Nissan recentre ses activités et rompt définitivement avec Carlos Ghosn

Le constructeur automobile japonais a présenté un plan de transformation qui doit lui permettre de retrouver le chemin d'une croissance durable et rentable. Il renonce définitivement à la culture de volumes, caractéristique des années Ghosn. Il prévoit d'ailleurs de couper à la hache dans ses capacités industrielles...
Nabil Bourassi
Nous devons accepter de reconnaitre nos erreurs, a déclaré Makoto Uchida, actant la rupture avec les années Ghosn.
"Nous devons accepter de reconnaitre nos erreurs", a déclaré Makoto Uchida, actant la rupture avec les années Ghosn. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)

Se recentrer sur l'essentiel ! C'est en substance l'esprit du plan stratégique annoncé par Nissan jeudi matin, au lendemain de l'annonce de la stratégie de refonte de l'Alliance avec Renault par Jean-Dominique Senard. Les annonces faites par Makoto Uchida, PDG, ont tout d'un plan de redressement pour le constructeur japonais qui, en sus de la crise du coronavirus, a essuyé une très mauvaise année 2019, comme en témoignent les résultats financiers qu'il a annoncés à cette même occasion. Pour rappel, l'exercice fiscal de Nissan s'achève au 31 mars et a donc intégré l'impact du confinement en Chine en janvier et février.

Lire aussi : Renault : avec Nissan en maillon faible, les ventes de l'Alliance reculent

La culture des volumes, une erreur

Le chiffre d'affaires est ainsi ressorti en baisse de 15%, tandis que la profitabilité a plongé dans le rouge vif avec une perte de plus de 5 milliards d'euros. Nissan explique que cette mauvaise performance est à mettre sur le compte du coronavirus. En réalité, Nissan avait commencé à enregistrer des performances déclinantes courant 2019. Le PDG de l'époque, Hiroto Saikawa, avait alors accusé les errements stratégiques de Carlos Ghosn obsédé par la course aux volumes, ce qui a largement détérioré la rentabilité des ventes. Le dernier plan stratégique de Carlos Ghosn visait à augmenter les volumes de l'Alliance de 40% entre 2017 et 2022.

"Nous devons accepter de reconnaitre nos erreurs", a indiqué jeudi matin Makoto Uchida, confirmant ainsi la ligne adoptée par son prédécesseur déchu en septembre dernier, et actant la rupture avec les années Ghosn.

Le plan de transformation de Nissan va engager une très forte révision des ambitions du constructeur pour consolider ses performances dans les domaines où il est fort. Dans la droite ligne de ce qui a été annoncé hier par Jean-Dominique Senard et son nouveau projet de "leader-follower" pour relancer l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, Nissan va ainsi se concentrer sur trois marchés (Japon, Chine et Amérique du Nord), sur les segments C et D, et la voiture autonome et l'électromobilité. Sur les autres marchés, segments et technologies, Nissan piochera dans le portefeuille développé par son allié Renault (et actionnaire à hauteur de 44%).

Des volumes et des modèles coupés à la hache

D'ici 2023, Nissan prévoit ainsi de supprimer pas moins de 20% des modèles de son catalogue et de baisser de 20% sa capacité de production pour la porter à 5,7 millions d'unités par an (qui peut monter jusqu'à 6 millions en intensifiant l'utilisation via des mesures de 3X8 heures ou les week-ends). En Europe, c'est l'usine de Barcelone qui va faire les frais de ce plan de rationalisation. Le site qui fabriquait les picks-ups Navarra, mais également les Renault Alaskan et Mercedes Classe X était déjà sous-utilisé avec seulement 55.000 voitures produites en 2019 (soit 25% de ses capacités). Mercedes avait déjà annoncé l'arrêt de son pick-up, tandis que l'Alaskan de Renault n'a pas eu le succès escompté, dès lors, l'avenir du site et ses 3.000 salariés était devenu incertain. L'utilitaire électrique e-NV-200 également produit dans cette usine, sera réaffecté sur un autre site, probablement chez Renault si on en croit la règle du leader-follower puisque le Français détient le leadership des utilitaires en Europe.

Cette rationalisation massive de l'outil de production répond à une prise de conscience actée il y a environ deux ans alors que Nissan multipliait les remises pour faire du volume. Partout, la marque a perdu de la valeur car intoxiquée aux "incentives" et incapable de défendre ses prix (pricing power): ventes tactiques, ventes remisées... Déjà en 2018, la marge opérationnelle de Nissan avait baissé à 2,4%, soit moitié moins que celle de Renault.

Depuis deux ans maintenant, Nissan a décidé d'en finir avec cette stratégie, assumant de fortes baisses de ventes y compris en Europe et ce dès 2018. En revanche, Nissan ne revient pas sur le rythme des lancements commerciaux puisque ce n'est pas moins de 12 nouveaux modèles qui sont attendus dans les 18 prochains mois. Il faut dire que le plan stratégique de Nissan se projette donc sur un horizon très court, 2023, c'est-à-dire moins de temps qu'il n'en faut pour engager une nouvelle stratégie de gamme. Mais ces lancements auront des objectifs raisonnés puisque Nissan ne se donne aucun objectif de progression de ses parts de marché que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Chine d'ici 2023. Il n'y a qu'au Japon que Nissan vise une augmentation de sa part de marché sur cet horizon. Se recentrer sur l'essentiel...

Nabil Bourassi

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Commentaires 3
à écrit le 29/05/2020 à 19:30
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Renault doit sortir de cette alliance toxique avec Nissan, sinon elle ne repartira pas de l'avant. Plus petit mais beaucoup plus de design, de personnalité, de créativité, c'était Renault autant de sa gloire, l'alliance l'a dépersonnalisé pour faire ...

à écrit le 29/05/2020 à 14:27
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On peut reconnaître une gde qualité des managers nippons: cette capacité à reconnaître à tps leurs erreurs, en particulier sur les errements stratégiques qui engagent la viabilité sur le long terme d'un groupe. Pas sûr que CG ait su faire à tps un t...

à écrit le 29/05/2020 à 9:01
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"Hiroto Saikawa, avait alors accusé les errements stratégiques de Carlos Ghosn obsédé par la course aux volumes, ce qui a largement détérioré la rentabilité des ventes" Oui c'est idiot mais notre économie s'étant totalement financiarisé c'est le ...

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