"Une prise de contrôle à venir de Luxottica par Essilor"

Leonardo Del Vecchio sera l'actionnaire de référence du futur géant formé par le lunetier italien et le géant français des verres ophtalmiques. Mais lorsque l'entrepreneur italien prendra sa retraite, le patron d'Essilor Hubert Sagnières pourrait prendre seul la tête du nouveau groupe, selon Peter Farren, analyste financier dans le secteur biens de consommation pour Invest Securities.
Jean-Yves Paillé
Luxottica et Essilor devraient miser sur les synergies créées par le nouveau groupe et innover dans les verres solaires, selon Peter Farren.

La Tribune - Combien va peser le nouveau groupe ?
Peter Farren - Ce sera le numéro un du secteur et de loin. On peut l'estimer à plus de 16 milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec les estimations faites pour l'année 2016. Il faut rappeler qu'Essilor est le premier acteur dans les verres ophtalmiques, et de loin, avec une part de marché de plus de 40%. Luxottica est le numéro un dans les montures avec 10% de parts de marché en volume.

Cette transaction a-t-elle été facilitée par une sous-valorisation d'Essilor ?
La faiblesse des résultats des derniers trimestres a peut-être favorisé la transaction, en effet. Essilor sous-performait depuis le 2e trimestre 2016 à cause d'un ralentissement inattendu de sa croissance organique. La société a annoncé une alerte sur résultats (profit warning) récemment. Selon moi, l'action était sous-cotée car ce n'était pas un phénomène structurel, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter.

Se dirige-t-on vers une prise de contrôle d'Essilor par Luxottica ?
Je vois plutôt une prise de contrôle à venir de Luxottica par Essilor. Si l'offre est acceptée telle quelle, la famille Del Vecchio détiendra 31% du capital, et pourra monter jusqu'à 38%. Ce sera l'actionnaire de référence. Mais, quoi qu'il arrive, les droits de vote seront limités à 31%. Leonardo Del Vecchio sera PDG du futur groupe, mais aura le même pouvoir qu'Hubert Sagnières.

Je peux imaginer qu'il y a un accord tacite entre ces derniers, et qu'au bout d'un certain temps, Leonardo Del Vecchio, 81 ans, prendra sa retraite. Il laisserait ainsi le pouvoir à Hubert Sagnières, qui deviendrait le seul patron du groupe. En outre, le centre névralgique devrait être à Paris, puisque la cotation boursière y restera.

Quelles sont les principales synergies pour le futur groupe ?
Il y aura des synergies importantes aux États-Unis au niveau des coûts de stockage et de logistique, et dans les laboratoires de prescriptions où Essilor est numéro 1 et Luxottica numéro 2. On peut imaginer des regroupements, une consolidation des gros laboratoires de prescriptions. Les synergies évaluées à ce stade par le management vont de 400 à 600 millions d'euros, à moyen terme, dont la moitié provient des coûts.  C'est une prévision prudente, cela représente 2% de la base de coût. L'autre moitié proviendrait de l'augmentation des ventes. Par exemple, les réseaux de distribution Luxottica vendraient beaucoup plus de verres Essilor.

La création de ce géant peut-elle entraîner une hausse des prix pour le consommateur ?
Ce n'est pas impossible avec le rapprochement de deux acteurs forts. En outre, il faut rappeler qu'Essilor était en train de rentrer dans le créneau de Luxottica. L'entreprise française avait racheté une société de distribution par Internet et des marques de lunettes solaires. Cela laissait présager d'une concurrence accrue, pouvant nuire aux marge des deux sociétés. Le fait qu'elles se regroupent enlève ce type de menace.

Ce rapprochement va-t-il booster l'innovation en optique ?
Il est prévu que les deux sociétés travaillent ensemble sur l'innovation. Et notamment dans les verres solaires. Aujourd'hui, il y a peu de différences sur la qualité des verres, c'est un vrai chantier à long terme pour Luxottica-Essilor. Si vous demandez à un opticien quelles sont les différences entre des verres de lunettes de soleil à 50 et 200 euros, il aura du mal à vous répondre.

Et concernant les lunettes connectées ?
Luxottica a lancé des lunettes connectées avec Intel. Aujourd'hui, cela ne représente quasiment rien en termes de chiffre d'affaires. il est difficile de dire si ce produit convaincra le consommateur, quelque temps après l'échec essuyé par les Google Glass.

Jean-Yves Paillé

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