Voiture électrique : quand le luxe rattrape son retard

Commencée tout en bas de l’échelle, la transition vers des motorisations plus vertueuses s’est par la suite étendue à l’ensemble des constructeurs, dont les marques sportives. Une révolution sous forme de démocratisation lancée chez Toyota et Renault dans le contexte de l’après-pétrole. (Cet article est extrait de T La Revue n°12 - « Climat : Et si on changeait nous aussi ? », actuellement en kiosque).
Emblème d’une nouvelle ère, la Porsche Taycan roule à l’électrique ; une petite révolution dans le secteur automobile de luxe qui a mis un certain temps à monter dans le train de la modernité.
Emblème d’une nouvelle ère, la Porsche Taycan roule à l’électrique ; une petite révolution dans le secteur automobile de luxe qui a mis un certain temps à monter dans le train de la modernité. (Crédits : Porsche)

En s'installant dans son habitacle, on est comme happé. L'iconique logo Porsche sur le volant, le compte-tours qui nous toise du regard et cette profusion de boutons, de manettes et de dispositifs d'aides au pilotage laisse augurer quelques belles épopées routières. À n'en pas douter, la Taycan constitue plus qu'une simple automobile. Elle est un vaisseau à la ligne futuriste et aux accélérations fulgurantes, abattant le 0 à 100 km/h en 4 secondes tout rond. Évidemment ultrarapide, cette Porsche, bénéficiant de 571 chevaux sous le capot, semble, sur le papier, correspondre aux canons historiques d'une marque bien connue pour son fort caractère et sa sportivité. Mais il y a, depuis quelques années, et sur ce modèle en particulier, une véritable nouveauté. Mieux : un changement d'époque, peut-être même une révolution ! Emblème d'une nouvelle ère, la Taycan roule en effet à l'électrique. Et son autonomie, si tant est qu'on lui ajoute l'option batterie Performance Plus (soit 93,4 kWh), est tout à fait intéressante puisqu'elle culmine à 498 kilomètres. De quoi se laisser aller et faire de jolies virées.

Prius et Zoe, l'hybride et l'électrique pour monsieur Tout-le-Monde

Si le constructeur de Stuttgart est aujourd'hui à la pointe de la sportivité branchée, il faut se souvenir que les marques de luxe ont, pour la plupart, mis un certain temps à monter dans le train de la modernité. Ce que nous explique le journaliste à BFM Business et spécialiste automobile, Antoine Larigaudrie : « Les marques de luxe et de sport ont des clientèles très conservatrices, attachées à la puissance et la musicalité des moteurs. Logique, dès lors, que le processus d'électrification prenne plus de temps. » Pour savoir qui développe en priorité les nouveaux procédés de propulsion automobile, il faut regarder ailleurs. En priorité du côté des constructeurs dits « populaires », ceux-là mêmes qui représentent l'essentiel des ventes aux quatre coins du globe. En la matière, la prise de conscience est plus ancienne qu'on ne l'imagine. Dès les années 1960, le congrès américain préconise de booster la recherche autour de la production de véhicules moins polluants et moins gourmands en essence. La fin du boom économique, conjugué à la crise pétrolière de 1973, va accélérer la prise de conscience. Mais il demeure alors un problème de taille : la technologie de l'époque est peu fiable et les batteries ne sont pas assez puissantes pour espérer concurrencer les moteurs thermiques. Il faudra attendre les années 1990 pour que la révolution s'opère. Au Japon, le constructeur Toyota se met en tête de développer un véhicule hybride qui recharge ses batteries au freinage et dans les descentes. Son objectif : proposer un bond technologique à destination de monsieur Tout-le-Monde. La première Prius est née ! Sa consommation moyenne de 5,1 l/100 km, deux fois moins qu'un véhicule essence de l'époque, étonne. Mais c'est surtout son design, pour le moins pataud, qui détonne à son lancement, en 1997. Dans le même temps, en France, Renault travaille à une technologie concurrente. À la suite du concept car Zoom, la marque entame la construction de centaines de Clio électriques. Ce n'est encore qu'une goutte d'eau, mais il y a là matière à préparer l'opinion publique au monde - alors lointain - de l'après-pétrole. Une préfiguration de modèles full Electric qui roulent aujourd'hui dans nos villes, les Twizy et Zoe. On doit à Renault donc, Toyota et Nissan avec son modèle Leaf (en français « feuille », comme pour enfoncer le clou d'une automobile plus respectueuse de l'environnement), l'avènement du monde d'après. Ainsi, ce n'est pas le haut du panier qui a engendré le bouleversement mais bien le bas de l'échelle, autant pour des questions de pouvoir d'achat que de protection de la nature.

Une accélération des motorisations vertueuses

Pour Antoine Larigaudrie, cela ne fait aucun doute : « L'hybride est plutôt le terrain de développement de la voiture du quotidien, de flux, et l'expérience incroyable emmagasinée par Toyota depuis la toute première Prius il y a 25 ans. Au vu des objectifs de réduction des émissions au niveau européen, incroyablement drastiques quand on sait les cycles de vie habituels des technologies auto, tout le monde est obligé de s'y mettre à marche forcée. » La situation est désormais telle que l'ambition électrique emporte tout. Antoine  Larigaudrie nous explique ainsi que « la nécessité d'être encore plus ambitieux en matière environnementale fait, par exemple, que l'hybride simple, "à la Toyota", ne figure plus que comme un niveau "standard" en matière de motorisation propre. Un rapport de Greenpeace souligne même que Toyota et Honda, précurseurs en la matière, accusent désormais un vrai retard technologique pour être dans les clous. C'est pourquoi on assiste à une accélération dingue sur les technologies suivantes, l'hybride rechargeable et le full electric ». Et quoi de mieux pour accélérer que de s'installer chez ceux qui, de tout temps, ont érigé la puissance et la vitesse comme valeurs directrices de leur action ? En 2022, pour trouver le meilleur de l'automobile du futur, c'est souvent vers les cadors du secteur qu'il faut se tourner. À ce titre, la triade allemande Audi, Mercedes, BMW fait office de tête d'affiche, avant que d'autres marques, également réputées, ne s'y mettent à leur tour, à commencer par Jaguar ou Lotus, Maserati ou Range Rover. Pour tous ces constructeurs, la stratégie fut simple : dans un premier temps, il s'agissait de laisser les précurseurs s'époumoner (et parfois se ruiner) dans un processus coûteux de recherche et développement avant de reprendre le lead, une fois la technologie fiabilisée, pour l'améliorer et la rendre plus performante encore. « Porsche fut l'un des premiers à concevoir une supersportive hybride rechargeable, la 918 Spyder, en 2011, explique Antoine Larigaudrie. Leurs finances et leurs marges leur permettent d'ailleurs pour la plupart de développer même des modèles 100 % électriques, autrement dit, de faire le grand saut, pour produire des engins au plaisir de conduite et aux sensations entièrement nouvelles. La Taycan de Porche et surtout le Jaguar IPace, très précurseur, en sont autant de preuves. » Chez Porsche, la transition est en marche. La très symbolique et électrique Taycan fut le deuxième modèle de l'écurie allemande le mieux vendu en 2021 derrière le Cayenne et un véritable best-seller au Royaume-Uni, Norvège et Belgique. À terme, c'est-à-dire en 2030, la marque prévoit de vendre 80 % de véhicules électriques dans le monde. Populaires ou plus luxueuses, la part des « motorisations vertueuses » ne cesse aujourd'hui de s'accroître chez Honda, Peugeot, Hyundai comme chez leurs concurrents plus onéreux, preuve que tout le secteur profite aujourd'hui, sans distinction, du bond technologique. Attachez vos ceintures, en route pour le monde d'après !

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Commentaires 4
à écrit le 22/01/2023 à 15:28
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Porsche a tout simplement racheté le concepteur de 'supercars' électriques croate Rimac, qui a lui-même repris la marque Bugatti.

à écrit le 22/01/2023 à 10:19
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"Une révolution sous forme de démocratisation": Samana devrait consulter son dictionnaire, "démocratisation" n'a pas ce sens-là. Il s'agit de mettre à disposition du plus grand nombre pour moins cher. Avec le changement forcé de technologie, on est p...

à écrit le 22/01/2023 à 10:01
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Voiture complètement hors du temps: 571 CV pour rouler à 80 sur routes et 130 sur autoroutes, sans compter un prix exorbitant ....

le 22/01/2023 à 18:25
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110 sur autoroute (voire 100 ou 90) sinon la batterie se déchargera vite, comme neige au soleil. Oubliez le 130, c'est du passé, pétrolier et polluant. Y en a qui ont tenté le 30km/h et ont fait 1000km avec un véhicule électrique 'banal', la vitesse...

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