Renault-Nissan rééquilibrent leur alliance pour affronter les nouveaux défis du secteur automobile

Renault et Nissan ont détaillé ce lundi à Londres une profonde refonte de leur alliance, avec un rééquilibrage de leur relation capitalistique mais aussi une relance de leurs projets industriels communs.
(Crédits : KIM KYUNG-HOON)

Une nouvelle ère, une grande sérénité, une date importante... les expressions élogieuses n'ont pas manqué dans cette rencontre entre les dirigeants du groupe Nissan, Renault et Mitsubishi à l'occasion de la refonte de cette alliance, vieille de plus de vingt ans. Si les partages équitables du capital ont largement été commentés et actés des deux côtés, la partie opérationnelle et les projets communs étaient jusqu'alors restés flous. Ce 6 février 2023 à 7h30 heure londonienne, l'alliance a précisé les prochains grands projets communs qui visent à relancer les deux groupes, fortement impactés par la crise du Covid ces deux dernières années et affaiblis par les mauvaises relations qu'ils entretenaient.

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Tourner la page Carlos Ghosn

Et pour repartir sur de bonnes bases et limiter les ressentiments, les deux groupes veulent donner le sentiment d'une unité soudée à la tête de l'alliance. C'est pourquoi Renault a confirmé la volonté de renforcer l'AOB (ou conseil opérationnel de l'alliance) fondé en 2019, en l'inscrivant dans un traité international afin de le rendre officiel. Pour l'heure, ce conseil où siègent notamment les trois dirigeants de Renault, Nissan et Mitsubishi, n'avait aucune substance juridique. Le groupe Renault pourra nommer deux représentants au conseil d'administration de Nissan et vice-versa.

L'AOB remplace ainsi définitivement le RNBV ou Renault-Nissan BV, la structure chargée de la coopération entre les deux groupes et mise en cause dans le versement de dividendes cachés à l'ancien patron de Renault-Nissan, Carlos Ghosn. L'arrêt définitif de cette structure montre la volonté de l'alliance de faire table rase de l'ère Ghosn et signe une nouvelle forme d'apaisement dans les tensions avec le Japon que l'ancien dirigeant à fui il y a quelques années lors de sa remise en liberté conditionnelle.

Un partage du monde remis en cause

Un autre changement dans les années à venir sera le positionnement géographique des deux constructeurs. Jusqu'à présent, Renault se déployait en Europe, au Maghreb et en Amérique latine tandis que son partenaire japonais se concentrait sur la Chine, le Japon et les Etats-Unis. Cette carte a été remise en cause côté Renault, jugeant impensable de ne pas être présent sur les marchés américains et chinois, des secteurs clés.

Le groupe français a confirmé son désir de se déployer en Inde avec l'aide de Nissan, déjà fortement implanté dans ce pays. Les deux constructeurs collaboreront sur des SUV ainsi qu'une nouvelle voiture Nissan dérivée de la Renault Triber, un crossover sorti en 2019 en Inde.

Du côté de l'Amérique latine, Renault accepte que Nissan continue d'exploiter son usine à Cordoba en Argentine après 2025 - date à laquelle devait prendre fin ce partage d'usine - pour développer un pick-up commun. Le groupe français souhaite en échange avoir l'accès à l'usine de Nissan au Mexique, un marché laissé de côté depuis 20 ans, afin de développer un nouveau produit. Deux véhicules électriques sur le segment A soit celui des petites citadines sont également attendues sur ce continent.

Enfin en Europe, marché clé pour les deux constructeurs, Renault et Mitsubishi souhaitent développer les véhicules appelés ASX et Colt, deux voitures issues des design respectivement du Renault Captur et de la célèbre Renault Clio. La marque au losange a par ailleurs confirmé sa force de frappe sur l'électrique, avec un grand nombre de pièces de ces véhicules produites dans l'usine ElectriCity à Douai à partir de 2026.

Objectif : plusieurs centaines de milliers voire milliards d'euros de profits après 2025

Côté Renault, les objectifs sont clairs : être plus efficace pour augmenter les profits. Le constructeur français table sur plusieurs centaines de milliers voire des milliards d'euros pour chacune des entreprises de l'alliance, de manière équitable. Une partie des profits se fera dans les deux à trois prochaines années mais l'essentiel est prévu après 2025, selon Renault. Pour cela, le constructeur français souhaite avancer sur 5 à 10 projets bien définis avec Nissan. Les deux groupes ont par ailleurs annoncé l'envie de créer une plateforme appelée FlexEVan, pour leurs véhicules utilitaires 100% électriques, dans laquelle Nissan prendrait des parts. Les groupes ont évoqué quelques synergies, notamment le partage éventuel d'une architecture électrique commune, sans rentrer dans les détails.

Les deux groupes travaillent activement à réduire les coûts, en renforçant leur mutualisation sur toute la durée de vie du véhicule, en particulier le recyclage où ils mettront en commun leur réseau. Ils souhaitent également collaborer sur leurs réseaux de distribution en augmentant les points de vente et en déployant des infrastructures électriques communes.

Nissan investira dans Ampere, la filiale électrique de Renault, jusqu'à 15 %, sans définir de conditions précises ni de calendrier. La grosse surprise vient du côté de Mitsubishi, autre partenaire de l'alliance, qui souhaite investir également dans l'entité électrique de Renault. Nissan et Mitsubishi prévoient, de leur côté, de devenir clients de la filière thermique de Renault baptisée Horse. Côté rentabilité du groupe français, Renault a rappelé ses ambitions de dégager 8% de marge opérationnelle, soit l'indicateur permettant d'estimer la rentabilité des ventes et la viabilité à terme d'une entreprise, à horizon 2025 et 10% à horizon 2030.

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Tensions sur la propriété intellectuelle

Un autre sujet sensible côté japonais est précisé dans l'accord : la question de la propriété intellectuelle et des brevets. Renault, qui souhaite s'associer au constructeur chinois Geely pour sa filiale thermique et hybride Horse, voulait utiliser certains brevets et la propriété intellectuelle de Nissan pour le développement de produits comme les batteries ou les moteurs autopropulseurs. Une décision qui a fortement inquiété les japonais, sceptiques à l'idée de partager ces informations avec un constructeur chinois.

Lors de cet accord, Renault s'est montré très rassurant et a assuré la mise à plat de ces certitudes ainsi que la clarification de "zones grises" sur le sujet.

Plus de changement pendant 15 ans

Selon le constructeur français, cette baisse des parts du capital dans Nissan est en réalité une libération et une prise de pouvoir. Pour rappel, Renault qui détenait 43,4% dans Nissan alors que ce dernier ne possédait que 15% dans le capital du constructeur français ainsi qu'une interdiction de vote aux assemblées générales. Renault repasse à 15% du capital, assurant ainsi une égalité parfaite qui sera valable 15 ans, une durée qui scelle un accord solide selon Renault. Les deux groupes ont désormais autant de droit de vote.

Reste une inconnue : quid de la vente des parts du constructeur français ? Aucun véto ne pourra être effectué par le constructeur japonais sur le destinataire de la vente bien que le japonais bénéficie d'un droit de premier offre à son profit ou à un tiers désigné. Le groupe français assure ne pas vouloir céder un nombre important des parts à un même investisseur qui pourrait faire de la concurrence à l'alliance. Cependant, aucun délai n'a été fixé pour la vente des parts ni aucune limite claire de la part de Nissan.

Finalement, ce nouvel accord est surtout l'occasion d'apaiser les tensions avec les japonais, très irrités de leur pouvoir limité dans cette alliance. Plus de frustration donc plus aucun frein pour les futurs projets selon le constructeur français. L'idée n'est plus de fonctionner en "leader-follower", autrement dit guide et suiveur, mais plutôt de construire une identité propre à chacune des entreprises et de bénéficier des avancées de chacune d'entre elles. Selon Jean-Dominique Senart, président de Renault : « cette alliance est le retour de la confiance. Vous allez assister à une accélération de l'Histoire ». Ce à quoi le directeur général, Luca de Meo, se dit confiant, pour l'avenir du groupe français : « nous n'avons pas de temps à perdre ».

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Commentaires 2
à écrit le 07/02/2023 à 9:43
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Je ne reconnais plus cette belle société et j'imagine que d'ici une dizaine d'années elle aura été digérée. C'est terrible ces financiers qui ont remplacé les ingénieurs..

à écrit le 07/02/2023 à 1:14
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Marche de dupes.

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