DS a-t-il encore un avenir ? C'est l'incroyable question que tout le monde se pose après quasiment sept mois d'un étrange silence de la marque automobile premium française. Pourtant, DS a de quoi communiquer. Après le renouvellement de sa gamme avec deux SUV, bien accueillis par la presse spécialisée, le label premium a levé le voile, en mars dernier, sur une grande berline, la DS9. Mais depuis plus rien, hormis quelques opérations commerciales comme le lancement d'une édition spéciale Louvre sur les DS7 Crossback et DS3 Crossback...
Il faut dire que la crise sanitaire a totalement chamboulé les plans de cette marque naissante (elle a été créée en 2014), en gâchant notamment la fête de lancement de la DS9. Alors que tout était prêt pour un levé de rideau en fanfare au salon automobile de Genève, la crise du coronavirus a annulé l'événement quelques jours seulement avant son inauguration.
Un pont aérien de la presse européenne
En urgence, DS organise une communication virtuelle... Mais la presse est circonspecte sur les photos de ce qui n'est autre qu'une berline de plus sur le marché. La marque finit par louer un studio en banlieue parisienne pour dévoiler ce modèle aux journalistes et forme un pont aérien pour faire venir toute la presse européenne sur ce qui est censé être un modèle très ambitieux. Sauf que, depuis, DS n'a plus du tout communiqué sur la DS9, ni sur la date de commercialisation, ni même sur les essais réservés à la presse.
En réalité, l'usine de production de la grande berline située en Chine n'a pas été en mesure de respecter l'agenda prévu. Premier acte: la Chine confine tout le pays, les usines sont à l'arrêt. Impossible de mettre en œuvre la mise en production de la DS9. Deuxième acte: alors que la Chine déconfine tout doucement, c'est la France qui se confine, et les équipes d'ingénieurs françaises ne peuvent plus se rendre sur place pour ajuster les réglages de production de la DS9. La marque française perd au moins quatre mois cruciaux sur son planning.
Oui mais ce qui pouvait apparaître comme une dommageable mais inéluctable péripétie inhérente à une inédite crise sanitaire, fait jaser pour d'autres raisons... La fusion entre PSA (Peugeot, Citroën, DS et Opel) et FCA (Fiat, Chrysler, Alfa Romeo, Maserati, Jeep, Dodge, RAM, Lancia) interroge clairement sur la stratégie de marques qui suivra. Certes, Carlos Tavares, appelé à diriger le nouvel ensemble qui sera baptisé Stellantis, a promis qu'aucune marque ne disparaîtrait. Il n'empêche...
Un modèle économique vertueux
Les investisseurs toujours avides de rationalisation continuent de s'interroger sur la nécessité de maintenir DS plutôt que faire le ménage. Pour Carlos Tavares, développer une marque premium permet d'aller chercher de la marge sur des produits construits sur des plateformes déjà amorties. Avec une DS7 Crossback, DS peut aller chercher des prix unitaires moyens qui côtoient les 50.000 à 60.000 euros, là où un 3008 tourne autour de 35.000 voire 40.000 euros. Jusqu'ici, Carlos Tavares a toujours défendu DS en lui offrant 20 ans pour faire ses preuves.
Mais le nouveau groupe possèdera trois marques premium (Alfa Romeo, Maserati et DS) qui ne pesaient pas plus de 200.000 unités en 2019, soit trois fois moins qu'un Volvo seul. Si Alfa Romeo et Maserati souffrent d'un plan produit insuffisant, elles restent néanmoins deux marques à la notoriété mondiale, loin, très loin, de celle de DS qui dépasse encore difficilement les frontières de l'Hexagone. De fait, les ventes de la marque française sont à 50% situées en France.
Renouer avec le story-telling
Le silence de ces derniers mois pourrait avoir accentué cette crise de notoriété. Lancée en 2014 par Carlos Tavares fraîchement parachuté à la tête de PSA, DS a encore besoin de construire sa marque autour de sa vocation premium. En attendant l'arrivée des deux SUV créés entièrement sous un cahier des charges premium au contraire des modèles précédents créés pour la marque Citroën, Yves Bonnefont et Arnaud Ribault, le directeur général et son directeur marketing et des ventes, creusent le sillon d'un récit de la marque afin de la positionner sur des valeurs très premiums: le "raffinement à la française" autour de tout un travail de scellerie à l'intérieur et d'innovation... Ce story telling est nécessaire pour installer la marque dans les esprits, la légitimer sur son positionnement premium et justifier les ventes à des niveaux de finition les plus élevés. Une véritable gageure dans un univers premium totalement dominé par les premiums allemands... D'où la nécessité d'une campagne soutenue et rythmée par les nouveaux lancements. L'épisode de la DS9 a rompu ce rythme.
DS a gagné du terrain en Europe
Pour Béatrice Fouchet, qui a succédé fin 2019 à Yves Bonnefont à la tête de DS, ce tableau dépeint un verre à moitié vide et occulte les fondamentaux de DS. "DS est une marque profitable et qui est en croissance de parts de marché, c'est la marque la plus électrifiée en Europe, après Tesla, ce qui nous permet d'afficher la meilleure performance CO2 du continent avec 79 grammes de CO2 par kilomètre", assène-t-elle dans un entretien accordé à La Tribune. Ainsi, la marque premium française est parvenue à tirer son épingle du jeu avec la crise du Covid pour se positionner à 1,6% du marché européen, soit autant qu'un Lexus et à quelques encablures d'un Jaguar. "DS est une marque très jeune, notre gamme a moins de deux ans si on regarde les nouveaux lancements décidés depuis sa création", rappelle Béatrice Fouchet.
Elle reconnaît toutefois que l'agenda 2020 a été bousculé par la crise du coronavirus. Mais selon elle, ces retards à l'allumage sont derrière eux, et la DS9 sera lancée à la fin de l'année en Chine et au deuxième trimestre 2021 en Europe. En revanche, il est possible que DS ne présente pas de nouveaux modèles en 2021 afin de laisser la grande berline s'installer dans les concessions.
En outre, Béatrice Fouchet récuse l'idée que la fusion avec Fiat perturbe le devenir de DS. Selon elle, les trois marques premiums de la future défendent des territoires radicalement différents, et la fusion ne pourra qu'être bénéfique à DS. En d'autres termes, si DS a marqué une pause dans sa communication, on n'a pas fini d'entendre parler de lui dans les mois à venir.
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