L’usine chinoise de Dongfeng Renault avance vite, malgré les multiples tracas

Un peu plus d'un an après l'obtention de sa licence de production, la coentreprise de Renault en Chine (avec Dongfeng) a déjà terminé la construction de son usine et vise une production à partir de janvier 2016. Le transfert de la plupart des process industriels de Nissan a permis à Renault de brûler les étapes. Mais les contraintes imposées par l'administration chinoise ralentit fortement les ambitions et les projets du constructeur français...
Le Kadjar de Renault sera lancé en janvier 2016 en Chine. Il sera le premier modèle lancé dans ce pays par le groupe français.
Le Kadjar de Renault sera lancé en janvier 2016 en Chine. Il sera le premier modèle lancé dans ce pays par le groupe français. (Crédits : DR)

Renault avait surpris tout le monde en annonçant son projet d'implantation en Chine en 2013. Un an et demi après l'obtention de la licence délivrée par le gouvernement chinois, le constructeur français dispose déjà d'une usine quasi-opérationnelle à Wuhan, dans la province de Hubei (centre du pays).

"J'attends la validation, cette semaine, de la direction de la qualité pour vous annoncer que l'usine est opérationnelle", explique Jacques Daniel, président de Dongfeng Renault Automotive Company en marge du salon de Shanghai. "Les batiments sont bien montés, les process sont installés, et on a produit des pré-séries", poursuit-il.

Reprise quasi intégrale des process de la chaîne de production Nissan

Pour lancer son usine, le groupe français a largement misé sur son partenaire et allié Nissan, très présent en Chine avec un million  de voitures produites par an.

"On a repris les mêmes process que l'ingénierie Nissan parce que nous avons les mêmes plateformes et les mêmes moteurs, ce qui nous a permis de gagner beaucoup de temps", confie Jacques Daniel. C'est toute la chaîne de production amont, c'est-à-dire son tissu de fournisseurs, qui a été quasiment livrée clé en main par Nissan. Même les ouvriers ont été formés dans les usines Nissan. Il faut dire que pour produire son Kadjar, Renault partage de nombreux outils avec Nissan puisque c'est la même plateforme que le nouveau Qashqaï.

"Pour la mise au point des machines 3D, il faut normalement compter une semaine, sauf que là, en reprenant les logiciels Nissan cela nous a pris une demi-journée", explique Jaques Daniel.

Les SUV, une belle opportunité mais pas un eldorado

En clair, sans son allié Nissan, l'implantation de Renault en Chine eut été autrement plus compliquée et coûteuse. Car pour les analystes, Renault a raté le train à grande vitesse de la croissance chinoise. Pis, il débarque au moment où le marché subit un gros coup de frein. La croissance du marché a été divisée par deux en 2014 (+7%). Pour Hadi Zablit, directeur associé chez Boston Consulting Group, Renault pourrait néanmoins profiter de la forte dynamique sur les SUV : "s'installer aujourd'hui sur le marché chinois est plus difficile, mais en visant le marché des SUV "des marges sont possibles (...) mais ce ne sera pas l'eldorado" précise-t-il aussitôt.

Pour l'heure, le groupe va lancer des Captur dès juin prochain, mais ce sera en importation, autant dire qu'ils seront très chers compte tenu des droits de douane imposés aux frontières, et donc vendus en faibles volumes. La véritable offensive viendra donc avec le Kadjar dont l'industrialisation doit commencer en janvier 2016. Il sera suivi d'un SUV du segment D à la fin de l'année 2016.

Renault veut l'autorisation de produire des tricorps

Mais l'objectif de Renault est d'étendre son catalogue à d'autres segments dont des tricorps qui constituent le cœur du marché chinois. Sauf que le constructeur français est limité dans la licence délivrée par l'administration chinoise. La licence "qu'on a est extrêmement encadrée en taille, en hauteur et en type de voiture. Je n'ai le droit de produire que des SUV", souligne Jacques Daniel.

Un an et demi après l'obtention de sa licence, Renault continue à subir les tracasseries de cette licence extrêmement contraignante et qui s'avère parfois très couteuse. L'administration chinoise a, par exemple, imposé au groupe français de détenir sa propre unité de production de moteur, fonderie comprise. "Sinon, j'aurais préféré acheter des moteurs à Nissan plutôt que d'investir dans un bâtiment", regrette le patron de la coentreprise franco-chinoise.

Dommage, le Duster n'entre pas dans le cadre prévu par la licence

La création obligatoire d'une marque locale risque également d'être très onéreuse : développement de nouveaux produits, de lignes de production, installation d'un réseau... Renault ne peut même pas produire des Duster de sa filiale roumaine Dacia, parce que sa configuration n'entre pas dans le cadre prévu par la licence. Et pourtant, ressortir ce SUV très apprécié dans les pays émergents aurait été une aubaine.

Il faudra bien pourtant que le groupe crée cette marque s'il veut obtenir une extension de sa licence vers des modèles tricorps. "Nous devons avoir créé ou avoir exprimé un projet de marque locale. C'est là qu'on va négocier la meilleure des réponses", veut toutefois croire Jacques Daniel.

Une visibilité très réduite...

Pour l'instant, le plan affiché par Renault n'a aucune visibilité au-delà de 2016 car les négociations se poursuivent toujours avec le gouvernement chinois. Autant dire que la visibilité est très courte et le temps joue contre lui... "Chaque jour qui passe les concurrents renforcent leurs positions", craint Jacques Daniel.

Il est vrai que les concurrents de Renault mettent le paquet, et notamment sur des motorisations vertes devenues "indispensables" en Chine d'après le propre mot de Jacques Daniel. A l'heure où les grandes métropoles sont asphyxiées par la pollution, elles limitent les ventes de voitures, sauf pour les voitures électriques et les hybrides. Sortir du carcan de sa licence est donc bien une urgence pour Renault...

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