Rachat de Hella par Faurecia : 4 questions pour comprendre ce maxi deal

Alors que la fusion entre l'équipementier automobile français et son homologue allemand pourrait atteindre 6,7 milliards d'euros, plusieurs questions se posent sur cette opération qui pourrait voir naître le 7e sous-traitant mondial du secteur : synergie opérationnelle et capacité d'innovation, transition environnementale, gouvernance, réactions des marchés. Décryptage.
L'équipementier français Faurecia compte sur la fusion avec Hella pour accélérer sa transition environnementale, alors qu'il envisage d'attendre la neutralité carbone de ses opération d'ici 2030.
L'équipementier français Faurecia compte sur la fusion avec Hella pour accélérer sa transition environnementale, alors qu'il envisage d'attendre la neutralité carbone de ses opération d'ici 2030. (Crédits : Philippe Wojazer)
  • Pourquoi cette annonce est-elle importante pour l'industrie automobile ?

Le rachat de Hella par Faurecia, dans un premier temps à hauteur de 60% du capital de l'entreprise allemande pour 3,4 milliards d'euros, va donner naissance à un géant de la sous-traitance automobile. Le chiffre d'affaires consolidé des deux entreprises s'établira à 23 milliards d'euros en 2021, soit "le 7e fournisseur automobile mondial", indique Faurecia. Le groupe français entend augmenter significativement ses revenus d'ici à 2025, pour atteindre 33 milliards d'euros à cette échéance. "La combinaison de nos deux sociétés est une opportunité unique de créer un leader mondial des technologies automobiles", a expliqué Patrick Koller, PDG de Faurecia, cité dans le communiqué. Au total, la nouvelle entité aura une force de frappe de 36.000 ingénieurs.

  • Pourquoi Faurecia met-il la main sur Hella ?

Au début de l'année 2021, Faurecia a tourné une page importante de son histoire. L'équipementier s'est séparé de son actionnaire historique, le groupe PSA, qui détenait 44% du capital. Le constructeur automobile français, dilué dans sa fusion avec Fiat-Chrisler et la naissance du groupe Stellantis, ne voyait plus ce partenariat comme stratégique.

Après plusieurs mois d'atermoiements au sein de la nouvelle alliance au sujet de l'avenir de l'équipementier, la séparation a ouvert de nouvelles perspectives pour Faurecia. En effet, ne plus être lié à un constructeur automobile a levé les craintes de conflits d'intérêts, ouverts de nouvelles opportunités commerciales et surtout permis d'envisager des opérations de rachats probablement impossibles avec un si pesant actionnaire.

Désormais libre, le groupe est également porté par des résultats financiers solides. Pour l'année 2020, en pleine crise sanitaire, Faurecia a revendiqué un record de prises de commande, à 26 milliards d'euros. Et au premier semestre 2021, l'entreprise a enregistré une marge opérationnelle robuste de 6,6%. C'est seulement 0,6 point de moins par rapport aux premiers semestres 2019 et 2018. Le free-cash flow (flux de trésorerie) est même supérieur à 290 millions d'euros contre 257 millions sur les six premiers mois 2019.

Fort de cette résilience, contre la crise sanitaire et ensuite face à la pénurie de semi-conducteurs qui affecte toute la filière, désormais libre dans sa stratégie, Faurecia a donc jeté son dévolu sur l'entreprise allemande Hello, dont la valorisation totale, à 6,7 milliards d'euros, est supérieure à la capitalisation boursière du français (5,9 milliards d'euros).

Faurecia a notamment profité du développement maximal atteint par son rival Hella. Les actionnaires familiaux allemands, qui avaient décidé de vendre leurs participations, ont expliqué dans un communiqué que Hella avait atteint une taille qui nécessitait des compétences externes, au-delà de la famille fondatrice.

Les synergies envisagées sont nombreuses entre les deux entreprises, hier concurrentes. La fusion, prévue pour début 2022, devrait permettre au groupe d'avoir "une meilleure efficacité opérationnelle, d'améliorer sa base de clients" mais aussi "d'atteindre une taille critique" pour les produits centraux, comme les sièges et les phares, tout comme pour les produits en croissance, comme l'électronique ou les logiciels, jugent aussi les analystes d'AlphaValue.

L'allemand, puissant dans l'électronique et les logiciels, apportera ainsi au Français cette valeur ajoutée. Faurecia est également très intéressé par l'expertise de Hella dans l'éclairage, à un moment où le développement rapide des LEDs constitue pour les constructeurs un levier puissant pour réduire la consommation et inventer de nouveaux codes en matière de design.

Le rapprochement proposera également des avantages comptables. Ceux liés aux coûts sont estimés à 200 millions d'euros et ceux liés aux revenus sont espérés entre 200 et 300 millions d'euros. Ces optimisations se feront ressentir dès 2022, avec une accélération significative à compter de 2023.

Mais l'opération stratégique entre ces deux marques pourrait se faire davantage sentir au niveau des enjeux liés à la transition énergétique.

  • L'opération va-t-il accélérer la transformation verte de l'équipementier ?

L'ensemble de l'industrie automobile est engagé dans une course contre la montre pour développer son offre de voitures électriques et hybrides, tournant le dos aux technologies essence et diesel traditionnelles plus polluantes et émettrices de CO2. Les plus grands constructeurs mondiaux - Ford, GM, Volkswagen, Stellantis, etc. - ont annoncé des plans stratégiques ambitieux afin d'accélérer leur transition vers l'électrification. Et ce, dans un contexte législatif de plus en plus pressant. L'Union européenne, par exemple, a annoncé l'interdiction de la commercialisation des moteurs thermiques d'ici 2035. 

Dans ce contexte, les équipementiers doivent également tenir la cadence. Faurecia a annoncé il y a plusieurs mois un plan décennal vers la neutralité CO2 d'ici 2030 pour les émissions qu'il peut maîtriser et d'ici 2050 pour l'ensemble du cycle de production (Scope 1,2 et 3) . "Ce plan inclut deux étapes principales : la neutralité CO2 de nos opérations d'ici 2025 et la neutralité de nos émissions contrôlées d'ici 2030 ; construites autour en deux volets : les opérations et le design", peut-on lire sur le site internet de l'équipementier.

Grace à la fusion avec Hella, Faurecia pense réduire le poids des moteurs thermiques dans son chiffre d'affaires à 10% en 2025, contre 25% aujourd'hui. Cette opération va également renforcer les compétences de l'équipementier dans les technologies de l'électrification, de la voiture autonome et du cockpit du futur.

Le groupe français est déjà engagé dans une recherche et développement intensive afin de s'inscrire dans la transition environnementale imposée à l'industrie automobile. Le groupe est de mieux en mieux placé sur le segment de la voiture électrique. 20% de ses prises de commandes en 2020 concernaient les véhicules électriques, tandis qu'il enregistrait 280 millions d'euros de prises de commande dans l'hydrogène.

Au regard des impératifs environnementaux de cette industrie, de ses investissements et de la dynamique, le groupe a précisé qu'il ne comptait pas se séparer de son activité "mobilité propre", suite au rachat d'Hella.

  • Le titre Faurecia peut-il enfin séduire durablement les marchés financiers ?

Les investisseurs ont salué avec vigueur l'annonce de cette opération. A la Bourse de Paris, où est cotée Faurencia, le titre s'envolait de 11,63% à 42,90 euros, dans un marché en nette baisse. Avec cette opération, Faurecia a "créé la surprise", soulignent les analystes d'Oddo BHF, car la concurrence pour acheter l'équipementier allemand était féroce, avec notamment le français Plastic Omnium et l'allemand Mahle sur les rangs.

C'est une bonne nouvelle pour Faurecia, tant le titre a été chahuté en Bourse ces derniers mois. La hausse du cours lundi "efface aussi la baisse causée par la peur des investisseurs d'une augmentation de capital", qui avait fait descendre encore l'action fin juillet, rappelle également AlphaValue. En effet, le titre avait même perdu plus de 20% de sa valeur entre début juin (47,21 euros le 2 juin) et début août (36 euros le 9 août).

Reste à savoir comment cette opération sera accueillie sur le long terme par les investisseurs, dont certains s'inquiètent déjà du mode de financement de la fusion. "Le financement de la transaction par de la dette peut créer un risque sur le levier d'endettement (leverage), soit la capacité d'une entreprise à rembourser sa dette via son activité", nuancent les analystes de la Royal Bank of Canada. Ils se montrent moins optimistes que l'entreprise sur sa capacité à ramener ce ratio à 1 d'ici 2025. D'autant plus que Faurecia devra dépenser bien plus que les 3,4 milliards d'euros envisager s'il veut prendre le contrôle intégral de l'entreprise allemande. L'opération pourrait atteindre 6,7 milliards d'euros si Faurecia retire son homologue de la cote après avoir acquis les 60% détenus par la famille Hueck. C'est "le prix d'une transformation accélérée", selon le cabinet d'analyse financière Oddo BHF.

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