Pourquoi Uber mise autant sur la voiture autonome

L'application de mise en relation entre chauffeurs VTC et particuliers a annoncé deux importants investissements dans la voiture autonome. Pour Travis Kalanick, fondateur d'Uber, cette nouvelle technologie devrait complètement bouleverser le visage des agglomérations avec l'avènement de nouvelles formes de mobilité. Pour Uber, il s'agit d'un changement absolu d'échelle de son modèle économique.
Nabil Bourassi
Après la disruption des taxis, Uber pourrait accomplir la disruption des mobilités individuelles notamment celle de la propriété même d'une voiture.

Peut-on encore arrêter Uber ? La start-up américaine, née d'une simple application, voit plus loin et envisage désormais de transformer radicalement son modèle économique à travers l'émergence de la voiture autonome.

Jusqu'ici Uber était réputé pour avoir révolutionné le monde du transport urbain en mettant en relation des chauffeurs de VTC et les clients. Revers de la médaille, la société est si détestée par les taxis qu'elle est parfois interdite dans certaines métropoles, quand ce ne sont pas des pays tout entiers. Mais son succès est incontestable. Uber vaut entre 40 milliards et 70 milliards de dollars de valorisation boursière, tant son modèle s'est imposé dans le monde entier (sauf en Chine où il vient de battre en retraite).

Grâce aux robots-taxis, réduire le parc automobile de... 50% !

Mais Uber prépare déjà le coup d'après qui s'appelle la voiture autonome. Pour Travis Kalanick, fondateur d'Uber, ce concept, qui peut encore paraître comme étant de la science-fiction en 2016, devrait totalement bouleverser le visage des villes de demain. D'après une récente étude du Boston Consulting Group, la généralisation de la voiture autonome pourrait réduire le parc automobile en circulation dans les villes d'environ 50%, libérant jusqu'à 40% de l'espace de stationnement. Cette situation serait possible grâce à l'avènement d'un règne nouveau sur le bitume des agglomérations des villes, celui des robot-taxis.

| Lire aussi: La voiture autonome: une révolution automobile et urbanistique majeure

Ceux-ci répondraient exactement à la philosophie de Travis Kalanick qui veut intensifier l'utilisation de la voiture qui reste encore 90% du temps stationné dans un parking. Or, avec les robot-taxis, la voiture sera utilisée à plein-temps ce qui permet de changer l'équation économique en terme d'amortissement de l'investissement. Avec cette nouvelle équation économique, Travis Kalanick pourrait accomplir la deuxième loi de son projet : être moins cher que la possession d'une voiture.

A l'aube d'un changement absolu d'échelle

"Nous avons calculé qu'une voiture autonome et partagée permettrait de diviser par trois le coût au kilomètre aux utilisateurs", confirme ainsi Guillaume Crunelle associé responsable de l'industrie automobile chez Deloitte.

Ainsi, les ménages renonceraient à l'achat d'une voiture pour confier leur mobilité à... Uber !

La voiture autonome est donc une opportunité en or pour Uber d'accomplir un changement absolu d'échelle. "Uber veut clairement se positionner au centre de l'évolution de la mobilité", explique Guillaume Crunelle. Autrement dit, Uber pourrait devenir incontournable pour tous les déplacements individuels, et irait jusqu'à se substituer aux constructeurs automobiles qui ne vendraient plus de voitures particulières.

Un partenariat avec Volvo pour la sécurité

Mais, tandis que l'ensemble des constructeurs automobiles de la planète planchent sur des projets de voiture autonome, pourquoi Uber veut-il investir dans ses propres solutions ? Le 19 août, Uber a annoncé deux importants accords dans la voiture autonome. Il s'est accordé avec le groupe suédois Volvo pour mettre en commun leurs investissements en matière de voiture autonome. Ils débourseront à eux deux 300 millions de dollars et mèneront leur test sur une voiture commune. Uber compte aller extrêmement vite puisqu'il compte déployer dès l'automne des voitures autonomes à Pittsburgh, à titre expérimental. Pour Uber, l'autonomie doit rimer avec sécurité, d'où le choix de Volvo, une marque reconnue, y compris aux Etats-Unis, pour son très haut niveau de sécurité. Pour Travis Kalanick, ce partenariat était nécessaire : "Nous ne pouvons pas le faire seul", a-t-il reconnu.

En misant sur le camion autonome, Uber prend pied dans le fret

Plus fort encore, Uber a déboursé près de 700 millions de dollars pour mettre la main sur Otto, une start-up californienne spécialisée dans les logiciels pour véhicules autonomes. Otto s'était illustré en mai dernier en annonçant qu'ils avaient avancé sur un projet de logiciel d'autonomie dédié aux camions.

"Le rachat d'Otto par Uber est très intéressant. Jusqu'à présent on a peu parlé du transport de fret qui pourtant présente des avantages évidents en matière d'autonomisation", note Guillaume Crunelle expert au cabinet de conseil Deloitte.

Uber ne veut donc pas être simple spectateur du phénomène de l'autonomie, il veut en être l'un des acteurs privilégiés. Faut-il y voir une réponse à la prise de participation de General Motors dans Lyft, le concurrent américain d'Uber, pour 500 millions de dollars en début d'année ? "Dans un domaine en construction comme l'autonomisation des véhicules, Uber est contraint d'être à l'initiative s'il veut préserver sa suprématie", estime Guillaume Crunelle. Car d'autres acteurs peuvent être intéressés par la voiture autonome comme les loueurs de voitures, mais également les gestionnaires de flottes.

L'enjeu pour Uber n'est pas de changer de métier, mais d'avoir son mot à dire pour la répartition de la valeur. Car Uber n'est pas seul en course, et l'autonomie n'est pas la seule thématique à susciter un intérêt grandissant. Il faut compter avec les constructeurs historiques, mais également avec les Google, Apple ou encore d'autres start-up qui travaillent sur la connectivité...

"L'automobile, la connectivité et l'automobile sont les trois sujets qui interrogent tous ces acteurs, mais la question sera surtout de savoir comment ils collaboreront entre leurs différents métiers, et surtout, comment ils se partageront le gâteau", déclare Guillaume Crunelle.

L'"ubérisation" de la société va s'accélérer

Le monde se prépare à une nouvelle ère dans l'univers de la mobilité, et les constructeurs tremblent à cette idée.

"Ce qui est intéressant, c'est de voir lesquels des constructeurs automobiles seront les suivants à s'associer avec Uber comme Fiat-Chrysler l'a fait avec Google. Ce qui est certain, c'est qu'il est impossible pour eux de se dire éternellement « je ne peux pas en être »", estime Guillaume Crunelle.

Uber, lui, a tranché, il veut en être et, si possible, être au cœur de cette nouvelle donne ! Mais après s'être aliéné les taxis, ce sont ses propres chauffeurs qu'Uber projette de se débarrasser au profit de ses robots-taxis... L'ubérisation de la société pourrait ouvrir une nouvelle page de son histoire.

Nabil Bourassi

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Commentaires 4
à écrit le 25/08/2016 à 17:46
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"Pourquoi Uber mise autant sur la voiture autonome". Parce que son modèle avec chauffeur n'est pas viable et risque de conduire cette entreprise qui a un chiffre d'affaire quasi nul et des pertes abyssales à la faillite. Si un de ses principaux souti...

à écrit le 25/08/2016 à 10:36
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La voiture autonome : Elle roule où? sur quoi? dans quel environnement? elle se gare où? se recharge comment en carburant? (D'ailleurs, elle fonctionne avec quoi comme carburant?)... Vu la facilité avec laquelle les pirates interviennent sur Internet...

à écrit le 25/08/2016 à 9:38
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Uber vaut ZÉRO € Pour le moment .. La colère des chauffeur VTC sur Uber.... Comme il n arrive pas avec son modèle économique .il est obligé de le changer pour un autre modèle .la voiture autonome ces dans 30 ans ou tous les routes seront adapté a...

à écrit le 25/08/2016 à 9:06
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J'espère que les constructeurs français ne vont pas rater le coche.. Avec leur capitalisation hallucinante (60Mrds€ pour uber, 30Mrds€ pour Tesla, 500 pour Google et Apple) et les capacités d'investissement en R&D, ces groupes risquent de s'accaparer...

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