros selon l'Insee, la décision a provoqué un tollé dans l'ensemble de la filière du blé. (Crédits : <small>Reuters</small>)

29 centimes d'euros, voire moins, jusqu'à 0,23 euro. C'est le prix d'une baguette de pain de 250 grammes que le grand distributeur Leclerc a promis de pratiquer dans ses magasins pendant au moins quatre mois, afin de défendre le pouvoir d'achat des Français dans un contexte de forte inflation.

"C'est un produit phare, un marqueur de l'inflation [...] Les consommateurs mémorisent les prix. Nous nous sommes engagés à bloquer ce prix à un prix bas, pendant au moins quatre mois, parce que la loi nous oblige à mettre une date", a déclaré Michel-Edouard Leclerc sur RMC le 11 janvier.

Alors qu'en France en 2021 le prix moyen de la baguette a été de 0,90 euros selon l'Insee, la décision a provoqué un tollé dans l'ensemble de la filière du blé. "Leclerc lance une campagne destructrice de valeurs pour tous les maillons de la filière céréalière française", se sont insurgés dans un communiqué commun la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), l'association interprofessionnelle Intercéréales, l'Association nationale de la meunerie française et la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française.

"La filière céréalière s'interroge sur les prix pratiqués par les magasins Leclerc et se demande qui peut en vivre dignement et sur quels produits vendus aux consommateurs les magasins Leclerc compenseront cette vente", poursuit le communiqué.

Une longue histoire de guerre des prix

Le groupe Leclerc est considéré par les acteurs du secteur agroalimentaire comme l'initiateur, depuis les années 60, de la guerre des prix entre grands distributeurs qui a conduit à une dévalorisation progressive des produits alimentaires en France. Ainsi, depuis 2013, les tarifs négociés par les industriels avec la grande distribution ne cessent de baisser, dénonce l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).

Une pression à la réduction des marges et à l'amélioration de la rentabilité qui a été largement répercutée sur le maillon faible de la chaîne, les quelques 400.000 agriculteurs français, confrontés en même temps à une demande sociétale d'amélioration de la qualité de l'alimentation.

Depuis le début du quinquennat, deux lois (Egalim 1 et Egalim 2) ont tenté de corriger le mécanisme. La deuxième, adoptée par le Parlement le 14 octobre dernier, prévoit notamment l'impossibilité pour les distributeurs de remettre en cause la partie des tarifs présentés par les transformateurs qui dépend du coût de la matière première agricole.

Elle doit faire ses preuves en ce début d'année, dans le cadre des négociations commerciales pour les produits de marques nationales qui ont débuté à l'automne, et qui doivent se terminer avant le 1er mars.

Un contexte qui exacerbe les tensions

La première application d'Egalim 2 intervient toutefois dans un contexte inflationniste très propice à une exacerbation des tensions entre distributeurs et industriels. Alors que les prix de nombreuses matières premières et de l'énergie flambent, les coûts de production de l'industrie agroalimentaire croissent aussi. Or, Egalim 2 protège les transformateurs pour la seule partie liée à l'achat des matières premières agricoles.

L'annonce de Leclerc intervient "alors même que les cours des céréales et par conséquent de la farine, connaissent des prix élevés, que les coûts de production (énergies, salaires, etc...) progressent fortement", et que "le gouvernement et l'ensemble des filières travaillent pour rémunérer justement les agriculteurs", rappelle le communiqué de la filière du blé.

Des doutes quant aux résultats des négociations

Le gouvernement, qui a partagé mi-décembre les résultats du Comité de suivi des négociations commerciales 2021-2022, se veut rassurant quant à l'intégration progressive de la nouvelle loi dans les pratiques. Mais les doutes quant aux résultats des négociations persiste.

Les industriels craignent que les distributeurs continuent de leur refuser une revalorisation de leurs tarifs malgré la croissance de leurs coûts, et de devoir ainsi de nouveau réduire leurs marges. Les agriculteurs redoutent que, finalement, Egalim 2 ne soit pas appliquée, et que le prix de la matière première agricole soit finalement encore grignoté.

La campagne du groupe Leclerc ne vient donc pas les rassurer. Sur RMC, Michel-Edouard Leclerc a d'ailleurs ouvertement lié la décision de son groupe de brader la baguette aux revendications des industriels dans le cadre des relations commerciales :

"Les fournisseurs de farine ont beaucoup invoqué la hausse du prix du blé, pour demander des augmentations considérables" des tarifs, a déclaré le représentant du groupe.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 13
à écrit le 14/01/2022 à 10:17
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c' est super beaucoup ont des petits revenu !!! donc tant mieux si cela peut permettre à des gens de manger.. sa fera pas de l' ombre au bon boulanger.......avec toutes les augmentation qu'ils ont mis depuis 6 ans .....loyer % du budget ...seule ave...

à écrit le 14/01/2022 à 9:03
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Ce qui est amusant c’est que j’ai entendu 100 fois que la baguette à 29 centimes allait tuer les petits artisans alors qu’il s’agit d’une baguette « bas de gamme » qui n’est vendue qu’en supermarché, quasi immangeable et que tous les autres pains de ...

à écrit le 14/01/2022 à 6:52
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Ce qui est amusant c’est que j’ai entendu 100 fois que la baguette à 29 centimes allait tuer les petits artisans alors qu’il s’agit d’une baguette « bas de gamme » qui n’est vendue qu’en supermarché, quasi immangeable et que tous les autres pains de ...

à écrit le 13/01/2022 à 18:49
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30cts d'euros, c'est bien trop cher pour une baguette immangeable, dopée à la levure et aux "améliorants", variante du caoutchouc, rassise au bout de 4 heures. Coup marketing pour faire venir les clients chez Leclerc. Les moutons vont converger pour...

à écrit le 13/01/2022 à 17:52
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ah ben merde alors!! tous ceux qui croyaient que ca allait encore raser gratis ' paye par personne', decouvrnet que ca ne va pas etre le cas........au passage, le perdant ne sera pas l'agriculteur vu que les prix des cereales se tiennent plutot bie, ...

à écrit le 13/01/2022 à 17:42
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Franchement, la baguette blanche est déjà de mauvaise qualité nutritionnelle alors à un prix aussi bas sa qualité ne peut-être qu'encore plus dégradée. Vive la baguette tradition d'un artisan boulanger.

à écrit le 13/01/2022 à 17:04
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Ne soyons pas dupes.. chez leclerc le prix de la boulangerie et pâtisserie est aussi élevé que dans certaines vraies boulangerie. Leur pain est meilleur et il est normalement de payer à mo et qualité. Mon pain nordique est à 1.85 pour 350 gr, à pei...

le 14/01/2022 à 10:22
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Le pain dit "nordique" était 10cts plus bas quelques semaines avant Noël mais a augmenté pour ensuite, sans doute, pouvoir dire : voyez on ne touche pas au prix, on maintient votre pouvoir d'achat. :-) Stratégie... Pain 'nordique', en ai jamais vu en...

à écrit le 13/01/2022 à 17:02
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Expliquez moi pourquoi le ble a prix 30% et on continue à subventionner les agriculteurs ? Expliquer moi aussi comment les agriculteurs déclarent un revenu de 600 € et partent en retraite avec un gros patrimoine ? ne mettez pas tout sur le dos d...

le 13/01/2022 à 18:27
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C'est vrai qu'un agriculteur montre rarement son lieu d'habitation dans un reportage ,on le voit plutôt dans son champs ou dans la gadoue à se plaindre de la météo ,comme si l'on pouvait y faire quelque chose .On peut rappeler que l'ancien patron de ...

à écrit le 13/01/2022 à 17:02
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Expliquez moi pourquoi le ble a prix 30% et on continue à subventionner les agriculteurs ? Expliquer moi aussi comment les agriculteurs déclarent un revenu de 600 € et partent en retraite avec un gros patrimoine ? ne mettez pas tout sur le dos d...

le 14/01/2022 à 10:28
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Les agriculteurs céréaliers qui surfent sur les prix mondiaux, parfois en retenant leur production afin de la vendre quand le prix aura augmenté, ou tous les autres ? Si vous globalisez tout (comme la PAC qui va beaucoup aux céréaliers, déjà pas mal ...

à écrit le 13/01/2022 à 16:52
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Je trouve cela écoeurant une baguette à moins de 30cts. Il faut bien que tout le monde vive de son travail (une pensée au monde de l'agriculture ). Ma baguette je l'achète chez mon boulanger.

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