Le son mais pas l'image... Après près de huit mois de silence radio, DS Automobiles s'est livré, mercredi 2 décembre, à un étonnant et maladroit exercice de communication, à l'occasion de la présentation de la DS4. Le label premium du groupe PSA a en effet choisi de ne pas dévoiler le design de sa nouvelle berline de segment C.
À la place, la marque automobile française s'est contentée de diffuser un film durant lequel 5 experts répondent, dans le cadre d'une interview fictive, à des questions choisies par un public imaginaire et décrivent, dans les moindres détails, toutes les caractéristiques de ce nouveau modèle. Au total, 55 minutes d'audio, et une promesse : lever le voile de cette voiture... au premier trimestre 2021 seulement. Autrement dit, DS a réussi la prouesse d'en dire à la fois trop et pas assez.
Recentrer la marque sur les technologies
Béatrice Fouchet, patronne de la marque, assume le côté "frustrant" de la démarche, sorte de pied de nez à une presse avide de photos. Mais cette façon de priver l'audience d'images permet aussi à DS Automobiles de recentrer son story telling autour de l'innovation et de la technologie, en décentrant l'attention du public du seul design de carrosserie.
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Car, la nouvelle DS4 a l'ambition d'embarquer une foule de nouveautés: la commande gestuelle, les feux à Led qui n'éblouissent pas, l'infra-rouge qui permet une vision de nuit, une interface d'info-divertissement rénovée... Oui, mais problème: le caractère révolutionnaire de ces innovations risque de ne pas dépasser le périmètre du groupe PSA, car ces technologies sont déjà disponibles chez ses concurrents premium, BMW, Mercedes ou Audi.
Le DS Extended Head Up Display - malgré son intitulé imprononçable -, pourrait toutefois distinguer la marque française. Cette technologie consiste en une réalité augmentée qui projette sur la route, en fait sur le pare-brise par un jeu d'optique, des informations de conduite.
Une nouvelle étape du récit premium de DS
"L'expérience sensorielle" est donc la nouvelle étape du récit que la marque veut incarner dans ce qu'elle appelle le "raffinement à la française". Jusqu'ici, cette ambition s'était notamment traduite à travers une sellerie haut-de-gamme, n'hésitant pas à s'appuyer sur les plus grands noms de l'histoire du luxe français comme Louis Vuitton pour asseoir cette légitimité. C'était d'ailleurs l'un des axes de communication principaux de la DS9 dévoilée en mars dernier. Mais, alors que la grande berline n'est toujours pas disponible en concession huit mois après sa présentation, la DS4 pourrait déjà la rendre obsolète avec sa panoplie d'innovations.
Mais, outre la technologie, la DS4 pourrait également creuser l'écart qualitatif en bénéficiant en avant-première de la version améliorée de la plateforme EMP2, laquelle est partagée par des marques du groupe et des partenaires. Cette EMP2 V3 va améliorer le ratio caisse/roues, gagner en aérodynamisme tout en développant une silhouette "à la fois athlétique et dynamique", lit-on dans le communiqué de presse. Cette initiative est encore un coin enfoncé dans la hiérarchie de gamme qu'est censée incarnée la DS9, d'autant que la Peugeot 308 qui sera lancée l'an prochain sera également fabriquée sur cette V3.
Heureusement, cette conférence de presse, qui avait tout d'une communication à usage interne, a été suivie d'un échange, en direct cette fois, avec Béatrice Fouchet et des journalistes. Celle qui dirige DS depuis un an maintenant n'en a toutefois pas dit davantage, cultivant le secret cher à la marque.
Une plateforme plus moderne
Curieux de savoir si la marque française allait étendre sa gamme vers les SUV ou revenir vers les citadines en souvenir de la célèbre DS3, nous n'en saurons pas plus sur la suite de la stratégie produit. Marion David, directrice du produit, a seulement concédé qu'il y aurait "une famille" DS4, sous-entendant une version SUV. Béatrice Fouchet a de son côté confirmé que le catalogue complet de DS ne dépassera pas les six modèles. La DS4 étant le quatrième de cette gamme après les DS7 et DS3 Crossback et la DS9, il ne reste donc que deux modèles pour boucler le portefeuille produits et ils seront divulgués en 2022 puis en 2023.
Pour DS, il y a un enjeu à percer dans le cercle très fermé et très exigeant des marques premiums, complètement trusté par le triumvirat allemand BMW-Mercedes-Audi. Seul le suédois Volvo est parvenu à reprendre pied sur ce segment très verrouillé d'une clientèle assez conservatrice.
Il était donc impératif de reprendre le fil d'un récit interrompu par la crise du Covid-19 qui a retardé de plusieurs mois l'agenda de lancement de la DS9, produite en Chine. Au point de bousculer l'agenda de la DS4 dont les enjeux commerciaux sont autrement plus importants. Le segment C reste effectivement le cœur de gamme en Europe en termes de volumes en comparaison au segment beaucoup plus étroit sur lequel est assise la DS9. Certes, la marque a toujours assuré que les volumes n'étaient pas une boussole stratégique. Mais avec 62.000 voitures vendues en 2019, et alors que le groupe PSA va fusionner avec Fiat Chrysler en janvier prochain, accueillant deux autres labels premiums et luxe déjà bien installés (Alfa Romeo et Maserati), cette question se posera immanquablement à chaque passage en revue stratégique.
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