LA TRIBUNE - C'est un sujet de débats récurrents: « y a t il un modèle économique viable autour des datas et services connectés de l'automobile? » En 2020, est il enfin possible de répondre à cette question ?
GUILLAUME CRUNELLE - En cinq ans, les choses ont effectivement beaucoup changé. Les hypothèses de monétisation à travers une marketplace de type Appstore dédié à l'univers automobile n'ont pas abouti. On s'est aperçu que d'un côté les prestations proposées aux clients n'étaient pas aussi clairs que prévu initialement notamment en matière de création de valeur réelle. Et de l'autre côté, les quelques services qui ont pu établir un intérêt reconnu comme tels sont essentiellement monétisés dans une démarche B to B. Les particuliers, eux, se montrent réticents à payer des services additionnels qui ne seraient pas compris dans le prix d'achat du véhicule.
C'est à dire que le principe d'abonnement à des services et donc un modèle de revenu récurrent n'a pas trouvé sa place auprès des consommateurs d'automobile?
Nous avons établi à travers notre dernière étude que moins 10% des automobilistes français intéressé par des services de connectivités additionnels étaient prêts à opter pour un principe de souscription. La grande majorité lui préfèrent un achat en une fois voire un paiement selon l'usage. Mais rien n'est joué. Il y a dix ans, internet était un univers où le principe de gratuité prévalait. Aujourd'hui, nous avons de nombreux exemples où la monétisation a trouvé un modèle: Netflix, Spotify...
Google et Apple ont investi des fortunes dans la voiture autonome parce que justement, cette technologie portait le rêve d'introduire une multitude de contenus dans l'habitacle de la voiture. Avec le renoncement généralisé de la voiture 100% autonome, n'est ce pas tout une économie qui s'effondre avec ?
Ce n'est pas tout à fait vrai. Beaucoup d'études ont montré que les attentes des clients en matière de services connectés étaient tournées autour de la sécurité, de l'économie, du confort et de la navigation. L'infotainement n'a jamais été perçu comme une attente première des consommateurs dans leur voiture, aussi autonome soit elle dans leur projection.
Ce sont des thématiques où les GAFA ne sont pas légitimes...
Je ne pense pas qu'il faille poser le problème de cette façon. Leur intérêt est d'assurer un continuum digital entre le domicile et la destination des individus en déplacement sans interruption de leur connexion à leur propre univers. Ainsi, ces derniers continuent à collecter de la data, l'essence même de leur modèle économique.
Quel type de datas les intéressent ?
On a identifié quatre types de données collectables dans une voiture: celles liées à la géolocalisation des déplacements, celles liées à la mécanique et la dynamique du véhicule, celles issues de la consommation de services connectées, internet ou messageries, et enfin, la plus anxiogène, les informations biométriques. En réalité il est est rare qu'un seul type d'information ait un intérêt collecté seule. C'est la capacité à agréger et à croiser ces données à d'autres qui va créer de la valeur et de potenteils nouveaux services. A cet égard, selon que vous soyez constructeur automobile ou GAFA, vous disposerez des données pertinentes pour créer de la valeur. On peut imaginer que selon les territoires de données, certains acteurs se révèleront plus pertinents que d'autres. Sur la sécurité dans le véhicule c'est un territoire de légitimité historique forte pour les constructeurs. Sur les autres types de données l'offre pourra venir d'autres acteurs notamment en provenance de la tech.
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